Sénégal : les deux anciens présidents Abdou Diouf et Abdoulaye Wade appellent à l'apaisement

13 février 2024

Alors que la contestation gronde depuis l’annonce du report de la présidentielle par Macky Sall - trois personnes tuées depuis vendredi dans le cadre de manifestations contre ce report - ses deux prédécesseurs interpellent le chef de l’État et la jeunesse sénégalaise dans une déclaration conjointe signée. Ce mardi, la société civile est appelée à une marche silencieuse à Dakar. Marche non-autorisée par le Préfet de la capitale. Motif invoqué : perturbation de la circulation.

C’est en tant qu’anciens présidents et « pères de la démocratie sénégalaise » qu’Abdou Diouf et Abdoulaye Wade disent vouloir s’adresser à leurs concitoyens. Pour appeler au dialogue d’abord. Nous avons su « discuter » et « dialoguer » pour « mettre un terme à nos différends et aux crises politiques » affirment les deux ex-chefs d’État. Et d’ajouter : « vous n’avez pas le droit de faire moins que nous. »

Abdou Diouf et Abdoulaye Wade disent s’être également longuement entretenus au téléphone avec le président Macky Sall, qui a réaffirmé son engagement à ne pas briguer de troisième mandat, disent-ils.

Dans cette déclaration conjointe, les deux anciens présidents actent également le report au 15 décembre de la présidentielle et appellent l’ensemble des acteurs politiques sénégalais du « pouvoir et de l’opposition » tout comme la société civile à se parler pour rendre l’élection « transparente, inclusive et incontestable », offrant là un véritable soutien à la décision de Macky Sall. « Ils ont le devoir de garantir que notre Sénégal restera un modèle de démocratie. L’Histoire les jugera », écrivent-ils.

Les deux anciens présidents appellent enfin la jeunesse à « cesser les violences », tout en disant comprendre leur désarroi et leurs frustrations.

Les réactions n’ont pas tardé hier soir. L’ex-Première ministre Aminata Touré par exemple et candidate exclue de la présidentielle s’est dit « convaincue que la meilleure manière de préserver la stabilité légendaire » du Sénégal est de « respecter la Constitution en organisant l’élection présidentielle à la date échue du 25 février » plutôt qu’une « extension illégale du mandat du président ».

Sept parlementaires de la Cédéao à Dakar
Un autre président, le Nigérian Bolu Tinubu, à la tête de la Cédéao, était lui attendu à Dakar ce lundi pour une visite express, finalement reportée sans nouvelle date. Dans le même temps, une délégation du Parlement de la Cédéao est arrivée à Dakar aujourd’hui pour une visite de trois jours.

Conduite par le président du Parlement de la Cédéao, Sidie Mohamed Tunis, la délégation de sept parlementaires (composée de quatre députés et trois fonctionnaires) a d’abord rencontré le président de l’Assemblée nationale sénégalaise. Au menu des discussions : la loi constitutionnelle adoptée lundi dernier qui reporte la présidentielle au 15 décembre prochain.

Car l’objectif de cette mission, explique-t-on du côté de la Cédéao, c’est de « s’informer sur les causes des récentes tensions politiques survenues au Sénégal » suite au report de l’élection présidentielle avec à termes d’éventuelles recommandations à faire au Sénégal ou à la Cédéao.

C’est avec cette même ambition que les députés ouest-africains ont rencontré les différents groupes parlementaires de l’Assemblée nationale dans l’après-midi. « Comme il y a une tension, ils sont venus échanger avec nous pour voir comment nous aider à aller vers le dialogue », a commenté le président du groupe parlementaire Benno Bokk Yakaar (majorité) Abdu Mbow à l’issue de la rencontre avec la délégation.

Aujourd’hui, les parlementaires de la Cédéao devraient rencontrer des membres de la société civile, tout comme les juges du Conseil constitutionnel avant de repartir vers Abuja mercredi.

Enfin, après l’annulation d’une rencontre prévue hier, le président Macky Sall devrait lui s’entretenir avec le chef de l’organisation ouest-africaine Bola Tinubu à Addis-Abeba jeudi.

Les Sénégalais ont, quant à eux, été appelés mardi après-midi à une marche silencieuse à Dakar pour protester contre le report de la présidentielle et la prolongation du mandat du chef de l’État. Marche que le Préfet de la capitale n’a pas autorisé qui a proposé qu’on lui soumette un nouvel itinéraire. Motif invoqué : perturbation de la circulation. On ignore pour l’instant si les organisateurs maintiennent ou non leur mot d’ordre de marche pour 15h ce mardi.

Une saisine de la Cour de justice de la Cédéao contre les coupures d’Internet
La Cour de justice de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) a été saisie contre les coupures d’Internet ordonnées par l’État du Sénégal. Une requête rendue publique le 13 février, mais déposée le 31 janvier au nom d’Africtivistes, une organisation panafricaine de protection des droits de l’homme, et de deux journalistes sénégalais.

Le but : empêcher de nouvelles coupures d’Internet mobile alors que 97% des internautes utilisent ce mode de connexion. Et quelques jours après la saisie de la Cédéao, le pays a connu une nouvelle coupure, le 4 février, après l’annonce du report de la présidentielle.

« Cette plainte était en rédaction depuis plus de cinq mois, juste après les dernières coupures d’Internet au Sénégal, explique Cheikh Fall, président d’Africtivistes, au micro de Théa Ollivier. Mais l’objectif principal, c’était d’abord d’inviter la Cour de justice de la Cédéao, de sanctionner le Sénégal et ensuite d’inviter les autorités sénégalaises à ne plus couper Internet et censurer les réseaux sociaux ».

Il rappelle : « La Cour de justice de la Cédéao a déjà sanctionné des pays comme le Togo. Et nous ce que nous attendons aussi parmi ses compétences, c’est de l’inviter à mettre la pression sur les autorités sénégalaises, mais aussi sur d’autres pays africains, abandonner définitivement ces pratiques. D’autant plus qu’Internet est un droit fondamental qui permet d’accéder à une information de qualité et qui rentre dans tout ce qui est liberté d’expression, dans tout ce qui est liberté de médias et liberté individuelle tout court. Au-delà de ses activités d’information, Internet est un outil aussi qui a des conséquences sur le plan économique. Il y a aussi les aspects pédagogiques où des universités déploient leurs cours exclusivement sur Internet, et donc aucune raison ne devrait pousser les autorités à couper Internet. »
Source : rfi



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