Editorial : Que fait Talon de sa majorité ?
Comme ses prédécesseurs de l’ère du renouveau démocratique, il a gravi les marches du palais de la Marina sans avoir fait au préalable ses armes dans une formation politique. Mais à la différence de ses aînés, il ne s’empresse pas d’envahir la scène politique. A sa prise de pouvoir, le 6 avril 2016, beaucoup s’attendaient à voir Patrice Talon aux commandes d’une grande coalition politique. Ses soutiens, dont le nombre de cesse d’augmenter au fil des semaines et des mois, n’ont pas encore été invités à unir leurs forces au sein d’un large creuset. Chacun y va de son inspiration et de ses aptitudes pour épauler le chef de l’Etat. Ce dernier donne l’impression de ne pas être animé par la volonté de contrôler sa troupe. Jusqu’à preuve du contraire, libre cours est donné à ses partisans d’agir à leur guise.
Contrairement à Patrice Talon qui prend son temps, ses deux derniers prédécesseurs ont mis en place une véritable machine de combat. Feu Mathieu Kérékou a jugé utile de rassembler la longue liste de ses partisans dans un creuset unique dénommé « Union pour le Bénin du futur » (Ubf). Cette option a l’avantage de dresser un répertoire des alliés politiques du gouvernement et de coordonner leurs diverses interventions. Ce groupe ouvert à tous les mouvements et partis politiques soutenant ses actions s’inscrivait dans la dynamique de mettre en exergue les réalisations et acquis du « caméléon » mais aussi de contrer les velléités de l’opposition sur le terrain. Sous la présidence de Bruno Amoussou, l’Ubf a connu de beaux jours avant de sombrer. A l’avènement de Boni Yayi en 2006, cette alliance a disparu comme par enchantement.
Au lendemain de son investiture à la tête de l’Etat, le chantre du changement puis de la refondation, ne s’est pas fait prier pour mettre sur pied son équipe de combat politique. C’est ainsi que les « Forces cauris pour un Bénin émergent » ont vu le jour. Et comme ce fut le cas sous la présidence de feu Mathieu Kérékou, les animateurs de la vie politique se sont rués sur ce machin. Boni Yayi accordait du prix à ce regroupement et il n’a ménagé aucun effort pour qu’il connaisse des moments de gloire. Nombre de contempteurs de son régime qui avaient une certaine assise électorale ont été réduits au silence par cette machine qui broyait presque tout sur son passage. En témoignent les bons résultats obtenus au terme des différentes élections législatives, municipales, communales et locales de même que la présidentielle de mars 2011. Vouées à une mort certaine, les Fcbe, du moins ce qu’il en reste, ne jurent que par leur survie.
Curieusement, Patrice Talon ne s’est pas inscrit dans cette dynamique, en tout cas pas pour l’instant. Ses faits et gestes démontrent à suffisance qu’il ne nourrit pas un grand intérêt pour une coalition de partis et mouvements soutenant ses actions. Le rejet du projet de révision de la Constitution qui a consacré une part non négligeable à la réforme du système partisan en est-il pour quelque chose ? Peut-être que oui. Peut-être que non. La nature ayant horreur du vide, un groupe de députés a d’ores et déjà mis sur pied le Bloc de la majorité présidentielle (Bmp). Patrice Talon va-t-il récupérer cette initiative ? Ses partisans candidats aux législatives de 2019 et aux municipales, communales et locales de 2020 se présenteront sur quelle liste ? Nul doute qu’il avisera.