Au Bénin comme dans plusieurs autres pays, les populations souffrent atrocement de la forte chaleur qui sévit depuis le début de l’année 2024. Face à la crise climatique, il y a des interrogations pour comprendre les causes mais surtout pour connaitre les moyens de s’en sortir. Ces interrogations trouvent des réponses dans cette intervention du professeur Michel Bocco, climatologue, prix Nobel de la paix pour ses apports au climat co-reçu avec l’ancien vice-président des Etats-Unis Al Gore en 2007. Le scientifique propose entre autres de consommer beaucoup d’eau en plus d’autres mesures à prendre. Il était reçu sur les antennes de la Radio Peace FM. Découvrez ses explications dans le quotidien Fraternité.
Professeur vous avez connaissance de la forte chaleur qui sévit au Bénin et dans la sous-région. Qu’est-ce qui peut bien expliquer cela ? Est-ce que c’est lié au changement climatique ?
Mais oui ! Tout le monde en souffre depuis pratiquement le mois de Janvier. Les températures qu’on enregistre ne sont pas conformes à ce que nous appelons la normale c’est-à-dire la moyenne établie sur 30 ans au moins. Et ce qui se passe devient exceptionnel. Mais, dans les études de la dynamique des climats, on sait qu’il y a ce que nous appelons les évènements extrêmes. Par exemple, des années où les températures peuvent être extrêmement basses qu’à l’ordinaire et des années où les températures seront largement au-dessus de la normale c’est-à-dire de la moyenne sur les 30 ou 60 ans ou 90 ans. Et cette année, c’est un peu exceptionnel. Il y a déjà eu par exemple en 2003, une vague de chaleur comme ça qui a fait, si j’ai bonne mémoire, près de 15.000 décès en Grèce. La chaleur exceptionnelle, ça dépend de la période où ça arrive. Si nous sommes dans l’hémisphère nord, dans les pays tempérés, ça arrive en été alors là, c’est catastrophique puisque les personnes âgées qui ne boivent plus beaucoup d’eau et qui vont trop transpirer vont tout de suite être déshydratés et les enfants aussi dans la même situation ont des risques de déshydratation et de mort subite. Maintenant on peut se dire pourquoi ça arrive ? Ça arrive, il y a au minimum trois paramètres, qu’il faut prendre en compte. Souvent on dit changement climatique. Oui ! Mais, dans le changement climatique, tous les paramètres n’agissent pas de la même façon ni toujours en même temps et quand ça agit en même temps, c’est là où on a les excès. Je me souviens, il y a déjà quand même plus de 40 ans maintenant, quand je faisais mes travaux pour le doctorat d’Etat, j’ai essayé de voir quelle est la fréquence de ces événements et j’ai comparé avec d’autres paramètres. Le paramètre qui m’avait le plus impressionné, c’est ce qu’on appelle le nombre de Wolf et il s’agit de quoi ? Il s’agit des tâches solaires, autrement dit, la quantité d’énergie que la terre reçoit du soleil n’est pas toujours uniforme. Ça varie et cette variation se trouve dans une échelle de temps de 13 ans, soit des multiples de 13 ans, soit des sous multiples des 13 et vous comparez. Vous allez trouver, quand vous faites ce qu’on appelle en langage technique "une analyse spectrale", c’est-à-dire pour repérer les cycles, les temps de répétition de ces événements là quand on les fait et on trouve des cycles de 7 ans, c’est un peu légèrement au-dessus de la moitié de 13. Les cycles de 7 ans, les cycles de 4 ans, les cycles de 2 ans qui arrivent souvent et si vous prenez les séries de précipitations ou les séries de température et vous faites l’analyse, ce qu’on appelle l’harmonie spectrale, vous allez voir que ces pointes se répètent et on les rapproche justement du cycle solaire qui est de 13 ans. Si l’évaporation sur la peau ne se produit pas, l’homme emmagasine de la chaleur sans pouvoir en libérer. Parce que l’évaporation de la sueur permet de libérer la chaleur, mais tant que nous n’arrivons pas à faire évaporer cette sueur, nous conservons les calories que nous recevrons. Donc imaginez que nous sommes dans une situation où l’évaporation se fait mal, ce qui va provoquer une grande trigonométrie, c’est une grande quantité d’eau dans l’atmosphère sous forme de vapeur et lorsque l’atmosphère va être proche de la saturation, notre peau ne pourra plus évaporer, et nous allons avoir tout le temps chaud. Et c’est la conjonction de ces paramètres qui fait que depuis le mois de Janvier, nous sommes comme dans une étuve, la sueur est là, la sueur ne s’en va pas, parce que l’atmosphère elle même est déjà saturée par toute la vapeur d’eau que la conjonction de l’énergie solaire reçue et en même temps le fait que la surface des océans se renouvelle, le froid remonte et l’air chaud est repoussé au large et va plonger, et ça crée ce qu’on appelle les "ondes Deskmanne". Alors, nous aurons tout le temps chaud jusqu’à ce que le phénomène s’inverse.
De façon plus simple, pour le Béninois qui est dans un village à Djakotomey, qu’est-ce qu’il doit comprendre de tout ce que vous venez de dire ?
Il doit comprendre que la nature, il faut la connaître pour mieux la comprendre. Tout le monde souffre du changement climatique. Oui, nous avons contribué à changer certains paramètres du climat. Nous continuons par exemple en mettant du bitume partout, le bitume c’est un corps noir, qui absorbe la chaleur et ça restitue après la chaleur. Déjà en classe de quatrième, on sait ce qu’on appelle un corps noir, il absorbe la chaleur et la restitue progressivement. C’est nous qui contribuons à ça. Lorsque nous détruisons la végétation et laissons le sol nu, le sol va absorber la chaleur et va continuer à restituer cette chaleur là. Lorsque que nous rechargeons l’atmosphère en gaz, ce qu’on appelle les gaz à effet de serre, c’est à dire la serre, c’est une case en vitre ou il n’y a pas d’échange possible avec l’extérieur, alors si vous chauffez en émettant nos gaz de cuisine, de voiture, camion où de tout ce que vous voulez ou des incendies de forêt, nous ajoutons tous ces gaz là dans l’atmosphère, nous contribuons au réchauffement. Lorsqu’il y aura des éruptions solaires, c’est-à-dire des quantités supplémentaires d’énergie solaire qui vont nous parvenir, nous ne pourrons pas gérer parce que nous avons déjà surchargé l’atmosphère avec des gaz qui ont pour effet de réchauffer l’atmosphère. Donc quand vous mettez ces deux phénomènes côte à côte où quand ces phénomènes deviennent des phénomènes simultanés, il n’y a rien à faire, la température doit augmenter.
Comment doit-on s’y prendre face à la chaleur qui devient de plus en plus forte ?
Il y a des méthodes qu’on peut conseiller. Moi je crois que le ventilateur c’est la meilleure méthode, parce que le ventilateur ce n’est pas forcément un ventilateur électrique. Vous pouvez avoir un éventail, ca peut suffir dans certaines conditions. Par contre, la climatisation, je ne la conseille pas, parce que les gaz qu’on met dedans, ce sont des gaz à effet de serre. Donc plus vous en mettez, plus vous contribuez au réchauffement climatique, vous refroidissez à l’intérieur mais vous polluez l’atmosphère et ça vous reviendra parce que vous n’allez pas vivre reclus dans votre bureau, dans votre chambre toute votre vie, vous allez sortir et vous allez recevoir les effets. C’est fatal ! Il faut boire de l’eau, parce que si vous ne buvez pas et vous transpirez les cellules vont commencer par ratatiner et puis voilà vous crevez. Donc, il faut boire de l’eau pour que votre quantité d’eau de 70% reste dans votre corps. Il faut consommer de l’eau le plus possible. Il paraît qu’il faut prendre 2 ou 3 litres alors qu’avant on disait 1 ou 2 litres, ça nous suffisait. Mais, le problème est qu’il faut trouver de l’eau propre, il faut utiliser de l’eau saine. Je vois des bouteilles d’eau, des flacons des bouteilles d’eau, premièrement de l’eau que vous mettez dans une bouteille plastique est un poison. Parce que quand j’étais étudiant j’ai travaillé dans des usines où on fabrique ces plastique-là, je sais ce qu’on met dedans et tout le monde sait que quand vous mettez à l’air libre, les substances chimiques rentrent dans l’eau que vous consommez et ces substances sont très dangereuses pour l’homme.
Quelle eau boire alors ?
L’eau des bouteilles plastiques que nous consommons est du poison parce qu’on a mis un produit dedans qu’on appelle "Alpha phenolanole". Je l’ai utilisé en usine pour faire des bouteilles plastiques. Donc, je le sais et c’est très grave pour la santé humaine. Mais quand vous mettez cette bouteille avec l’eau à la lumière, la substance passe dans l’eau que vous consommez, vous vous empoisonnez. Quand on trouve des flacons d’eau exposés au soleil dans Cotonou ici, des vendeurs et vendeuses qui ne savent pas qu’exposer leurs bouteilles au soleil, c’est du poison qu’on vous vend. dans ces conditions-là, cherchons de l’eau propre, je préfère aller boire l’eau de puits au lieu de boire l’eau qui a séjourné dans une bouteille plastique.
Transcription : Brunelle E. AZA (Stag)
- 8 octobre 2024
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