Valentin Vieyra est humoriste togolais et collabore avec ses collègues du Bénin. Dans cet entretien, il dévoile son parcours et parle des réalités du métier d’humoriste.
Un humoriste togolais au Bénin. Que peut-on en retenir ?
Je peux dire que je suis de passage et surtout quand le devoir nous appelle, il nous faut nous déplacer. D’abord, je suis là pour soutenir mon frère Kromozom avec qui, si je peux le dire ainsi, j’ai fait un long chemin. Il était là avec moi depuis 2014. Donc, c’est depuis ce temps que notre parcours, marqué par des aller-retours entre le Togo et le Bénin y compris des initiatives, a commencé. Quand il a besoin de moi, je me rends disponible et c’est pour cette cause effectivement que je suis à Cotonou actuellement pour le ‘’Kromo stand-up show’’ qui a eu lieu le vendredi 02 et le samedi 03 Février derniers.
Aujourd’hui par vous, est-ce que l’humour togolais est connu au-delà des frontières ? Sinon, quelle comparaison faites-vous entre l’humour togolais du temps des ‘’Azé kokovivina’’ et ‘’Agbeliklaklo’’ ?
D’abord, c’est une occasion de les remercier parce qu’ils sont les pionniers de l’humour togolais. A mon avis, ils ont fait l’humour à la Togolaise. Ils ont créé l’humour à la Togolaise et c’est notre identité quand on veut parler de l’humour togolais. D’abord, on cite ces noms sans oublier le groupe ‘’Gbadaglo Gbadamassi ‘’Gogoligo’’. Nous représentons la génération qui est venue juste après eux. C’est vrai que ce sont des gens qui, à un certain moment, nous ont inspirés. On voulait aussi, dans un premier temps, faire comme eux. Mais après, on a fait face à la réalité au plan international. Aujourd’hui, la pierre que nous avons apportée est cette internationalisation à ce qu’ils ont fait à la base. Nous avons essayé de le rendre conforme à ce qui se fait ailleurs pour qu’aujourd’hui, l’humour togolais soit par exemple représentatif au Bénin. Par exemple, quand je viens au Bénin, il faut que les Béninois maîtrisent aussi les codes. Je ne vais pas seulement reproduire ce que je peux faire exactement au Togo. Aujourd’hui, avec la technique, le stand-up, le code et d’autres éléments, l’humour est devenu universel. Je peux partir d’un pays à un autre avec toujours les mêmes vannes. Il me faut juste une petite adaptation. Le lien entre ce que nos pionniers ont fait et ce que nous faisons aujourd’hui est comme tisser au bout de l’ancienne corde la nouvelle. Nous, on a juste essayé de le polir davantage pour pouvoir le servir à l’international.
Votre parcours a été aussi marqué par des grands moments. Parlez-nous de ces grands moments
J’ai commencé l’humour en 2014 et mes grands moments, je peux les diviser en trois parties. La première, c’est le début en 2014. Je rappelle qu’à la base, je suis comptable gestionnaire de formation. Je venais juste d’avoir mon poste dans une banque de la place. Deux ans plus tard, j’ai eu des amis avec qui on a monté un projet ensemble car, j’aimais bien faire le théâtre. Je faisais le théâtre quand j’étais encore à l’université. En ce moment, notre projet devait faire une tournée nationale. Ce qui a été fait. Au terme de la tournée, beaucoup me disaient : « c’est bien ce que tu fais ». J’ai aussi constaté que la somme que j’ai gagnée dans la tournée dépassait le salaire qu’on me payait. J’ai décidé alors d’arrêter mon boulot. Je me disais qu’avec cette nouvelle aventure, je pouvais vivre mieux. Malheureusement, cela n’a plus été facile comme je l’espérais. Je venais de sortir d’une tournée nationale où j’ai gagné pratiquement le triple de ce qu’on me payait par mois et je croyais que la même dynamique allait continuer. J’ai fait au moins 6 mois à la maison sans aucun autre projet. Il faut signaler que les parents n’ont pas vu ma décision d’un bon œil, surtout mon grand frère. Il a refusé de m’adresser la parole pendant deux ans. Le deuxième moment fort, c’était en 2019. A force d’y croire et de ne jamais abandonner, l’institut français a voulu produire mon premier spectacle One man show. Je l’ai fait et dans la foulée, j’ai eu ma première participation au parlement du rire. J’ai eu une invitation du Congo Brazzaville pour la présentation de mon spectacle. J’ai pris l’avion deux fois dans la même année. Du coup, les parents se sont dit : « mais attend ! le gars, il allait au boulot mais il n’a jamais pris un avion. Mais là, il commence à s’amuser et il prend l’avion. Donc c’était le premier spectacle auquel ma famille a assisté et c’était une joie pour moi. C’est à partir de là que j’ai senti qu’ils s’intéressaient à ce que je faisais. La troisième partie, c’est cette année 2023, je peux oser le dire, elle a été une année de révélation pour moi. Une année ou Valentin Vieyra a été pour la deuxième fois au parlement du rire. J’ai été parmi les 10 finalistes du prix RFI Talent du rire. J’ai été sur la plus grande scène culturelle au Togo, Miss Togo et c’est beaucoup d’événements qui se sont enchaînés en cette année 2023. J’ai fait ma prestation au parlement du rire et cela a fait le tour du monde en une semaine. J’étais déjà à 1 million de vues sur les réseaux sociaux. Ce sont vraiment les points forts qui ont marqué jusque-là ma carrière.
Valentin Vieyra, c’est aussi des projets. Parlez-nous en un peu ?
C’est vrai aujourd’hui, on est des références de l’humour dans nos différents pays et rien que pour cela, il faut savoir tendre la main à la génération qui vient. Moi, j’aime beaucoup partager. Lorsque j’ai eu l’occasion, j’ai essayé de mettre sur place une académie d’humour qui a formé pratiquement tous les jeunes humoristes du Togo et j’ai été aussi appelé au-delà des frontières. Je suis venu ici au Bénin former des jeunes, au Burkina, au Niger, un peu partout. En plus de l’académie, j’ai aussi une initiative dénommée ‘’Valentin et ses portes en Stand-up’’ qui est une comédie club. Après la formation, il faut quand même donner une scène, un espace aux jeunes de pouvoir performer. C’est à cela qu’est destinée l’initiative ‘’Valentin et ses portes en comédie club’’. Il y a aussi le spectacle annuel qui est ‘’Le Gala des comédies club’’ qui réunit pratiquement tous les comédie clubs, les humoristes du Togo à la fin de chaque année. La plus grande des initiatives de Valentin, c’est le rendez-vous international du rire à Lomé de cette année qui sera à sa huitième saison du 15 au 21 Avril avec pour grand partenaire, l’Institut français qui m’accompagne depuis déjà 4 voire 5 ans.
Vous êtes aussi souvent sollicité pour des collaborations comme c’est le cas pour cet événement qu’a organisé Kromozom. Qu’avez-vous réservé au public lors de cet événement ?
Je dirai simplement qu’on est en mission. On a représenté le Togo, et même l’Afrique. Le Stand-up, aux yeux du public, ce sont les valeurs de ce métier qui sont mises en avant. Le 02, j’ai été dans le jury qui a délibéré l’audition des jeunes espoirs de l’humour béninois et le samedi 03, moi-même, j’étais sur scène avec mon spectacle ‘’Une femme un peu réduite’’ et ‘’Les cent types de Valentin’’. Pour ceux qui ne connaissaient pas Valentin, ils ont eu l’opportunité de le découvrir davantage tel que j’aime qu’on me découvre sur scène. Il y a eu du fou rire. Par exemple, ‘’Les cent types de Valentin’’ parle de ma vie, de Valentin Vieyra, de mon enfance, de mon cursus scolaire, de mon métier d’humoriste, de mes décisions, de tout ce qui me concerne. C’est en effet l’actualité d’une vie qui est commune à nous tous. Après ce spectacle, le public est reparti nourri, soulagé en laissant son stress à l’Institut français.
Que pouvez-vous dire à ceux qui aspirent à vous emboîter le pas ?
C’est d’aller d’abord à l’école. C’est vrai que des gens nous prennent pour des ratés. Mais en réalité, c’est le contraire. Comme je l’ai déjà dit, je suis à la base comptable gestionnaire. C’est la preuve que je ne suis pas venu à l’humour parce que je n’ai rien à faire. C’est parce que je me suis dit que c’est un défi pour moi. Je pense que quand on est instruit, on voit l’inspiration venir beaucoup plus davantage et cela permet de concrétiser ce qu’on ambitionne. Une chose est d’avoir le talent mais si vous n’arrivez pas à le nourrir en étant plus rigoureux envers vous-même, vous aurez bien le talent mais cela ne va pas vous servir à grand-chose. D’abord attachez-vous à vos études, lisez beaucoup, allez à la rencontre de l’autre et essayez de toucher à tous les sujets. On ne vient pas dans le métier d’humoriste pour blaguer. Quand tu viens, tu sais qu’il y a un auditoire devant toi que tu dois satisfaire. Si tu n’es pas rigoureux envers toi-même, tu ne peux pas le faire. Il y a des gens qui ont commencé deux ou trois semaines après, ils ont arrêté parce qu’ils ont vu que ce n’était pas de la blague. Il faut vraiment la rigueur et travailler tous les jours.
Votre mot de la fin
Merci d’abord à vous pour cette opportunité et pour le travail que vous faites. Cela permet de faire la promotion de ce métier qu’on fait, que cela soit au Togo ou au Bénin où je me sens toujours chez moi. Que le public continue toujours de nous soutenir parce que vous êtes ceux pour qui on travaille et votre présence nous rassure. Votre présence nous donne la motivation d’avancer.
Propos recueillis par Fidégnon HOUEDOHOUN
- 9 octobre 2024