Délocalisation de la CRIET : Le gouvernement édifie les députés

20 juin 2024

Au cours de la séance de questions au gouvernement de ce jeudi 20 juin 2024, des députés à l’Assemblée nationale ont exprimé leurs préoccupations. Entre autres, , il y a la question orale avec débat posée par le député Michel Sodjinou du groupe parlementaire "Les Démocrates" et relative à la délocalisation de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) de Porto-Novo vers Cotonou. Pour la circonstance, le gouvernement était représenté par les Ministres Olushegun Adjadi Bakari des affaires étrangères, Yvon Détchénou de la justice et de la législation et Fortunet Nouatin de la défense nationale.

(Lire ci-dessous les réponses du gouvernement)
En application des dispositions de l’article 113 de la Constitution de la République du Bénin et de l’article 106.1 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, l’honorable Michel SODJINOU a, dans le cadre d’une question orale, demandé des explications au gouvernement sur les préoccupations suivantes :
• Pourquoi le nouveau bâtiment de la Cour d’appel de commerce n’a-t-il pas été occupé à Porto Novo ?
• Pourquoi la juridiction a-t-elle été installée à Cotonou ?
• Pourquoi le Gouvernement dépouille-t-il Porto Novo de ses attributs de capitale du Bénin avec le déménagement de la CRIET et bientôt de l’Inspection des services judiciaires ?
• Quelles sont les dispositions prises pour l’installation de la Cour d’appel de commerce à Porto Novo, pour le retour du siège de la CRIET à Porto Novo, ainsi que pour le maintien de l’Inspection des services judiciaires dans la ville ?
Pour introduire les réponses à ces questions, il convient d’observer que l’attribution du statut de capitale à une ville est déterminée par la loi ou plusieurs critères et caractéristiques qui peuvent varier d’un pays à un autre. Il peut s’agir du centre politique et administratif (la capitale est alors le siège du gouvernement central et des institutions politiques clés telles que le parlement, les hautes juridictions, et les institutions prévues par la constitution), du centre économique (la ville joue un rôle crucial dans l’économie nationale, abritant des sièges sociaux d’entreprises, des centres financiers, des marchés financiers, et des institutions économiques importantes), du centre culturel et historique (la ville capitale est un centre culturel riche en histoire, en patrimoine architectural, en musées, en théâtres, en monuments nationaux, et en institutions culturelles), du centre diplomatique (les ambassades étrangères et les missions diplomatiques sont souvent basées dans la capitale en raison de sa fonction de centre de relations internationales et de diplomatie), et d’un symbole national (la ville représente l’unité et l’identité nationale et elle est souvent associée à des événements historiques importants pour le pays).
La ville de Porto-Novo n’a été dépouillée à ce titre d’aucune institution politique clé, mais au contraire renforcée par l’installation de la Cour des Comptes et du Conseil supérieur des comptes. Sur les plans culturel et historique, les constructions en cours de l’érection de la statue du roi Toffa 1er constituent des manifestations claires du renforcement du statut de capitale de la ville de Porto Novo.
Il convient à ce titre de souligner que l’installation d’une direction ou d’un service public de fond ne renforce pas le statut de capitale et ne saurait le dénier en cas de réorganisation de leur fonctionnement. L’inspection des services de la Justice et les tribunaux et cours qui participent au service public de la justice rentrent dans cet ordre.

1. La loi n°2018-13 du 02 juillet 2018 modifiant et complétant la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin et création de la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme a prévu effectivement en son article 1er qui modifie entre autres les dispositions de l’article 59 la création de trois (03) Cours d’appel de Commerce, à savoir :
* La Cour d’appel de Commerce de Porto-Novo ;
* La Cour d’appel de Commerce d’Abomey ;
* La Cour d’appel de Commerce de Parakou.
Dans la perspective de l’opérationnalisation de la Cour d’appel de Commerce de Porto Novo, l’ancien bâtiment affecté aux anciens combattants en face de l’INSJEP au quartier OGANLA à Porto- Novo avait été effectivement identifié et réfectionné. Mais la mise en place de la Cour d’appel de commerce et les dispositions à prendre pour la rendre fonctionnelle n’ont pas été possibles en raison des dispositions même de la loi exigeant un certain nombre d’années d’exercice, notamment pour les juges consulaires, et d’autres paramètres liés à la disponibilité des ressources humaines appropriées pour siéger à cette cour spécialisée. Mais en raison de l’indisponibilité de locaux, le bâtiment réaménagé et destiné à recevoir la Cour d’appel de Commerce a été occupé par l’Inspection des services judiciaires de la Justice qui est une structure directement rattachée au Garde des Sceaux, ministre de la Justice et de la Législation. Il faut observer que l’inspection n’a pas pu jusque-là trouver un site unique pour abriter tous ses services dans la capitale. L’exiguïté du bâtiment oblige d’ailleurs celle-ci à répartir ses services. Elle se retrouve en cela gênée dans son fonctionnement ordinaire, la coordination de ses services et très isolée du cabinet du ministre de la Justice. Cela crée parfois des dysfonctionnements dont il est nécessaire d’envisager le règlement pour plus d’efficacité et de performance de l’administration du service public de la justice.
L’ancien bâtiment de l’inspection sis à Cotonou ne répondant pas également aux besoins d’extension et de réformes envisagées, l’inspection fut de façon provisoire déplacée pour Porto-Novo dans un ancien bâtiment de l’ex-Ministère chargé des Relations avec les Institutions qui très tôt n’a pas pu offrir l’espace suffisant pour travailler alors que c’est le site principal identifié. Ainsi, même à Porto-Novo, l’inspection se retrouve disséminée sur trois sites. Le site principal ne dispose pas de voie d’accès et dans le même temps, il est envisagé le renforcement des effectifs à travers le recrutement de nouveaux inspecteurs. C’est donc de façon incidente que l’inspection s’est retrouvée provisoirement à Porto-Novo car même le magasin et les archives demeurent toujours à Cotonou. Un projet de réinstallation est en cours pour remettre cette importante structure à proximité du Cabinet du Ministre sis à Cotonou.

2. Les ressources humaines permettant de rendre opérationnelle la Cour d’appel de Commerce ont été prises, par la nomination de son premier Président, des magistrats conseillers, des conseillers consulaires et des greffiers. Les membres des services de greffe et les dispositifs techniques sont en cours de mise en place. Certains requièrent un lien technique avec les serveurs et dispositifs du tribunal de Commerce de Cotonou, ce qui rend difficile, dans la double optique du rapprochement de la justice des justiciables et du respect des diverses dispositions procédurales, l’installation de la Cour dans les locaux préalablement envisagés. En effet, le bâtiment aménagé à Porto Novo pour l’abriter est exploité aujourd’hui par l’Inspection générale de la Justice. Il faut donc déplacer l’inspection générale de la Justice pour envisager installer la Cour d’appel de commerce. En outre, ce même bâtiment s’est révélé inadapté pour servir de siège pour une juridiction telle que la Cour d’Appel de Commerce, d’une part en raison de sa faible envergure pour contenir les divers personnels (magistrats, conseillers consulaires, greffiers, cadres administratifs et financiers, secrétaires, etc.) et services (accueil, caisse, greffe, registre commerce et du crédit mobilier, service informatique, service de comptabilité, etc.) de cette Cour, d’autre part en raison de la position inappropriée de la salle prévue pour les audiences (en face du portail). Au plan procédural, la loi n° 2020-08 du 23 avril 2008 portant modernisation de la justice dispose que « dès l’installation des cours d’appel de commerce de leur ressort, les affaires dont sont saisies les cours d’appel de droit commun sont transférées en l’état où elles se trouvent, à l’exception de celles en délibéré ». Ainsi, la Cour d’Appel de Commerce nouvellement créée non seulement a un ressort territorial national mais aussi elle reçoit en transfert les dossiers frappés d’appel et pendants devant la Cour d’Appel de Cotonou. A l’étape actuelle de son opérationnalisation, la Cour d’Appel de Commerce a reçu en transfert mille deux cent onze (1211) dossiers, constitués essentiellement de contentieux opposant des acteurs économiques dont les affaires et le siège sont situées à Cotonou au moment de la saisine de la Cour d’Appel de Cotonou (banques, sociétés commerciales nationales ou étrangères, port, aéroport, etc.). De par la compétence matérielle qu’elle exerce, la Cour d’Appel de Commerce connaît notamment des contentieux maritimes, aériens, bancaires et des sociétés commerciales. Au regard de toutes ces nécessités, il apparaît utile de l’installer actuellement à Cotonou.
Parallèlement, l’avant dernier alinéa de l’article 59 nouveau de la loi précitée dispose : « Toutefois, en attendant l’installation des cours d’appel de commerce d’Abomey et de Parakou, la cour d’appel de commerce de Porto-Novo connaît des appels des tribunaux de commerce de leur ressort territorial. »

3. Quant à la Cour de Répression des Infractions Economiques et du Terrorisme (CRIET), le dernier alinéa de l’article 5 de la loi la loi n°2018-13 ci-dessus évoquée dispose très clairement que la CRIET siège à Cotonou. Il apparaît alors que c’est en recherche de locaux adéquats qu’elle s’était retrouvée d’abord à Porto-Novo. Or, l’ancien bâtiment de la CRIET à Porto-Novo est dans un état de défectuosité avancé qui nécessite une importante réhabilitation et par conséquent le déménagement des occupants. De même, le volume des affaires et l’effectif du personnel aujourd’hui dépasse les capacités d’accueil du bâtiment qui lui avait été affecté. Les conditions de travail devenant de plus en plus pénibles, nous avons décidé de la ramener à Cotonou Ganhi, ancien siège de la Cour Suprême, où elle se trouve actuellement.
Les questions immobilières et de cadre de travail approprié restent toujours à régler pour faciliter l’installation définitive des services publics. La volonté politique a été manifeste pour la restauration de la ville capitale mais ceci n’est pas sans certaines difficultés qu’il importe de surmonter progressivement.
Le Gouvernement poursuivra les discussions avec les autorités de la ville de Porto-Novo en vue de l’installation progressive de toutes les structures dont la présence à Porto-Novo est utile pour renforcer son statut de capitale et le bon fonctionnement et la modernisation des services publics et institutions.
Cotonou, le 20 juin 2024.

Le Garde des Sceaux,
Ministre de la Justice et de la Législation,

Yvon DETCHENOU



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