L’ancien député et ancien préfet du Littoral, Epiphane Quenum s’est prononcé sur le code électoral révisé. Il explique dans une interview les bienfaits de cette nouvelle loi électorale.
Mardi dernier, les députés ont amendé le code électoral. Dites-nous ont-ils les prérogatives d’aller au-delà des consignes que leur a données la Cour constitutionnelle ?
Je salue votre demande qui d’abord me donne l’occasion d’adresser mes salutations aux lecteurs de votre Quotidien ensuite, me permet de partager avec eux mes avis et réflexions sur le nouveau code électoral.
C’est une des prérogatives établies dans la Constitution que << Les membres de l’Assemblée nationale ont concurremment avec le Président de la République l’initiative de la loi>>. C’est un droit qu’on ne peut leur dénier. Les députés peuvent décider d’aller plus loin ou de s’arrêter sur la recommandation ou même de retirer des dispositions qui auraient évolué par rapport aux usages et pratiques.
Vous avez parcouru le Code reformé. Est-ce que l’exigence de 20% par circonscription électorale qui vient s’ajouter à celle des 10% de suffrages au plan national n’est pas exagérée ?
Je pense que le législateur en définissant un double niveau de filtre semble de plus en plus se préoccuper de l’envergure nationale et de la représentativité des partis politiques. Si, l’obtention des 10% traduit l’envergure du parti, les 20% des suffrages exprimés s’apparente à un quitus de représentativité donné par les mandants de la circonscription électorale. Sans le dire, c’est à quelques ressemblances près ce qui se faisait et qui continue de déterminer la répartition des sièges de conseillers dans les arrondissements voire dans la commune. Le parti qui réunit 40% des suffrages exprimés s’adjuge la moitié des sièges plus un. Il n’y a ici rien d’éprouvant, c’est déjà vu.
Le parrainage à capitaliser par les partis politiques, cela ne ressemble-t-il pas à la confiscation de la liberté du député ?
L’encadrement du parrainage traduit une exigence de respect par le député, du mandat qui lui est délégué par le parti. De plus, il vise à accroître la suprématie du parti sur les membres qui y ont fait une adhésion libre d’une part, de raffermir la discipline de groupe pour mieux lutter contre le vagabondage politique et renforcer la stabilité du parti politique d’autre part. C’est un chantier important de la réforme du système partisan qui est ainsi inauguré.
Pourquoi le législateur pense-t-il qu’un président qui n’est pas affilié à un parti est plus mauvais qu’un président issu d’un parti politique ?
Le législateur se positionnant pour un candidat à la présidentielle issu d’un parti politique cherche à faire jouer au parti politique, la plénitude de sa mission constitutionnelle, celle d’assurer << l’animation de la vie politique ....>> et d’engager sa responsabilité tout comme sa crédibilité en cas de mal ou bonne gouvernance.
Le multipartisme intégral au Bénin est-il aujourd’hui devenu une chose à combattre et pourquoi ?
Le multipartisme avait été décidé par les acteurs politiques à la conférence nationale des forces vives pour libérer les courants philosophiques et politiques longtemps interdits sous le régime révolutionnaire mono partisan. C’est un temps d’éclatement, de liberté retrouvée et de réapprentissage de la vie démocratique. Comme toute liberté mal encadrée conduit à la débauche voire au désordre, notre pays a connu son désordre politique avec les myriades de partis politiques qui ont très vite fait de mettre à mal la cohésion nationale et la sérénité politique. D’où, il faut passer à un système partisan réfléchi et performant.
Dans l’ensemble, est-ce que le nouveau code ne va pas raviver la crise politique au Bénin ?
Le nouveau code électoral, loin de raviver les crises telles que le susurrent les politiques pessimistes, vient renforcer la stabilité et la crédibilité des partis politiques et accroître désormais le capital "confiance" entre les électeurs, les élus et les partis politiques.
En Europe, il s’observe un recul du bipartisme. Au Bénin, on fait l’impossible pour en faire un modèle. N’y a-t-il pas quelque chose qui cloche ?
Je ne crois pas que nous voulons construire un modèle de bipartisme mais plutôt aller vers des ensembles où il y aura moins de déchirement social et de plus en plus une convergence des ideaux et des esprits gagnants.
Un mot pour conclure cet entretien
Je voudrais demander à nos concitoyens et électeurs de rester sereins et de ne pas se laisser effrayés par le jeu fourbe des politiciens nostalgiques d’un temps totalement révolu.
Ce qui compte aujourd’hui, c’est d’œuvrer à doter le pays de bonnes lois et à donner à la postérité, de bonnes espérances politiques, économiques et sécuritaires.