La gestion de la personnalité, des humeurs, des intérêts politiques combinés avec les privilèges, l’envergure sociale et l’utilité pour la république de nos anciens présidents de la République demeure un problème entier.
Nos archives comportent des souvenirs des sorties mémorables de Nicéphore Soglo et Boni Yayi à ce sujet.
Le premier, traitant son successeur de tous les noms d’oiseaux, proférant des sentences sur sa moralité ainsi que sur les limites tragiques de ses capacités à gérer un État, et allant jusqu’à prophétiser le triste sort qui lui est réservé à la fin de sa mission. Et le même, trouvant sans transition à la faveur d’une visite guidée que, dans le fond, il y a de quoi féliciter celui-ci.
Le second, faisant continûment des études comparées, dans le but de démontrer à l’envie que son successeur est dans une œuvre de démolition du patrimoine qu’il a construit, tout en opposant une certaine résistance à poings fermés, qui a fini par le conduire à des extrêmes, au préjudice de sa liberté. Depuis, il a pris officiellement la tête du plus grand parti d’opposition et bien entendu, il fait sa part de « devoir républicain », étant désormais payé pour s’opposer.
De fait, il est constant dans notre pays, que les soubresauts de la vie politique s’articulent autour de nos anciens présidents. Les tensions politiques et les crises qui en découlent prospèrent avec leur bénédiction et parfois leur appui direct.
On pourrait trouver que c’est tout à fait leur droit de citoyens libres et sans obligations particulières. Sauf qu’ils ont des obligations qu’ils ignorent royalement. Peut-être parce que rien n’est écrit dans ce sens dans la constitution.
L’usage ailleurs nous donne d’observer que, même accablé par des problèmes judiciaires qu’il considère indignes et révoltants, Nicolas Sarkozy ne juge pas publiquement la gouvernance d’Emmanuel Macron qui est pourtant critiquable à loisir, à plusieurs égards. Il observe une réserve prudente sur plusieurs sujets sensibles.
François Hollande est encore plus discret et, même dans des situations ubuesques à l’image de celle que vit la France politique par ces temps de bricolage politicien, on ne l’entend pas.
Quand bien même leur successeur, au creux de la vague et pris dans la tourmente, les consulte pour profiter de leurs conseils avisés, ils n’expriment pas publiquement leurs prétentions.
Plus loin, Bush, Bill Clinton et Barack Obama, tout en appuyant leurs formations politiques respectives en des périodes précises, par des apparitions contrôlées (primaires, investiture, campagne électorale), ne donnent jamais leur point de vue personnelle sur les choix politiques et stratégiques de Joe Biden. Par exemple, sur la guerre en Ukraine qui divise l’opinion américaine et qui a donné lieu à un bras de fer au congrès au sujet de l’aide à octroyer à ce pays, on n’a jamais entendu le point de vue personnel des anciens présidents, à plus forte raison des jugements de valeur sur les options et les capacités de leur successeur. Et pourtant, on se doute qu’ils ne pensent pas moins.
D’où la question sur le mode d’emploi des nôtres. Le cadre de concertation proposé par Patrice Talon qui bientôt viendra grossir leur effectif sera-t-il un dérivatif, un exutoire ou une panacée ?
À l’heure où nous envisageons de restaurer les valeurs de la chefferie traditionnelle, il apparaît nécessaire de définir un code de conduite et un cadre d’utilité publique pour nos anciens présidents.
Autrement, si à deux ils peuvent produire quelques étincelles, à trois et en étant opposés, ils pourraient former un foyer…incandescent.
Anicet OKE
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