Après des chaleurs extrêmes il y a quelques mois, l’Afrique de l’Ouest subit en ce moment des pluies intenses qui causent des inondations au Mali, au Niger et au Tchad notamment. La saison sèche et la saison des pluies sont rendues plus intenses par le réchauffement climatique d’origine humaine. Quelles solutions existent face à ces inondations plus extrêmes ? Interview avec le climatologue de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et spécialiste de l’Afrique Benjamin Sultan.
Que peuvent faire les États et les villes face à ces pluies ?
D’abord, on peut essayer de répondre au coup par coup aux différents événements extrêmes. Parmi ces outils de gestion du risque climatique, il y a les systèmes d’alerte précoce, c’est-à-dire émettre des alertes météo pour faire en sorte d’évacuer les populations les plus à risque, les prévenir qu’il va y avoir des catastrophes climatiques, que ce soit des inondations ou des canicules. Cela peut être vraiment très utile en cas de crise.
Le problème, c’est qu’en Afrique, on a souvent très peu de données météorologiques. On a des zones qui ne sont pas couvertes par les systèmes d’alerte précoce. L’Afrique est un continent particulièrement sensible au changement climatique, il faudrait donc améliorer cette couverture, améliorer les réseaux météorologiques et les réseaux de diffusion de ces alertes précoces.
Ne faut-il pas aussi transformer la façon dont sont construites les villes africaines ?
L’autre levier, c’est en effet de faire en sorte que le plan d’aménagement des villes soit plus adapté. Pour s’adapter par exemple aux inondations, il ne faut plus construire dans les zones inondables, il faut dimensionner les ouvrages, les infrastructures en fonction des données météorologiques et climatiques de demain. Il est crucial de préserver la végétation naturelle dans les villes, car elle est capable d’absorber ces événements climatiques, que ce soit les fortes températures ou les fortes précipitations. Nous essayons aussi de sensibiliser les politiques à ce nouveau climat plus chaud et avec des pluies plus intenses.
Enfin, la troisième solution, qui doit être menée en parallèle avec les deux autres, c’est d’agir pour que la situation ne s’aggrave pas davantage en réduisant au maximum nos émissions de gaz à effet de serre. Même si l’Afrique est le continent qui contribue le moins aux émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, il est fortement touché.
Il y a une sorte d’injustice climatique et aussi une grosse responsabilité des pays développés. C’est pourquoi les représentations africaines sont très mobilisées lors des COP Climat pour faire en sorte que tout le monde fasse le maximum d’efforts. Chaque demi-degré de réchauffement mondial qu’on pourrait éviter va être très important pour réduire les risques d’intensification des événements extrêmes en Afrique.
En ce qui concerne les villes africaines, le système d’écoulement des eaux, les caniveaux sont-ils dimensionnés et nettoyés pour recueillir des pluies comme celles-là ?
Non, effectivement. Ces inondations se produisent régulièrement chaque année, non seulement à cause de l’intensification des précipitations, mais également à cause souvent du mauvais entretien des routes et des rues. Il faut absolument évacuer régulièrement les déchets pour que les précipitations puissent s’écouler. Ça, c’est pour prévenir, mais lorsque je parlais de transformation, il s’agit de modifier le plan d’aménagement des villes, de prendre en compte, au moment de construire un nouveau barrage par exemple, quels seront les scénarios climatiques futurs.
Aujourd’hui, toutes les infrastructures sont dimensionnées avec les données climatiques dont on dispose aujourd’hui. Mais ces données ont déjà beaucoup changé depuis l’époque où on les a collectées, le climat s’est intensifié énormément. En Afrique, on a une température qui a augmenté : au Mali, au Burkina Faso, on est déjà à au moins 1,5° de réchauffement par rapport à l’époque préindustrielle. Les précipitations se sont intensifiées d’au moins 15 à 20% également.
Ces changements très importants, il faut les prendre en compte lorsqu’on va dimensionner des ouvrages, lorsqu’on va investir dans les infrastructures.
Quand on est un citoyen lambda, que peut-on faire pour se protéger des inondations ?
Je pense qu’un point important, c’est d’être à l’écoute des alertes des autorités. Au niveau météorologique, ces pluies sont prévues en avance. En prêtant attention aux informations qui avertissent des risques d’inondation, on peut faire en sorte soit d’évacuer, soit d’éviter d’être dans les champs par exemple. Et ne pas installer sa maison là où c’est inondable.
Source : rfi
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