Le Professeur Cossi Dorothé SOSSA a été élevé ce vendredi 10 novembre 2023 à la dignité de grand officier de l’ordre national du Bénin. La cérémonie de sa réception s’est déroulée au siège de l’institution en présence des présidents des institutions de la République, de leurs représentants, des membres de la Cour constitutionnelle, de son personnel, des amis et de la famille de l’heureux récipiendaire. C’est la Vice-Présidente de la République, Grande chancelière, Mme Mariam ZIME TALATA qui a présidé les manifestations.
Comme le prévoit l’article 2 de la loi n° 94-029 du 03 juin1996 portant réorganisation de l’Ordre national du Bénin, Le Président de la Cour Constitutionnelle, est élevé à la dignité de Grand Officier de l’ordre national du Bénin dès son entrée en fonction.
C’est donc en vertu de ces dispositions légales que le Président de la République, Patrice Talon, a promu, à titre exceptionnel, par décret 2023-579 du 06 novembre 2023, le professeur Cossi Dorothé SOSSA à ce grade, en sa qualité de président de la Cour constitutionnelle.
Cinq mois et quatre jours après à la tête de la haute juridiction, il reçoit l’insigne et le certificat de réception des mains de la Grande chancelière de l’ordre national, Mme Mariam Talata Zimé.
En prenant la parole, la Grande chancelière, Mme Mariam ZIME TALATA s’est dit particulièrement heureuse de pouvoir partager cette cérémonie de distinction avec le Professeur Cossi Dorothé SOSSA dont le parcours force l’admiration. Elle a retracé le parcours exceptionnel, les compétences professionnelles, les actes méritoires posés par le récipiendaire et les services éminents rendus à la nation et au monde. En voici quelques extraits :
« Une source inépuisable, intarissable de savoirs »
« Je vous présente un homme dont la vie porte les marques de sa grandeur, de la profondeur de sa vocation, de l’ampleur des services éminents rendus non seulement à la nation mais aussi à l’Afrique et au monde. Vous êtes l’homme dont l’impact des bonnes œuvres et l’effet des actes méritoires s’étendent au-delà des limites de notre pays.
Vous êtes aujourd’hui dans votre domaine, un monument, une doctrine. Plaise au ciel qu’il émerge d’autres étoiles aussi lumineuses, aussi brillantes que vous dans notre pays. Vous êtes une référence majeure, une source inépuisable, intarissable de savoirs, de savoir-faire et de savoir-être ou s’abreuveront les hommes de droit d’ici et d’ailleurs. Vous avez le don spécial de susciter la confiance, ce don facilite l’écoute, le dialogue et fait baisser la tension quelle que soit son intensité. C’est le cas du dialogue politique national dont le peuple vous doit en partie, la réussite. J’invite les jeunes à s’investir dans la recherche sur le modèle que nous présentons ce jour à la nation afin d’entreprendre quand viendra leur tour, de se dépasser et de se surpasser. Que votre professionnalisme, votre probité, votre sens élevé et aigu du devoir, du sacrifice du service à la nation, éveillent et nourrissent leur patriotisme. La nation béninoise vous est reconnaissante ».
Défendre à tout prix la constitution béninoise
Très ému, le récipiendaire a d’abord partagé ce grand honneur qui lui est fait avec ses géniteurs, les innombrables bonnes volontés qui l’ont gratifié de leur assistance, ses accompagnateurs talentueux et généreux, les belles âmes qu’il a eu l’honneur d’escorter pour un bout du chemin de la vie en plusieurs décennies d’amphithéâtre, son épouse.
« La cérémonie de ce jour m’offre une tribune pour relever, rappeler et souligner, très brièvement, que, d’une branche de droit spécifique, le droit de la Constitution, l’évidence a fini par faire saisir que tous les droits trouvent leur fondement dans la Constitution faisant du Droit constitutionnel le Droit des Droits : il dépasse très largement aujourd’hui le droit public en insérant dans son cœur les droits fondamentaux », a fait remarquer le récipiendaire. Pour le Président de la Cour constitutionnelle, ce devoir le place aujourd’hui sur le front de la défense de la Constitution béninoise.
Discours du Président De la Cour constitutionnelle
Professeur Cossi Dorothé SOSSA
Je vous remercie, Madame la Vice-présidente de la République et vous dis très sincèrement que je suis parfaitement honoré de recevoir cette distinction de Grand officier de l’Ordre National du Bénin, que la République a décidé de me décerner par vos soins. Je vous remercie aussi pour les aimables paroles que je viens d’entendre, et dans lesquelles j’ai senti tant d’affection : ma parole ne serait pas à la hauteur pour exprimer ma profonde gratitude à votre endroit.
Je voudrais, avec votre permission, faire référence au Docteur Sylvain NTARI-BEMBA alias Martial MALINDA romancier, dramaturge, essayiste, journaliste et musicien congolais décédé en 1995, qui nous enseigne que « l’homme n’est pas ce qu’il est, ce qu’il croit être ou ce qu’il connaît, l’homme est ce qu’il fait pour les autres, ce qu’il apporte aux autres » (Sylvain NTARI-BEMBA alias Martial MALINDA, L’enfer, c’est Orphéo, Paris, ORTF, 1969, p. 62).
Cette conception de la réalisation du soi, de la réification d’un être humain véritable en ce bas-monde est aussi celle du Président Nelson Rolihlahla MANDELA qui déclarait dans son discours d’investiture à la présidence de la République sud-africaine, le 10 mai 1994, qu’« aucun de nous, en agissant seul, ne peut atteindre le succès ».
Chacun de nous tient, dans sa trajectoire sur terre, du fil, même ténu, qui le relie aux semblables de son entourage proche ou lointain.
Autrement dit, le mérite que la République consacre, n’a du sens qu’à la condition que l’on se rappelle tout ce que l’on doit tant aux autres qu’aux institutions, qu’on ait le sens de sa dette, de tout ce qui nous constitue et qui atteste la dialectique entre soi et les autres, entre l’individu et la collectivité. Il y a aussi une part de contingence dans tout succès. Enfin, je suis persuadé que les quelques qualités que nous avons sont des défauts corrigés.
Dans ces conditions, je ne puis honnêtement accepter, en ce jour du 10 novembre 2023, la médaille de Grand Officier de l’Ordre National de mon pays, sans partager ce grand honneur avec mes géniteurs, les innombrables bonnes volontés qui m’ont gratifié de leur assistance, mes accompagnateurs talentueux et généreux, les belles âmes que j’ai eu l’honneur d’escorter pour un bout du chemin de la vie en plusieurs décennies d’amphithéâtre, mes confrères, les merveilleuses personnes que j’ai côtoyées à différents titres.
Je pense à Irène, mon épouse ici présente qui, depuis bientôt quarante ans a été de tous mes combats, les plus glorieux comme les insignifiants, prodiguant ses conseils avisés, ses critiques bienveillantes et ses encouragements constants, pour toutes ces choses grandes ou petites qui composent une existence humaine.
Je pense, ici, à ma mère, intrépide et infatigable femme béninoise, gardienne efficace de ses enfants.
Cette date du 10 novembre était déjà marquante pour moi en ce qu’elle est la date anniversaire du décès, en 1965, de mon père, GBAGUIDI SOSSA Djêkpé. Elle devient davantage chère à mon cœur grâce à la présente cérémonie. Madame la Vice-Présidente, Grande Chancelière de l’Ordre Nationale du Bénin, si le choix de ce jour procède bien d’un pur hasard de calendrier, il est particulièrement bien tombé : il survient comme pour rendre aussi un hommage à mon auteur, dont la mémoire, cinquante-huit ans plus tard, est, pour moi, à jamais entourée d’une affection sans borne.
Je n’oublie pas mes enfants, qui, en dépit des longues absences que leur imposaient mes pérégrinations professionnelles multiples, m’ont toujours, avec calme et discrétion, assuré de leur fidélité et de leur soutien invincible.
Je pense à mes frères et sœurs, cousins et cousines, neveux et nièces, et à tous mes autres parents qui m’ont toujours prodigué sollicitude et présence, chaque fois que les tournants de mon existence l’ont requis. Ils me remplissent d’un sentiment de gratitude infinie.
J’associe aussi tout particulièrement à ma gaieté, mes collègues membres de la Cour Constitutionnelle qui avaient, il n’y a pas si longtemps et par leur vote unanime, bien voulu me porter à la tête de notre Haute Juridiction. Je partage aussi cette joie avec tous mes collaborateurs et avec tout le personnel de la Cour.
Je note bien la présence de mes amis qui ont accepté, parfois au prix d’un accroc important à leurs obligations habituelles, de se joindre à la présente manifestation. Cette présence, je le sais, ne découle pas d’un cas fortuit. Elle témoigne au contraire de l’existence d’un lien qui a su résister à l’usure du temps. Je leur exprime ma reconnaissance du plus profond de mon cœur.
Madame la Vice-présidente de la République, Mesdames et Messieurs,
Je voudrais à cette étape-ci dire avec force à la face de notre pays que, fidèle à mon serment, je continuerai à le servir sans répit. A cet égard, je conçois parfaitement avec TCHICAYA U TAM’SI, un autre écrivain congolais, que « le devoir est une nourriture. Une âme faiblit quand le devoir manque à son menu. » (TCHICAYA U TAM’SI, Ces fruits doux de l’arbre à pain, Paris, Seghers, 1987, p. 113. Écrivain congolais décédé en 1988).
Ce devoir me place aujourd’hui sur le front de la défense de la Constitution béninoise.
La cérémonie de ce jour m’offre une tribune pour relever, rappeler et souligner, très brièvement, que, d’une branche de droit spécifique, le droit de la Constitution, l’évidence a fini par faire saisir que tous les droits trouvent leur fondement dans la Constitution faisant du Droit constitutionnel le Droit des Droits : il dépasse très largement aujourd’hui le droit public en insérant dans son cœur les droits fondamentaux. Imagine-t-on encore les différents droits processuels en économisant les exigences du procès équitable ? Mêmes le droit civil de la famille, le droit des contrats, le droit des sociétés se retrouvent dans son filet. Les exigences constitutionnelles sont-elles encore, en effet, vraiment éloignées, par exemple, de la sauvegarde de la propriété privée ou de l’égalité entre les personnes ? A la vérité, il revient de dire que les droits fondamentaux sont si divers qu’on les croise dans toutes les branches du droit ! Dans la même poussée qui anime l’air du temps, le Droit constitutionnel devient de plus en plus un droit jurisprudentiel, c’est-à-dire un droit qui dérive directement des décisions de justice, en l’occurrence de celles de la Cour constitutionnelle et ne constitue plus un droit purement textuel.
Autrement dit, si quelqu’un veut réellement découvrir, à l’heure actuelle, les sources de notre droit constitutionnel, il lui faudra compulser non seulement les textes qui font la substance du bloc de constitutionnalité mais également les Décisions de la Cour constitutionnelle.
Le puissant mouvement contemporain de diffusion des droits fondamentaux, tant dans leur dimension formelle que dans leur portée matérielle, est dénommé « fondamentalisation des droits » par certains juristes. Un droit est considéré comme fondamental s’il est consacré au sommet de la hiérarchie des normes et jouit de garanties juridictionnelles effectives en vue de protéger les prérogatives qu’il confère.
Par la revalorisation de la situation particulière du justiciable qu’elle promeut, la fondamentalisation des droits parachève un humanisme juridique qui répond pleinement à la finalité axiologique assumée d’une société démocratique.
Assurer la sauvegarde de cette nouvelle donne juridique est le devoir exceptionnel du juge constitutionnel auquel, mes collègues et moi-même sommes aujourd’hui attelés. Nous y faisons face résolument.
Je reçois donc la distinction de ce jour comme l’ordre d’une nouvelle mission nationale très précieuse.
Tout en souhaitant à vous tous une heureuse fin de semaine, je vous remercie de votre bienveillante attention.
- 14 octobre 2024
- 11 octobre 2024