Charbel Lokossou est professionnel de la gestion des archives et des bibliothèques. Il déploie constamment ses compétences dans les domaines de la gouvernance de l’information, l’économie des bibliothèques, la communication digitale et le développement web. Très actif sur les réseaux sociaux, il travaille en tant que rédacteur chez @Archivinfos, un média spécialisé dans l’univers documentaire. Charbel Lokossou contribue à travers sa plume, à la valorisation du patrimoine documentaire en Afrique. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il nous plonge dans l’univers du patrimoine documentaire sans doute méconnu du grand public.
C’est quoi le patrimoine documentaire ?
Le patrimoine documentaire est l’ensemble des documents, écrits, imprimés, iconographiques, sonores, audiovisuels, numériques, qui témoignent de l’histoire d’une société, d’une culture ou d’une personne. Il est considéré comme un bien précieux, car il permet de conserver la mémoire collective et de transmettre les connaissances aux générations futures.
De quoi est-il constitué ?
Le patrimoine documentaire est constitué de plusieurs éléments que nous pouvions classer par typologie : Documents écrits : manuscrits, imprimés, documents administratifs, correspondance, etc. Documents iconographiques : peintures, photographies, cartes, dessins, etc. Documents sonores : enregistrements musicaux, discours, etc. Documents audiovisuels : films, vidéos, etc. Documents numériques : documents numérisés, bases de données, etc.
Comment et pourquoi a-t-il vu le jour ?
L’émergence du patrimoine documentaire est liée à l’évolution de la société et de la culture. Au fil du temps, les hommes ont développé des moyens de communication et de transmission des connaissances de plus en plus sophistiqués. Ces moyens ont permis de produire une grande quantité de documents, qui témoignent de notre histoire et de notre culture. Les premières formes de patrimoine documentaire sont apparues dans les civilisations anciennes. Les sumériens, les égyptiens et les chinois ont produit des documents écrits, tels que des inscriptions, des tablettes d’argile et des rouleaux de papyrus. Ces documents témoignent de la vie quotidienne, de la religion, de la politique et de la culture de ces civilisations. Au Moyen-âge, l’Église catholique a joué un rôle important dans la préservation et la transmission du patrimoine documentaire. Les monastères ont constitué des bibliothèques et des archives, qui abritent des manuscrits précieux, tels que des livres religieux, des textes juridiques et des œuvres littéraires. À l’époque moderne, l’invention de l’imprimerie a permis une diffusion plus large des documents. Les livres, les journaux et les magazines ont commencé à circuler plus facilement, ce qui a contribué à l’émergence d’une culture de masse. Au XXe siècle, les progrès technologiques ont donné naissance à de nouveaux types de documents, tels que les enregistrements sonores, les films et les images numériques. Ces documents témoignent de notre époque et de notre société.
Quels sont les types de patrimoine documentaire qui existent ?
Le patrimoine documentaire est constitué de documents de toutes natures, qui témoignent de l’histoire d’une société, d’une culture ou d’une personne. Il peut être classé selon différents critères, tels que le support, le contenu ou le lieu de conservation. Selon le support, on distingue les documents : Écrits : manuscrits, imprimés, documents administratifs, correspondance, etc. Iconographiques : peintures, photographies, cartes, dessins, etc. Sonores : enregistrements musicaux, discours, etc. Audiovisuels : films, vidéos, etc. Numériques : documents numérisés, bases de données, etc. Selon le contenu, on distingue les documents : Historiques : documents qui témoignent de l’histoire d’une société, d’une culture ou d’une personne. Scientifiques : documents qui témoignent des connaissances et des avancées scientifiques. Artistiques : documents qui témoignent de la création artistique. Littéraires : documents qui témoignent de la création littéraire. Juridiques : documents qui témoignent de la législation et du droit. Selon le lieu de conservation, on distingue les documents : Publics : documents qui sont conservés par des institutions publiques, telles que les bibliothèques, les archives et les musées. Privés : documents qui sont conservés par des particuliers, des associations ou des entreprises.
Pouvez-vous donner quelques exemples de patrimoine documentaire ?
Bien sûr ! La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789) est un document historique qui témoigne des valeurs de la Révolution française. La Mona Lisa (1503-1506) est une peinture iconique qui témoigne de l’art de la Renaissance. La Symphonie n°5 de Beethoven (1808) est une œuvre musicale qui témoigne de l’évolution de la musique classique. Le film Casablanca (1942) est un film audiovisuel qui témoigne de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. La base de données Wikipedia est un document numérique qui témoigne de l’évolution de la connaissance.
Qui sont les garants du patrimoine documentaire ?
Les garants du patrimoine documentaire sont les personnes et les institutions qui s’engagent à le préserver et à le valoriser. Ils contribuent à la sauvegarde de ce patrimoine pour les générations futures. Les institutions publiques jouent un rôle important dans la préservation du patrimoine documentaire. Elles possèdent et gèrent des collections de documents, qu’elles conservent dans des conditions optimales. Elles mettent également ces documents à la disposition du public, afin que chacun puisse y avoir accès. Parmi les institutions publiques qui sont garantes du patrimoine documentaire, on peut citer : les bibliothèques, qui conservent des documents écrits, tels que des livres, des périodiques, des manuscrits et des archives Les archives, qui conservent des documents administratifs, juridiques, scientifiques et artistiques, les musées, qui conservent des documents iconographiques, sonores et audiovisuels, les particuliers peuvent également être des garants du patrimoine documentaire. Ils peuvent posséder des documents de valeur, qu’ils doivent conserver et transmettre aux générations futures. Les associations et les entreprises peuvent également contribuer à la préservation du patrimoine documentaire. Elles peuvent mener des actions de sensibilisation, de collecte et de valorisation du patrimoine. Tous les citoyens ont un rôle à jouer dans la préservation du patrimoine documentaire. Ils peuvent adopter des comportements responsables, tels que la conservation de documents importants et le respect des institutions qui les gèrent.
Quelles sont les caractéristiques qui entrent en jeu dans la qualification d’un patrimoine documentaire ?
Les caractéristiques qui entrent en jeu dans la qualification d’un patrimoine documentaire sont les suivantes : la valeur documentaire : le document doit présenter un intérêt historique, scientifique, culturel ou artistique. L’authenticité : le document doit être réel et véritable, et n’avoir pas été corrompu. L’intégrité : le document doit être complet et intact. La rareté : le document doit être unique ou rare. La vulnérabilité : le document doit être menacé de disparition ou de dégradation. Ces caractéristiques sont définies par le programme Mémoire du monde de l’UNESCO, qui a pour objectif de préserver le patrimoine documentaire mondial. La valeur documentaire est la caractéristique la plus importante. Elle est évaluée en fonction de l’intérêt du document pour l’histoire, la science, la culture ou l’art.
La révolution numérique n’a-t-elle pas d’influence sur lui ?
La révolution numérique a eu une influence considérable sur le patrimoine documentaire. Elle a permis la création de nouveaux types de documents, tels que les documents numériques, et a transformé les modes de production, de diffusion et de conservation du patrimoine. La révolution numérique a donné naissance à de nouveaux types de documents, tels que les documents numériques. Ces documents sont produits et diffusés de manière électronique, et sont stockés sur des supports numériques. Ils peuvent être des documents écrits, iconographiques, sonores ou audiovisuels. Les documents numériques présentent des avantages et des inconvénients par rapport aux documents traditionnels. D’un côté, ils sont plus faciles à produire et à diffuser, et ils peuvent être consultés et partagés plus facilement. D’un autre côté, ils sont plus vulnérables à la dégradation et à la perte. La révolution numérique a également transformé les modes de production du patrimoine documentaire. La production de documents est aujourd’hui plus décentralisée et participative. Les particuliers et les organisations non gouvernementales peuvent produire et diffuser des documents, ce qui a contribué à l’augmentation du volume du patrimoine documentaire. La révolution numérique a également transformé les modes de diffusion du patrimoine documentaire. Les documents peuvent désormais être diffusés en ligne, ce qui a permis de les rendre plus accessibles au public. La révolution numérique a également transformé les modes de conservation du patrimoine documentaire. La numérisation des documents permet de les conserver et de les diffuser de manière durable. La révolution numérique a posé de nouveaux enjeux pour la préservation du patrimoine documentaire. Ces enjeux sont les suivants : la préservation des documents numériques : les documents numériques sont plus vulnérables à la dégradation et à la perte que les documents traditionnels. Il est donc important de mettre en place des mesures de conservation spécifiques pour ces documents. L’accessibilité des documents : la diffusion en ligne des documents a permis de les rendre plus accessibles au public. Cependant, il est important de garantir l’accessibilité des documents à tous, y compris aux personnes handicapées. La propriété intellectuelle : la production de documents est aujourd’hui plus décentralisée, ce qui soulève des questions de propriété intellectuelle. Il est important de trouver un équilibre entre la protection des droits des créateurs et la diffusion du patrimoine documentaire. La révolution numérique a donc eu une influence considérable sur le patrimoine documentaire. Elle a permis la création de nouveaux types de documents, transformé les modes de production, de diffusion et de conservation du patrimoine, et posé de nouveaux enjeux pour la préservation du patrimoine.
Un mot pour conclure cet entretien ?
Pour finir, je voudrais tout simplement lancer une alerte à l’endroit des décideurs politiques africains, sans qui toutes les politiques de développement, de gestion, de préservation et de valorisation du patrimoine documentaire ne peuvent s’éclore fièrement. Il faut remarquer que de façon générale en Afrique et plus particulièrement au Bénin, la situation de gestion et de préservation du patrimoine documentaire reste préoccupante. Les institutions de mémoire, comme les Archives et les bibliothèques, souffrent souvent de manque de moyens matériels, financiers et de personnels en nombre suffisant. Il est important que les gouvernements africains accordent une plus grande importance à la préservation du patrimoine pour que les mêmes erreurs ne se répètent plus. Qu’il nous souvienne, le Bénin n’a pas pu prouver sa souveraineté sur l’île de Lété, car il n’en disposait pas des preuves. Le Niger, quant à lui, a pu prouver sa souveraineté sur l’île, car il disposait d’une preuve irréfutable. Cette preuve était une lettre, un document officiel, une pièce d’archives, du gouverneur du Dahomey, datant de 1914, dans laquelle il déclarait que l’île de Lété appartenait au Niger. Le patrimoine documentaire est un bien précieux qui mérite d’être protégé et valorisé. Il est un témoignage de notre histoire et de notre culture, et il nous permet de mieux comprendre le monde qui nous entoure.
Réalisation : Mahussé Barnabé AÏSSI (Coll.)
- 1er octobre 2024
- 1er octobre 2024