L’actrice culturelle Miraculée Hodéhou est administratrice de troupe théâtrale et assistante metteur en scène. Elle tient à aller au bout de ses ambitions dans ce secteur. Dans cet entretien, elle a fait part de son parcours. A l’entendre, ce parcours a connu des débuts non encourageants. Mais, le déclic a été effectif et l’actrice culturelle compte réaliser son destin dans le domaine.
Avec vous, nous allons parler de votre carrière artistique et culturelle. Qu’entendez-vous par administrateur de troupe de théâtre ?
De façon plus précise, un administrateur est celui qui s’occupe de la paperasse d’un service. D’une autre façon, un administrateur est celui qui écrit les projets et cherche le financement. Ici, sur le terrain, les metteurs en scène se permettent de jouer le rôle de l’administrateur. Je dirai que c’est encore un terrain vierge que je suis en train d’explorer.
Parlez-nous de vos débuts dans ce domaine
Mes débuts étaient amers et désagréables. Je n’ai même plus envie de m’en souvenir. Cela m’a marquée de telle sorte qu’après mes premières montées sur scène, je me suis juré de ne plus y retourner. C’est sûrement parce que je n’ai pas eu la chance de tomber sur quelqu’un qui a la manière qu’il faut pour me donner le goût de la scène. Au départ, l’idée a été portée par mes parents et comme je n’avais pas envie de les décevoir, je m’y suis inscrite. Sinon, moi-même, le théâtre ne me disait rien. Face à l’expérience désagréable de mes débuts, il fallait que je trouve à quoi m’accrocher pour ne pas faire croire à mes parents que j’étais inutile. C’est ainsi qu’en passant par la mise en scène, je me suis retrouvée à l’administration.
Que ressentez-vous en voyant les gens sur scène pour faire du théâtre ?
Je peux dire que depuis que je suis assistante à la mise en scène, monter sur scène n’est pas chose aisée quand je côtoie les metteurs en scène et que j’écoute les langages artistiques. J’ai également fait l’expérience de voir les différentes façons de travailler des metteurs en scène et les traitements qui vont avec. Cela fait que chaque fois que je vois les acteurs jouer, je leur tire chapeau. J’avoue qu’ils font d’énormes sacrifices.
Qu’avez-vous pu faire durant votre parcours ?
C’est d’abord avec l’association culturelle et socio-éducative ‘’Apejo Agbara’’ que j’ai commencé en tant que secrétaire. Cette association étant encore à ses débuts, j’ai pensé aller acquérir de nouvelles connaissances pour venir la servir. C’est ainsi que j’ai atterri dans l’association ‘’Baob’art théâtre Bénin’’ dirigée par le metteur en scène Bardol Migan depuis 2022. J’ai eu l’occasion pour la première fois de l’assister lors de la création du spectacle ‘’Zone Franche’’. En 2023, on a commencé à tourner ce spectacle. En 2024, il m’a envoyée suivre un projet de formation. Dès mon retour, j’ai écrit un projet qui a été co-financé par le consortium Théâtre d’Afrique-Passion Culture Art et l’Union européenne. Ce projet sm’a permis de faire une création avec un jeune metteur en scène sur la base d’un texte qui aborde le phénomène LGBTQ. Et il y a environ une semaine, on vient de finir une création intitulée ‘‘La noyée’’ toujours avec ‘’Baob’art théâtre Bénin’’. Avec ce petit parcours, je réalise que je me sens mieux dans ce que je fais et je ne pense plus aller ailleurs. Mon ambition, c’est de devenir une administratrice incontournable du théâtre et pourquoi pas du cinéma. Je nourris de grandes ambitions pour ce que je fais.
Comment se déroulent les collaborations dans le secteur où vous évoluez ?
Il faut reconnaître que travailler avec les autres n’est pas quelque chose qui est gagné d’avance. Consciente que nous venons de différents horizons, nous n’avons pas la même éducation et il doit y avoir quelque chose chez l’autre qui ne va pas te plaire. On parvient quand même à trouver des arrangements pour pouvoir travailler ensemble puisque ce sont les compromis qui guident le monde.
Vous avez dit que vous nourrissiez de grandes ambitions pour votre domaine. Dites-nous ce qui est à la base de ce déclic alors qu’au début, le théâtre ne vous disait rien
D’abord, je ne veux pas paraître inutile pour mes parents. C’est vrai qu’au début, je m’apprêtais à partir mais une partie de moi dit : « tu ne peux pas ne pas honorer tes parents et ils ne vont pas dépenser inutilement les frais de scolarité ». Je tiens aussi à prouver au professeur-metteur en scène qui ne croyait pas vraiment en moi que ma place se trouve véritablement dans le domaine. Les obstacles sont là pour nous forger. J’ai pu constater que très peu d’acteurs du domaine ont fait des études de haut niveau. Je compte poursuivre mes études à l’extérieur et revenir pour me faire une place incontournable dans le milieu.
Quelles sont les thématiques que vous touchez ?
La matière artistique n’a pas de limite. Je fais juste un effort de ne pas trop creuser dans les non-dits de la société. Par exemple, après la création sur la communauté des LGBTQ, j’ai vu les réactions que cela a suscitées. Si je dois reprendre le travail, il y aura forcément des limites que je vais m’imposer. J’ai déjà abordé des thématiques comme ‘’La cohabitation humaine’’ dans le spectacle ‘’La noyée’’, et l’immigration clandestine dans ‘’Zone Franche’’.
Il arrive pour des femmes artistes de choisir entre le foyer conjugal et leur carrière. Quelle est votre appréciation de cette situation ?
Je pense que tout dépend de la planification qu’on fait. A mon âge, je me dis que j’ai encore le temps de me consacrer d’abord à mes études. Je me dis que quand le moment viendra, je prendrai une pause pour faire des enfants et après, je reprendrai le travail. Mais avant cette pause, j’aurai le temps de faire assez d’économies pour pouvoir faire face aux dépenses pendant la pause.
Comment gérez-vous ces cas surtout quand vous ne voulez pas laisser une opportunité passer à côté de vous ?
Mon seul principe, c’est soit je reste et on s’affronte, soit je m’éclipse. J’opte rarement pour m’éclipser car je n’aime pas perdre. Et quand on va s’affronter, la suite peut ne pas être très agréable. Cela risque de capoter ou vous n’oserez plus reprendre. Dieu merci, il y a quelque chose que je sais bien faire et c’est mon travail. Et en tant qu’administratrice de théâtre, je me sens assez indépendante même si c’est sous la responsabilité de quelqu’un que je travaille. De plus, je tiens à atteindre mes objectifs. Je sais comment y arriver. Une fois que c’est chose faite, je peux revenir en force. Je souligne que ce n’est pas une forme de vengeance. Il s’agit juste pour moi de protéger celles qui vont venir après moi. Qu’elles ne subissent pas la même chose. Mais s’il doit y avoir une opportunité et c’est en couchant d’abord avec moi qu’elle me sera accordée, je vais préférer partir en espérant trouver mieux ailleurs. Heureusement, je ne me suis pas encore retrouvée dans une pareille situation.
Quels sont vos projets ?
Ce qui me préoccupe à présent, c’est d’approfondir mes études. Je constate que quand on commence à gagner, on n’a plus envie et on n’a plus le temps de se consacrer aux études. J’estime aussi qu’avoir un bagage intellectuel important permet de gagner plus gros. C’est à cela que je réserve mes trois prochaines années. Cela m’importe plus. Je rêve d’occuper des postes dans les grandes institutions internationales comme chargée des affaires culturelles à l’Unicef, l’Unesco et ainsi de suite. Je pense que pour y parvenir, c’est par les études.
Quel est votre regard sur l’évolution de votre secteur dans notre pays ?
Je dirai qu’ailleurs, cela se passe mieux qu’ici, si je m’en tiens aux témoignages de mes pairs. Les acteurs souffrent dans ce milieu. Je pense qu’entre acteurs, on doit travailler dur ensemble et avoir le même langage pour pouvoir, de concert avec les autorités, améliorer ce qui ne va pas encore dans ce milieu. Les générations futures pourront en bénéficier car c’est un bon secteur pour le développement par la culture.
Votre mot de la fin
Il ne faut jamais abandonner. S’il arrive qu’on vous mette sur le chemin qui n’est pas celui que vous désirez, faites le nécessaire pour trouver la place qui vous y convient et tout ira pour le mieux. Merci aussi à vous pour cette occasion.
Par Fidégnon HOUEDOHOUN
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