Afrique de l’Ouest : deux sommets, un immense gâchis et des impasses

7 juillet 2024

Un week-end avec deux sommets en Afrique de l’Ouest, un sommet de l’Alliance des États du Sahel (AES) hier samedi 6 juillet à Niamey et un sommet de la Cédéao ce dimanche à Abuja. Deux sommets qui illustrent une cassure sans précédent au sein de la région, depuis l’annonce simultanée en janvier dernier du départ des trois pays du Sahel central, Mali, Burkina Faso et Niger, de la Cédéao.

Oui, une profonde cassure et surtout un immense gâchis. En 2017, j’écrivais dans une tribune que le fait « d’accepter le détachement géopolitique progressif du Sahel de l’Afrique de l’Ouest institutionnelle incarnée jusque-là par la Cédéao pourrait être une erreur stratégique majeure… qui conduirait à casser la dynamique de solidarité entre pays côtiers et pays enclavés et à mettre en danger les principaux chantiers de l’intégration ouest-africaine ».
Je n’imaginais pas qu’on y serait arrivé sept ans plus tard. Qu’on en serait à commenter d’un côté un sommet d’un trio de chefs militaires qui ont pris le pouvoir et le conservent par la force et de l’autre, un sommet de dirigeants de la Cédéao dont plusieurs ont contribué à la décrédibilisation de l’action de l’organisation régionale. Le dernier en date, le dirigeant du Togo, a quand même choisi de doter son pays d’une nouvelle constitution supprimant l’élection présidentielle au suffrage universel, une constitution qui ne sera connue des citoyens togolais qu’après sa promulgation.
Les acteurs politiques civils qui n’ont jamais cru aux vertus de la démocratie et de l’État de droit ne veulent pas d’une Cédéao réformée pour être plus efficace. Ils veulent une Cédéao affaiblie, qui laisserait chaque dirigeant faire ce qu’il veut dans son pays.

Un rapport récent de l’Institut d’études de sécurité recommande aux autorités militaires de « conduire des transitions véritablement inclusives, en respectant les libertés fondamentales », de « repenser la gestion de la crise sécuritaire à l’aune des enseignements de la dernière décennie, notamment en matière de protection des civils et concernant la nécessité de compléter l’action militaire par des actions non militaires ».
Oui, ce rapport est très intéressant et constructif et ses recommandations sont bienvenues. Le souci est que les dirigeants militaires semblent s’orienter chaque jour encore plus dans la voie de la militarisation à outrance de l’État et de la société. La peur est maintenant bien installée. Même les ardents défenseurs des pouvoirs militaires devraient avoir maintenant compris qu’ils peuvent eux aussi se retrouver rapidement arrêtés, condamnés et emprisonnés dès qu’ils ont la mauvaise d’idée d’émettre des réserves sur la conduite des affaires du pays.

Vous dites que nombre d’acteurs militaires et civils qui sont aussi comptables du délitement de leurs États que les anciens présidents renversés se font passer sans mal comme des révolutionnaires patriotes et vertueux
Oui, dans ce registre, les généraux au pouvoir à Niamey sont les moins crédibles : Le général Abdourahmane Tiani, qui a commandé la garde présidentielle sous Mahamadou Issoufou pendant dix ans, et le numéro deux et ministre de la Défense actuel, le général Salifou Mody, qui fut chef d’état-major des Forces armées nigériennes également sous le président Issoufou, sont tout sauf des hommes neufs. Au Niger, depuis bientôt un an, la réalité est celle d’une prise de contrôle de l’État, y compris de l’administration civile, de la gouvernance locale, et des entreprises publiques, par des hauts gradés.
Dans le pays non sahélien que tout le monde oublie, la Guinée, l’ex numéro deux de la junte, le général Sadiba Koulibaly, tombé en disgrâce, est mort en détention dans des conditions fort douteuses fin juin. Tous les médias indépendants ont été fermés depuis quelques mois. Le général Mamadi Doumbouya et ses fidèles sont en roue libre. C’est ce à quoi d’autres pays de la région seront exposés au cours des prochaines années si les voix des sociétés civiles qui peuvent encore s’exprimer ne le font pas.
Source : rfi



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