Editorial : Yayi et la méthode Houngbédji
Aujourd’hui plus qu’hier, Boni Yayi doit amèrement regretter l’échec de son poulain au perchoir. Adrien Houngbédji, l’homme qui, épaulé par une équipe déterminée, a réduit en cendres les espoirs brûlants des partisans du régime au pouvoir, fait maintenant parler de lui comme il sait si bien le faire. Au sommet de sa riche carrière politique à rebondissements, le leader des tchoco-tchoco refuse de se laisser marcher sur les pieds. Avec Adrien Houngbédji aux commandes du parlement, les lignes de démarcation entre l’Exécutif et le Législatif sont reprécisées et ne peuvent être franchies. Les récents événements l’attestent plus qu’il n’en faut. Si Mathurin Coffi Nago, malgré son prestigieux titre de Professeur titulaire des universités du Cames, a été une marionnette dans les mains du chef de l’Etat, Adrien Houngbédji, ex magistrat et avocat de profession, n’est pas disposé à adopter la même attitude. Bien au contraire !
Depuis son élection dans la nuit du 20 mai dernier, la deuxième personnalité de l’Etat ne se fait pas prier pour indiquer au président de la République que plus rien ne sera comme avant pour ce qui est des rapports entre le gouvernement et l’Assemblée nationale. Juriste de profession, légaliste à souhait, Adrien Houngbédji fait du respect du principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs, un credo. Point de place aux immixtions et injonctions déguisées auxquelles l’opinion a été habituée ces huit dernières années. Avec lui, aucune limite ne saurait être franchie. Et les Béninois redécouvrent avec bonheur, du moins pour l’instant, que le parlement peut épauler le gouvernement, par les ratifications d’accords de prêts notamment, sans donner l’impression d’être à la solde du pouvoir.
Le chef de l’Etat qui pensait instrumentaliser l’institution parlementaire à sa guise est stoppé net dans son élan. Déjà, il avait cru devoir solliciter de la part de Adrien Houngbédji, l’interpellation par les services judiciaires du député Janvier Yahouédéou, qui a proféré à son endroit de graves accusations relatives à la gestion du scandale Icc services et consorts. Sur un ton ferme qui n’admettait aucune réplique avec à la clé une savante leçon de droit, Adrien Houngbédji a rejeté sans autres formes de procès cette curieuse demande présidentielle. Quelques semaines plus tard, le chef du gouvernement, nullement décontenancé, revient à la charge. A quelques exceptions près, il formule la même requête, cette fois à l’encontre de Barthélémy Kassa, son ex ministre aujourd’hui député. Si Houngbédji a fait mine d’enclencher la procédure parlementaire à ce niveau, il ne se refuse pas néanmoins le plaisir de livrer son état d’âme à ce sujet, sur la base d’un brillant exposé juridique qui a tout l’air d’une remontrance.
Indubitablement, Yayi fait les frais du retour de Houngbédji au perchoir. Nul doute qu’il aurait préféré le rebelle Nago à l’implacable Houngbédji. Le match ne fait que commencer et s’annonce palpitant.