1- Par décision DCC 24-001 du 04 janvier 2024, la Cour Constitutionnelle du Bénin a invité l’Assemblée Nationale à modifier le code électoral, pour d’une part, rétablir l’égalité du pouvoir de parrainer à l’égard de tous les maires et, d’autre part, rendre conformes à l’article 49 de la Constitution, les dispositions de l’article 142, alinéa 6 de la loi n° 2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral.
2- Cette décision rendue sur saisine d’un citoyen qui faisant une lecture croisée de certaines dispositions de la constitution telle que modifiée par la loi 2019-40 du 07 novembre 2019, avec la loi n° 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code Electoral en République du Bénin, a constaté « que le régime de parrainage varie d’une situation contextuelle à l’autre, en rupture de l’égalité de tous devant la loi : parraineront les nouveaux maires dans certaines communes, les anciens dans d’autres »
3- Pour rappel, le Bénin connaitra en l’an 2026, et pour la première fois dans son histoire politique, trois élections nationales : les législatives et les communales simultanément puis l’élection du Président de la République. Cela nécessite une synchronisation presque chirurgicale, d’abord et principalement du dispositif légal puis ensuite du processus électoral afin que tout soit parfait.
4- Certes, la décision DCC 24-001 du 04 janvier 2024 a évoqué les trois élections à venir, mais le problème à résoudre est lié à l’élection présidentielle. En effet, l’article 44 de la Constitution dernier tiret dispose que « Nul ne peut être candidat aux fonctions de Président de la République ou de vice-président de la République s’il n’est dûment parrainé par des élus dans les conditions et suivant les modalités fixées par la loi ». Et l’article 132 in fine de la loi n° 2019-43 du 15 novembre 2019 portant code électoral a explicité que le parrainage doit être donné par « un nombre de députés et/ou de maires correspondant à au moins 10% de l’ensemble des députés et des maires ». Ainsi donc les actes de parrainage sont des pièces du dossier de candidature à l’élection présidentielle.
5- Relativement à cette élection présidentielle, l’article 135 du code électoral vient préciser que « les dépôts de candidature sont faits cinquante (50) jours avant l’ouverture de la campagne électorale pour le premier tour du scrutin … » soit le 05 février 2026. Or les maires et députés issus des élections couplées du 11 janvier 2026 seront installés entre le 1er et 15 février 2026 pour les premiers et le 08 février 2026 pour les parlementaires. Ainsi le parrainage sera délivré par les maires qui auraient été diligemment installés au plus tard le 05 février, date de clôture de dépôt des candidatures, et exclusivement par les députés de la 9ème législature dont le mandat expire le 8 février 2026, soit 3 jours après le dépôt des candidatures à la présidentielle. Il apparait donc que les maires qui seront installés entre le 6 et 15 février 2026 ne pourront pas délivrer l’acte de parrainage.
6- La rupture de l’égalité entre les maires du pouvoir de parrainer est établi, comme indiquée à juste titre dans la décision DCC 24-001 du 04 janvier 2024, puisque l’ensemble des 77 maires tirent tous leur légalité de l’élection du 11 janvier 2026, cependant que certains seront privés du droit de parrainage, parce que la cérémonie d’installation, qui légalise leur statut de maire est en attente.
7- En l’état actuel des textes, c’est exclusivement les députés élus en 2023 qui délivreront le parrainage en 2026. Certains parmi eux auront néanmoins perdu leur poste et donc leur légitimité le 11 janvier 2026 à l’occasion des élections couplées des députés et des maires, mais détiendraient toujours leur légalité, leur mandat venant constitutionnellement à expiration seulement à l’installation de la 10ème législature soit le 08 février 2026.
8- Mais une rupture de l’égalité insidieuse fait jour entre les maires et les députés issus de l’élection du 11 janvier 2026. Pendant que certains maires, parce que installés avant le 05 février 2026, délivreront le parrainage, aucun député issu de ces mêmes élections couplées ne pourra le faire, l’installation étant fixée au 08 février 2026, soit trois (03) jours après le dépôt de candidature. Le pouvoir législatif n’ayant pour limite que les balises imposées par la constitution, l’assemblée nationale dans sa formation actuelle pourra décider si c’est elle ou les députés de la prochaine mandature qui accorderont le parrainage.
9- Pour la mise en œuvre de la décision DCC 24-001 du 04 janvier 2024, l’exercice va consister à esquisser des schémas de correction de la loi électorale sans recourir à une révision de la constitution. Pour ce faire, les trois repères constitutionnels ci-après doivent être rappelés. Les élections couplées de députés et des conseillers communaux et municipaux auront lieu le 11 janvier 2026. Les députés seront installés le 08 février 2026 et les maires entre le 1er et le 12 février 2026. Enfin le premier tour de l’élection présidentielle aura lieu le 12 avril 2026. Ces dates constitutionnelles demeureront inchangées.
10- Schéma A : Les maires élus en 2020 et les députés élus en 2023 délivrent le parrainage
Légende A :
– Les dates et délais issus de la constitution révisée en 2019 ne changent pas
– Si le dépôt de candidature à l’élection présidentielle a lieu 80 jours avant la campagne soit 05 janvier 2026, seuls les maires élus en 2020 et les députés élus en 2023 délivrent le parrainage. (Le dépôt des candidatures a lieu avant le 11 janvier, date des élections couplées)
11- Schéma B : Les maires et les députés issus des élections du 11 janvier 2026 délivrent le parrainage
Légende B :
– Les dates et délais issus de la constitution révisée en 2019 ne changent pas
– Si le dépôt de candidature à l’élection présidentielle a lieu 35 jours avant la campagne, soit le 20 février 2026, seuls les maires et les députés élus le 11 janvier 2026 délivrent le parrainage. (Le dépôt des candidatures a lieu après la dernière date d’installation des députés et des maires, donc après le 15 février 2026)
12- Pour répondre à la préoccupation de la Cour constitutionnelle, la correction du premier alinéa de l’article 135 de la loi n° 2019-43 du 15 novembre 2019 portant Code Electoral suffira. Dans sa mouture actuelle, elle est rédigée comme suit : « les dépôts de candidature sont faits cinquante (50) jours avant l’ouverture de la campagne électorale pour le premier tour du scrutin ». Il faut la réécrire en mentionnant soit 80 jours ou 35 jours selon que le parrainage sera délivré par les députés et maires actuels ou ceux qui sortiront des urnes le 11 janvier 2026. La même correction sera apportée à l’article 40 de la loi. Mais en raison de la complexité et de la multitude des tâches liées au processus électoral, dont certains sont enfermées dans des délais légaux et ou constitutionnels, et ayant justement pour point de départ la date du dépôt des candidatures, il convient d’opter pour le délai de 80 jours afin de disposer du temps nécessaire pour une organisation sereine au lieu de 35 jours qui raccourcirait drastiquement les délais.
Cotonou, le 20.02.2024
Salomon K. ABOU. Avocat à la cour