Le Slam n’a aucun secret pour elle. Depuis les bancs, elle s’y est donnée à travers l’écriture de petites poésies. Harmonie Byll Catarya, puisque c’est d’elle qu’il s’agit, est dans sa 11e année au contact du slam. Ce qui la caractérise, c’est qu’elle s’intéresse beaucoup plus aux questions de paix et de sécurité dans ses productions. Ces questions, on ne le dira assez, sont d’une importance capitale. Faire donc du slam autour de ces deux thématiques, c’est sa manière d’interpeler la conscience collective. Dans cet entretien qu’elle nous a accordé, elle nous plonge dans l’univers de sa carrière professionnelle.
Pour le Wikitionnaire, le slam est une sorte de déclamation publique faite pour surprendre. Qu’est-il pour vous ?
Surprendre ! Je dirais en quelque sorte. Le slam, comme j’aime à le définir, c’est la poésie du peuple par le peuple et pour le peuple. C’est une poésie urbaine qui peut être "musicalisée" ou non. Cela ne veut pas dire qu’on a nécessairement besoin d’un instrumentiste pour dire un texte slam. La musique se trouve déjà dans le choix des mots et dans la manière de les rendre de sorte à susciter l’émotion du public. Peut-être que c’est ce qui justifie le mot "surprendre ". La surprise ici, c’est la musicalité brute des mots choisis, c’est le génie utilisé pour les manier, les claquer et susciter l’émotion. Mais c’est aussi, la tournure que vous pouvez donner à cet art en y ajoutant des variétés musicales, d’autres arts, etc. Le slam est une interaction avec le public. Contrairement à la poésie classique, un chauffeur de bus peut suivre un slam. Après 11 ans de scène, j’essaie désormais d’accompagner mes textes, de variétés musicales que ce soit d’ici et d’ailleurs et cela marche très bien. C’est l’exemple de mes deux dernières sorties : " Chez Moi" et " Aïcha".
Pourquoi avoir choisi de faire le slam ?
Le slam s’est imposé à moi et j’ai fini par comprendre que c’était une passion qu’il me fallait développer. Et aujourd’hui, je me sens très bien dans cet art. Tout a commencé en 2013, où une amie m’a invitée à une scène slam qui m’a finalement permis, par le biais du manager de cette scène, de participer à la compétition Bénin Slam qui m’a d’ailleurs consacrée Championne.
Quel est le parcours qui vous a conduit au slam ?
J’aimais la poésie depuis le collège. J’aimais les textes de Senghor et autres. J’étais souvent déléguée par mes camarades de classe pour parler en leur nom et aussi, il y en avait qui me sollicitaient souvent pour leur écrire des poèmes.
Nous voyons que vous vous intéressez, pour la plupart du temps, aux questions de paix, de sécurité, etc. Pourquoi ce choix ?
Je m’intéresse globalement à la vie, à l’humain et surtout aux valeurs. La paix et la sécurité étant des valeurs que nous devons tous préserver, vous n’avez pas tort… Pourquoi j’ai choisi ces thématiques ? Parce que tout va de travers et de mal en pis. La jeunesse n’a plus de valeur, plus de modèle ! Donc, à défaut de modèle, il faut quand même que nous, les artistes, et qui plus est, slameurs ou slameuses, il faut que notre voix aide à éveiller les consciences. Pour moi, c’est un sacerdoce.
Comment trouvez-vous l’idée d’égalité genre ?
Sur le principe, permettre à homme comme femme d’avoir les mêmes droits et devoirs, cela n’a rien de mauvais. Il le faut, mais sur la base des prérogatives de chaque sexe, d’où l’équité et non l’égalité. D’ailleurs, nous sommes tous d’accord que les sexes sont opposés, n’est-ce pas ?
Est-ce que le slam nourrit son homme ?
Oui. Parce qu’aujourd’hui, l’art est mercantilisé. Les disques ne se vendent plus comme en 2004. Mais il y a toujours de ces institutions et particuliers qui vous sollicitent contre un cachet. Nous aussi, nous avons la possibilité d’organiser des scènes, etc. Par ailleurs, dans notre pays, j’avoue que pour vraiment s’en sortir, il faut avoir plusieurs cordes à son arc. Parallèlement, je donne des cours modulaires dans des universités privées et je suis aussi promotrice d’entreprise. Ça permet aussi de nourrir son art en attendant d’avoir une véritable industrie culturelle et créative dans notre pays.
En tant que femme dans cette corporation, est-ce que vous rencontrez des difficultés particulières ?
Je pense plutôt que la nature de mon genre aiguise des curiosités. Les gens s’intéressent à moi parce que je suis une femme qui fait son chemin dans un milieu qui devrait être exclusif aux hommes, selon certains. Il n’y a pas encore assez de scènes pour les slameurs dans le pays et ces derniers ne sont pas souvent invités sur les grands événements organisés pour les artistes. Nous le déplorons tous, espérant qu’il y aura un changement, parce que le slam est un art de chez nous. Cela peut surprendre certains. Le nom slam a été trouvé dans les années 1980 par Mark Smith. Mais bien avant cela, cette poésie mixée ou non à la musique existait en Afrique. Je me dois, par contre, de remercier ces institutions et ces particuliers qui me font chaque fois confiance et m’invitent à venir leur prouver ce que je sais faire. Les retours sont toujours positifs, mais le meilleur reste à slamer.
Au-delà de ce que vous avez dit un peu plus haut, avez-vous d’autres aspirations professionnelles ?
Mon engagement au profit des valeurs n’a ni frontière ni limite.
Qui sont les slameurs qui vous inspirent ?
Je pense fondamentalement que chacun doit se faire sa carte d’identité. J’écoute tout le monde mais je suis beaucoup une disciple de la poésie qui parle avec les mots de tous les jours pour créer des textes extraordinaires et des sensations fortes. Toutefois, je continue de forger mon écriture et le rendu avec l’aide de mon conseiller Thierry Perrotey.
Quels sont vos projets dans un futur proche et ou lointain ?
C’est de réaliser le clip d’un morceau sorti le 7 juin 2024. Le titre, c’est Aïcha. Il s’agit d’un son qui sensibilise les adolescents et les jeunes aux droits sexuels et à la santé reproductive. Toujours à ce sujet, je prévois de faire des ateliers de sensibilisation dans les lycées et collèges. Mais pour que ces deux projets aient leur poids, j’entends les réaliser en collaboration avec les institutions chargées des questions en lien avec les droits sexuels et de la santé reproductive. Aussi, dans un futur proche, il y aura un son que je souhaite cabrer avec la prochaine édition de la Journée mondiale de la paix. Ça va être en duo si tout va bien. Puis, la parution d’un deuxième recueil de slam-poésie qui est en édition actuellement.
Quel est le plus beau souvenir que vous gardez depuis votre arrivée au slam ?
Ce sont mes deux mois de résidence en 2017 à la Cité des arts de Paris suite à une invitation du Printemps des Poètes. Ce fut une reconnaissance de mon talent par un pays autre que le mien sans que je ne postule à rien du tout et qui a vraiment boosté ma plume, mon esprit de créativité et ma motivation.
Votre mot de la fin.
Merci à vous et à votre journal pour cette opportunité. Harmonie est joignable sur les réseaux sociaux. Harmonie Slam sur Facebook et Harmonie_Officiel sur Youtube. Nous sommes aussi joignables sur le 96326152.
Propos recueillis par Mahussé Barnabé AÏSSI (Coll.)