Editorial : oser inventer la médecine béninoise

30 septembre 2024

Posons d’emblée une question essentielle : avant l’introduction dans nos usages de la médecine occidentale, nos parents avaient-ils les moyens de se soigner ? À cette question, on ne saurait répondre autrement que par un « OUI » convaincu. Et on serait tenté d’ajouter que cette médecine naturelle, même si elle demeure totalement empirique, est riche d’une pratique multiséculaire.
Mais alors qu’avons-nous fait de cet héritage ancestral ? C’est là où le bât blesse. Car, partout où porte le regard, la médecine naturelle du Bénin donne l’impression d’être condamnée à la rétrogradation.
Ceux qui exercent le métier de tradithérapeute sont généralement des analphabètes n’ayant jamais mis les pieds à l’école et qui traînent les tares de la vie rurale et paysanne. Ils prospèrent dans l’approximation et travaillent dans un cadre improbable. De sorte que les remèdes proposés, de par leurs conditions de préparation, rebutent un public peu enthousiaste. Ceci, pour plusieurs raisons.
Entre autres, du fait des règles d’hygiène douteuses et à cause du dosage homéopathique qui reste aléatoire. Parce que la transmission orale a connu des biais au fil du temps, rendant les remèdes parfois dangereux et susceptibles de créer des ennuis de santé plus graves que ceux qu’ils sont supposés guérir.

À qui la faute ?
D’abord à nous tous qui continuons de croire depuis la rengaine coloniale de la diabolisation de la science de nos aïeux, que notre médecine naturelle est indigne d’intérêt.
Ensuite, aux milieux universitaires qui, accrochés aux préceptes occidentaux, n’ont pas daigné s’approprier ce savoir ancestral pour l’étudier, l’améliorer, l’enrichir, le moderniser et le valoriser, de sorte à créer une médecine moderne béninoise qui fasse l’unanimité dans le monde sur ses performances préventives et curatives.
Enfin, aux dirigeants qui préfèrent se plier aux exigences des bailleurs de fonds qui, pour faire prospérer leurs industries, les contraignent par exemple, à subventionner généreusement certaines maladies pour maximiser l’utilisation des appareils, des kits et des médicaments, de sorte à offrir un marché juteux aux firmes pharmaceutiques ainsi qu’aux laboratoires occidentaux qui se sucrent sur notre budget national, au détriment de notre santé.
Ce faisant, nous avons opté pour maintenir dans une forme chronique et parfois endémique, des maladies que la médecine naturelle béninoise serait susceptible de guérir en un temps record, avec en bonus, des prescriptions sur les interdits sacrés qui préservent l’environnement, ainsi que l’observance des règles d’hygiène de vie et de consommation d’aliments sains qui accompagnent les soins.
Ainsi, nous préférons subventionner l’insuffisance rénale dans un pays où la médecine naturelle a les moyens de réduire et même d’éradiquer cette maladie . Nous faisons de même avec la césarienne qui a fini par devenir banale, dans un pays où une grossesse rondement menée et une délivrance sans complication et sans médicament, est un fait courant dans nos campagnes.
Et pourtant ! Pourtant, nous avons des universités qui inondent le marché de l’emploi de milliers de Docteurs et autres chercheurs qui cherchent on ne sait trop quoi et trouvent ce qu’on sait encore moins.
Jusqu’à quand cette politique absurde va-t-elle durer ? C’est sûrement la question que doivent ressasser nos ancêtres en se retournant sans répit dans leur tombe.
Anicet OKE



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