Editorial : Un goût d’inachevé
L’ex ministre de l’énergie, de l’eau, des recherches minières et pétrolifères est sur la sellette. Barthélémy Kassa, aujourd’hui député, de surcroît président de groupe parlementaire subit une véritable épreuve de nerfs. Sitôt après le tollé des hollandais relatif à l’évaporation d’une aide financière avoisinant 3 milliards devant servir à réaliser des ouvrages d’accès à l’eau potable aux populations rurales, il a été désigné comme la proie à abattre. Communiqués du conseil des ministres, courriers du chef de l’Etat adressés à la représentation nationale demandant la levée de son immunité parlementaire, matraquage médiatique assuré de main de maître par le Procureur général près la Cour d’appel de Cotonou, tout y est passé.
Les savants cours de droit administrés de main de maître par le président de l’Assemblée nationale au chef de l’Etat n’ont rien changé à cette cabale. Pourtant, cette affaire qui fait couler beaucoup d’encre et de salive n’a pas encore livré tous ses secrets. Le gouvernement, mû par des motifs qui lui sont certainement propres, va un peu trop vite en besogne, oubliant qu’il appartient exclusivement à la justice, indépendante de l’Exécutif du reste, de situer les responsabilités des personnes indexées dans ce scandale honteux qui défraie la chronique. Nul doute que les faits sont suffisamment graves et méritent que des sanctions fermes et exemplaires soient prononcées à l’encontre des coupables. Mais avant cela, il faut pouvoir les identifier et non désigner tout de go des boucs émissaires.
Le cabinet Kroll, de renommé internationale, qui a reçu un cahier de charges précis, n’a détecté aucun flux financier entre Barthélémy Kassa et les deux opérateurs économiques impliqués dans ce scandale. Il est important de le souligner, l’un des plus hauts faits de ce prestigieux cabinet a été de dénicher pour le compte des Etats-Unis, les endroits où Saddam Hussein, l’ex dictateur irakien cachait ses avoirs. Si avec cette carte de visite impressionnante, les experts du cabinet Kroll n’ont trouvé aucun élément susceptible d’incriminer l’ex ministre, c’est qu’il faut commencer par prendre avec des pincettes les accusations dont celui-ci est victime, sans toutefois occulter une probable responsabilité morale à sa charge.
Cerise sur le gâteau, la commission spéciale mise sur pied par le président de l’Assemblée nationale suite à la requête de la levée de l’immunité parlementaire du député Barthélémy Kassa n’a pas fait de cadeau au chef de l’Etat. La plainte dont ce dernier est l’auteur n’est, aux yeux des membres de cette commission, « ni sérieuse, ni sincère, ni loyale ». Un véritable camouflet pour la haute autorité. La logique recommande dans ce cas que la requête présidentielle soit rejetée. Mais, faute de consensus, ladite commission, malgré les éléments dont elle disposait, s’est abstenue d’émettre un avis, laissant ce soin à la Conférence des présidents. Alexis Agbéléssessi, magistrat de profession, Joseph Djogbénou, Agrégé des facultés de droit et leurs pairs députés n’ont satisfait les attentes de l’opinion qu’à moitié. La plénière se chargera de finaliser leurs travaux.