La situation conflictuelle qui prévaut entre le Niger et le Bénin suite à l’embargo du Bénin sur le pétrole nigérien continue de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Les accusations des autorités nigériennes pour justifier la non réouverture de ses frontières avec le Bénin, soi-disant
pour des raisons sécuritaires et en raison d’une supposée présence de bases militaires étrangères sur le territoire du Bénin offusquent plus d’un. Dans un entretien accordé à votre journal, le Général à la retraite Robert Gbian, député au Parlement du Bénin, s’étonne de ces accusations. Pour lui, le président Abdourahame Tiani du Niger en tant que militaire devrait comprendre que le Bénin ne saurait abriter une base militaire étrangère contre son pays eu égard aux relations historiques de coopération multilatérale dont celle militaire qui lient son pays au Bénin. Aussi, espère-t-il que les autorités nigériennes reviendront à de meilleurs sentiments pour une sortie de crise.
Une crise diplomatique oppose actuellement le Bénin et le Niger, avec des accusations persistantes de Niamey contre Cotonou concernant l’abri de plusieurs bases militaires pour déstabiliser le Niger. Tout d’abord, qu’est-ce qu’une base militaire ?
De façon simple, une base militaire est un site voué aux besoins des armées et géré par les militaires qui généralement y logent et y travaillent en dehors des opérations extérieures. Sur la base d’accords entre États, certaines grandes puissances disposent de bases en dehors de leurs frontières. Au Bénin, il n’existe pas de base militaire étrangère parce que moi qui vous parle j’ai fait carrière dans l’armée (trente-cinq ans un mois quatorze jours) et je suis bien au courant de ce qui se passe dans mon pays le Bénin en tant que citoyen béninois et aujourd’hui représentant du peuple à l’Assemblée nationale. Donc notre pays le Bénin n’a jamais abrité sur son sol de base militaire de quelque pays que ce soit.
Quels sont les prérequis avant d’établir une base militaire ?
Je crois que nous n’allons pas rentrer dans les considérations techniques militaires. Retenons tout simplement que le Bénin n’est lié à aucun accord militaire avec un pays étranger pour la création de bases militaires sur son territoire. Mieux, le Bénin n’est pas en guerre ou en instance de guerre avec le Niger, un pays voisin avec lequel il partage une longue et vieille histoire de coopération. Le Bénin est un peuple solidaire du Niger et nous ne laisserons personne faire du tort ni au peuple béninois ni au peuple nigérien.
Les allégations de la junte au pouvoir dans ce cas sont-elles justifiées ?
Nous ne saurons vous dire ce que cache l’attitude des autorités nigériennes puisque nous n’en savons rien. Nous sommes plutôt en face d’une situation qui appelle de nous Béninois, patriotisme, retenue, discernement et solidarité autour des décisions du gouvernement de notre pays et de son Chef qui a suffisamment fait preuve de sa bonne foi dans ce dossier. Le Gouvernement du Niger dispose de tous les moyens même satellitaires pour se rendre compte que ces allégations sont erronées et sans fondements. Le Général Tiani n’est pas censé ignorer qu’entre le Niger et le Bénin, il existe un lien historique de coopération dans plusieurs domaines dont celui militaire. L’option militaire envisagée par la CEDEAO pour rétablir le président nigérien déchu n’est plus d’actualité depuis la levée des sanctions de l’organisation sous régionale. Le Bénin a d’ailleurs été le premier pays à suggérer la levée desdites sanctions suivie de l’ouverture de ses frontières terrestre et aérienne avec le Niger.
Comment expliquer l’escalade de la crise nigérienne ?
Seules les autorités nigériennes sauront nous édifier même si ce qu’elles disent jusqu’à présent ne tient pas la route. Les accusations des autorités nigériennes soi-disant que c’est pour des raisons sécuritaires qu’elles maintiennent fermées les frontières avec le Bénin, sont fausses. C’est en cela que j’apprécie bien la position du porte-parole du gouvernement du Bénin qui invite le Niger à venir checker le Bénin pour s’assurer que notre pays ne constitue aucune menace pour le Niger. Moi j’irai plus loin en disant que dans le cadre de la coopération militaire, le Niger et le Bénin doivent mutualiser leurs forces pour lutter contre le terrorisme qui est le seul ennemi commun à tous les pays de la sous-région Ouest-africaine.
La position ferme du Président Patrice Talon, qui a décidé de bloquer le pétrole nigérien, est-elle légitime ?
N’oublions pas que le Bénin est un État souverain. Mieux, lorsque Patrice TALON prêtait serment en tant que président de la République que ça soit pour le premier ou le deuxième quinquennat, il a pris l’engagement de protéger le Bénin et de défendre ses intérêts même dans le cadre communautaire. En décidant de bloquer l’embarquement du pétrole nigérien à partir du Bénin vers l’étranger, le président Patrice Talon n’a pas fermé la porte du dialogue. Idem pour la décision d’interdire la sortie du territoire national de certains produits vivriers comme les céréales, sortie qui se faisait de façon informelle au nom de la solidarité sous régionale. La bonne coopération commerciale entre deux pays ne saurait être basée sur l’informel et ne saurait prospérer si l’un des deux pays prend l’autre pour ennemi. Comme le Président Patrice Talon l’a clairement martelé, le Bénin n’est pas l’ennemi du Niger.
Quelles solutions peuvent être envisagées pour sortir de cette crise ?
Nous espérons que les autorités nigériennes reviendront vite à de meilleurs sentiments pour l’intérêt des deux peuples béninois et nigérien et de tous ceux qui transitent par le Niger pour aller vers d’autres pays de l’hinterland.
Y-a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter ?
Les Béninois se sentent comme chez eux au Niger et les Nigériens se sentent comme chez eux au Bénin. Ce serait dommage que pour des raisons inavouées, les autorités nigériennes mettent à mal cette fraternité séculaire qui existe depuis des dizaines d’années entre les deux peuples. J’ai bonne foi et la certitude que le Président Patrice TALON saura user de tous les moyens dont il dispose pour faire renaitre la confiance entre les deux peuples frères.
Propos recueillis par Karim Oscar ANONRIN