Le regard d’un leader politique sur le code électoral modifié permet de comprendre davantage les implications du vote du mardi dernier au parlement. Il s’agit de Basile AGONHA, membre du Bloc Républicain ayant plusieurs élus à l’Assemblée Nationale. Il s’est prêté à une interview de votre Quotidien.
Mardi dernier, les députés ont amendé le code électoral. Dites-nous, ont-ils les prérogatives d’aller au-delà des consignes que leur a donnés la Cour constitutionnelle ?
Merci pour cette question dont les réponses feront jaillir de la lumière dans les esprits pour une meilleure compréhension du code électoral.
Les prérogatives de l’Assemblée nationale sont entre autres le vote des lois et le contrôle de l’action gouvernementale. Dans cette optique et conformément à l’injonction de la Cour constitutionnelle de trouver une porte de sortie au blocage éventuel en 2026 lié au code électoral précédent, l’Assemblée nationale a procédé à une réforme du code électoral le mardi 5 mars 2024. Les débats ont eu lieu en présence des députés de tous les partis représentés au parlement à savoir : UP-R, BR, et LD.
Ce vote intervenu consacre la volonté de l’Assemblée nationale de donner un contenu réel au renforcement des partis politiques au Bénin en ce sens qu’il promeut le développement équilibré du Bénin ainsi que le renforcement de l’unité nationale. En somme, c’est de la prérogative du député de proposer et de voter les lois pour favoriser le développement et l’unité nationale. Le vote du code électoral ne signifie aucunement le dépassement des prérogatives qui seraient au-delà des consignes de la Cour constitutionnelle.
Vous avez parcouru le Code réformé. Est-ce que l’exigence de 20% par circonscription électorale qui vient s’ajouter à celle des 10% de suffrages au plan national n’est pas exagérés ?
Pas du tout. L’esprit de cette exigence est de permettre l’enracinement de tous les partis politiques sur le territoire national. Mieux, cela n’exclut pas les 10% qu’il faut d’abord réunir sur le plan national. Par ailleurs, le code prévoit également que lorsqu’un parti politique se voit incapable de réunir les 20% dans toutes les circonscriptions, il peut se mettre en accord de gouvernance avec un autre parti tout en se rassurant que les deux réunissent 10% sur le plan national et que la sommation des suffrages exprimés des deux partis donne 20% dans chaque circonscription. Il faut aussi rappeler que l’ancien code électoral était voté en fonction du nombre (83) que faisaient les députés à l’Assemblée. Aujourd’hui, nous avons 109 élus à l’Assemblée, donc c’est normal qu’on avance et qu’on s’améliore. Les partis qui se réclament du peuple ne devraient pas s’inquiéter puisque les échéances électorales restent encore 2 ans. Donc chaque parti sérieux devrait se mettre au travail pour renforcer sa présence dans toutes les contrées afin d’atteindre l’objectif fixé.
Le parrainage à capitaliser par les partis politiques, cela ne ressemble-t-il pas à la confiscation de la liberté du député ?
Au sujet du parrainage, aucune restriction de liberté du député n’est envisagée. Ce code vient mettre de l’éthique dans le milieu politique. Il y a trois conditions dans lesquelles le député ou le maire peut parrainer :
– la première est qu’il faut que le candidat à la présidentielle soit désigné par le parti.
– la deuxième condition est qu’il faut que le candidat soit un membre du parti politique dont est issu le parrain
– la troisième condition est qu’il faut que le candidat que l’élu peut parrainer soit issu d’un parti politique en accord de gouvernance avec le sien.
Vous voyez toutes ces possibilités et libertés pour l’élu de donner son parrainage. Où se trouve alors la restriction de liberté ?
Ce qu’il faut comprendre et qui est utile pour notre peuple est que désormais, quand on est élu sur la liste d’un parti, on doit fidélité à ce parti et on a l’obligation de respecter le choix des électeurs dont on a bénéficié de la confiance. Ainsi le député ou le maire ne peut parrainer que les candidats à la présidence de la République provenant de son bord politique. Cette réforme met fin à la prostitution politique souvent décriée par le peuple béninois. Ce code empêche les débauchages de parrains dans les camps adverses.
Pourquoi le législateur pense-t-il qu’un président qui n’est affilié à un parti est plus mauvais qu’un président issu d’un parti politique ?
Le législateur n’a jamais pensé qu’un candidat issu d’un parti politique est mieux qu’un autre. Le code n’a jamais dit qu’il faut être forcément d’un parti politique avant de prétendre au fauteuil présidentiel. Seulement que celui qui veut incarner le pouvoir d’État doit être représentatif. À ce sujet il faut qu’il soit issu d’un parti politique ou désigné par un parti politique qui est présent sur le territoire national. Cela permettra aux partis de résister au temps et de contribuer à la stabilité du pays. Ce code fait des partis, les vrais acteurs de la gouvernance du pays et de son développement.
Le multipartisme intégral au Bénin est-il aujourd’hui devenu une chose à combattre et pourquoi ?
Le multipartisme intégral n’est pas synonyme du désordre qu’on a observé par le passé. Figurez-vous que dans ce petit pays, nous avions enregistré plus de 200 partis politiques par le passé. Il y a des partis qui n’étaient connus que dans leurs seules circonscriptions électorales. Loin de combattre le multipartisme, la réforme du système partisan prévoit les grands ensembles, les partis à envergure nationale. Il met fin aux clubs électoraux régionaux ou ethniques. En Afrique de l’ouest par exemple, le Ghana et le Nigéria ont depuis des décennies constituées de grands partis qui sont toujours en place et qui assurent la stabilité, l’unité nationale, et le développement. Donc la réforme du système partisan et le nouveau code électoral ne visent pas à combattre le multipartisme intégral mais plutôt à assainir le paysage politique afin qu’on se remette au travail pour assurer l’épanouissement de nos populations.
Dans l’ensemble, est-ce que le nouveau code ne va pas raviver la crise politique au Bénin ?
Le nouveau code n’est pas porteur des germes d’une crise. Ce qui est regrettable c’est la désinformation dont font preuve certains hommes politiques en méconnaissance des lois de la République. Les principes de la démocratie sont clairs. Lorsque la majorité vote une loi qui n’est pas de votre goût, vous avez la liberté de porter votre recours devant l’organe régulateur qui est la Cour constitutionnelle. Mais procéder à la désinformation afin de jouer sur l’émotion des populations serait un acte condamnable et en déphasage des principes démocratiques qu’on veut pourtant prôner. Par exemple lorsque la proposition de la révision de la constitution proposée par le député ASSAN SÉÏBOU a été rejetée par la minorité de blocage, aucun militant du BR ne s’en est plaint. On est plutôt resté respectueux des principes de la démocratie et des règlements intérieurs de l’Assemblée nationale. Aucun mouvancier n’a fait de la désinformation. Pourquoi c’est en ce moment qu’il y a tant de bruit ? Veut - on remettre en cause le principe de la majorité en démocratie ?
En Europe, il s’observe un recul du bipartisme. Au Bénin, on fait l’impossible pour en faire un modèle. N’y a-t-il pas quelque chose qui cloche ?
D’abord il faut comprendre que la volonté d’aller aux grands regroupements des partis ne date pas de la rupture. Le peuple en demande depuis fort longtemps et les politiques l’ont récemment expérimenté, notamment en 2011 où les partis politiques sous le nom Union fait la nation se sont rassemblés pour porter la candidature de Me Adrien HOUNGBÉDJI. De même en 2016, on a vu la volonté des politiques regroupés dans les trois grands partis politiques d’alors (FCBE, RB, PRD) pour porter le candidat Lionel ZINSOU.
Ensuite quand on regarde les grands pays d’Afrique, d’Europe ou d’Amérique, on se convainc de l’utilité, de la grandeur et de l’envergure des partis ainsi que de leur présence partout sur le territoire national.
Un mot pour conclure cet entretien
Je voudrais inviter les populations à rester sereines et à faire confiance à leurs élus. On ne doit pas se laisser distraire par la désinformation et la victimisation dont certains politiciens ont l’habitude en de pareilles circonstances pour se faire une visibilité. Le parti Bloc républicain reste ouvert à toutes propositions pouvant permettre à notre pays de continuer sa marche vers le développement durable amorcé depuis 2016.
Je tiens également à rappeler à tous ceux qui crient à l’exclusion et qui font de la désinformation d’arpenter les voies démocratiques pour se faire entendre. Le vrai démocrate respecte les principes démocratiques, et la loi de la majorité en fait partie.
Pour finir je voudrais rappeler qu’aucune disposition du code électoral n’exclut personne pour 2026 tout particulièrement. Les partis LD, UP-R et BR disposent chacun des parrains nécessaires pour porter un aspirant à la présidentielle.
Faisons confiance à nos institutions, ayons le courage de changer nos habitudes pour évoluer vers le développement tant chanté.