Année II du projet "Connecter les territoires" : Quand l'art rend hommage à la corporation des Zémidjan

21 décembre 2023

La cité contemporaine de recherche et de création La Ba’Z, sise à Ouèdo, a abrité la soirée de restitution de l’année II du projet "Connecter les territoires". Un projet financé par l’Institut français du Bénin via son dispositif d’aide à l’implantation territoriale d’équipes artistiques dont lTout Gran Théatr Djogbé bénéficie depuis 2022.

Aligaa, la grande route. C’est l’intitulé de la soirée de restitution de l’année II du projet "Connecter les territoires", qui a été présenté en deux volets à un public amoureux de la planche, une exposition et un spectacle retraçant l’histoire et le vécu des zem mis en scène par Didier Sèdoha Nassègande. Pour lui, porter un projet sur les Zemidjan a été un véritable challenge. Il s’est agi de créer une bande sonore qui est le récit des zémidjan et de l’incruster dans les casques qui aujourd’hui sont les outils des zem. Le casque est l’outil protecteur du zem. L’idée à la longue est que ces casques soient distribués aux zémidjan pour que leurs clients puissent porter pendant le temps du voyage et écouter des anecdotes des zemidjan. Prenant la parole pour lancer la soirée, la directrice déléguée de l’Institut français du Bénin, Fabienne Bidou a salué l’innovation. Pour elle, on peut faire des effets de vase communicant entre la puissance créatrice de l’artiste et l’imaginaire même si c’est pour faire émerger, faire exprimer le potentiel des gens qui vivent là. " Donc pour nous, c’est vraiment génial tout le travail...", a-t-elle déclaré.

Zemidjan vu du point de vue artistique
Subdivisée en deux parties dont la création sonore, deux différentes installations et des tableaux, l’auteur de ses œuvres, Tranquillin Sourou Nonfon a laissé entendre que l’histoire a commencé avec les Taxis kana qui sont l’ancêtre des zemidjan d’aujourd’hui. Parlant de cette création, on y voit un ancien vélo sur lequel a été posé un panier et à ses côtés des statuettes, le tout parsemé d’une bande sonore. "C’est une œuvre que j’ai nommée taxi kanan. ‘’Kanan’’ c’est une boule de pâte faite à base de l’amidon de maïs et qui se vend surtout à Porto-Novo et à Cotonou. Et à la base, Zemidjan, c’était un moyen de déplacement pour aller acheter ces genres de boules pour les revendre et c’est ces genres de vélo que la population utilisait pour pouvoir se déplacer, je dirai l’ancêtre des zemidjan d’aujourd’hui. Ici, vous avez la carte d’Afrique et là-bas la carte du Bénin avec des statuettes. Pour moi les zemidjan sont des connecteurs d’infos et de personnes ; d’un lieu à un autre. Dans les zem, il y a des Burkinabè, des Nigériens, des Ghanéens qu’on a rencontrés et aussi des clients qui sont de diverses nationalités. Donc on a voulu représenter les nationalités par les figurines (les botchio) et là-bas c’est un panier qui garde les boules à l’époque. On a voulu raviver la flamme des souvenirs pour pouvoir montrer à ceux qui ne connaissent pas l’ancêtre des zemidjan d’aujourd’hui. Vous avez une bande sonore qui circule et qui symbolise la circulation", a expliqué Sourou Nonfon. L’objectif selon Didier Nassegandé est d’aller puiser des éléments qui racontent la modernité mais dans son élément du passé. S’agissant de la création sonore, il a été question d’un ensemble artistique composé de casques, de vélos et des plaques avec des messages bien précis. D’aucuns les appellent les voix d’or de la sagesse. Les casques contiennent des sons qui ne sont rien d’autre que les anecdotes des zemidjan. Sourou Nonfon a fait savoir qu’il y a quelque chose dans l’histoire des zem qui l’a toujours touché. "Quand nous voyageons avec nos problèmes, nos soucis, nos contraintes, il y a des fois où on trouve des fragets qui apaisent nos cœurs et aujourd’hui malheureusement, ces fragets sont remplacés par des plaques d’immatriculation. Ces fragets, nous les avons concoctés pour raviver la flamme du souvenir, pour rappeler à tous ceux qui se souviennent encore de ces mots que nous pouvons encore les voir à travers l’art", a-t-il laissé entendre.

"Histoire des zem", un spectacle qui retrace la journée des zem
Comme son nom l’indique, ce spectacle retrace l’histoire, la vie et le vécu des zem. Vêtus de leur traditionnel maillot jaune, des zem avec casque en mains, ont, à travers diverses scènes, évoqué leur parcours. Dans un registre qui leur est propre, ces artistes -Zem ont montré qu’ils avaient quelque chose à vendre. Dans la foulée, on pouvait voir des zem qui racontent ce qui les a conduits dans ce métier de taxi-moto ; les braquages dont ils ont été victimes, comment ils sont vus et traités dans la société, comment ils vivent quotidiennement. Ces vecteurs de l’information, ont pu revenir sur des faits de société qui secouent et minent l’actualité aujourd’hui. Après une rude journée de travail, ils se couchent à la belle étoile ou se mettent dans la quête d’un endroit où poser la tête. Devenus zem par contrainte, ils ont tous un rêve, ces conducteurs qui bravent pluie, soleil, danger pour le bonheur des autres. Didier Sèdoha Nassègande à travers Tout Gran Théâtr djogbe avec le soutien de l’Institut français de Cotonou, entend donc redorer le blason de ce métier à travers l’art.
Marina HOUNNOU



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