La bénédiction papale en question
Saint Mathieu écrivait dans son évangile verset 5. 15 que la lumière ne devrait pas être mise sous le boisseau et qu’il y avait des choses que l’on ne devrait pas laisser dans l’ombre. Il en est ainsi de l’homosexualité trop longtemps restée tabou dans notre pays.
Dans la présente réflexion nous essayons d’apporter notre contribution à un débat qui enflamme le pays. Albert Einstein ne disait-il pas, au demeurant à bon escient, qu’on n’était intelligent qu’à plusieurs ? Il avait vu juste du moins en matière de créativité.
De la décision du pape et des réactions entre enthousiasme et irritation
Le 18 décembre écoulé, Sa Sainteté le Pape François avait fait publier la déclaration Fiducia Supplicans portant notamment bénédiction des couples homosexuels dans des conditions bien définies. Ladite déclaration a fait boule de neige, envahissant la toile abondamment. Dans notre exposé à caractère essentiellement religieux nous saisissons l’occasion pour considérer le sujet également au plan civil.
Réactions hors continent africain a la décision du pape
A hauteur de nos informations, le constat qui s’impose est que grosso modo l’Europe a accueilli la déclaration du Pape avec bonheur, et cela pour cause. Sa position s’explique par ses avancées sur la question d’homosexualité au plan civil. Ce continent s’est en effet inscrit depuis le siècle dernier, dans la dynamique de l’évolution des esprits en matière de genre. A titre d’illustration, la France pourtant baptisée fille de l’Eglise, a dépénalisé l’homosexualité en 1982 punie qu’elle était par la loi depuis le régime de Vichy. Par la suite, la loi du 17 mai 2013 autorisa le mariage pour tous, ouvrants par ce fait, la voie aux mariages de couples du même sexe. La France venait ainsi de légaliser dans sa plénitude la vie des couples du même sexe. Elle n’a pas répudié la doctrine de l’Eglise pour autant, loin s’en faut.
Réaction du continent africain à la décision du pape
Il sied d’admettre que chaque peuple a ses propres réalités sociales et ses propres préoccupations qui peuvent diverger de celles des autres continents. La résultante en est que dans son ensemble l’Afrique s’est mise jusqu’alors aux antipodes de la dynamique européenne si l’on fait abstraction de l’Afrique du Sud. La première réaction défavorable à la déclaration du Pape que nous avons enregistrée nous était venue de la Côte d’ivoire et il faut reconnaître qu’elle avait, un instant, semé le doute dans bon nombre d’esprits. Les chrétiens avaient retenu leur souffle le temps qu’arrivent enfin les éclaircissements plus ou moins apaisants des commandités du Vatican. Mais il convient de reconnaitre que la déclaration ivoirienne fait tache d’huile. Les conférences épiscopales du TOGO et du BENIN notamment lui ont emboité le pas et il faut s’attendre à ce que d’autres pays africains les suivent. Il convient de rappeler que l’Afrique catholique a toujours eu une dent contre le Vatican en raison de sa prise de position sur l’esclavage à un moment donné du passé. Ce ressentiment mis sous le boisseau depuis le XVème siècle jusqu’alors, a toutes les chances de ressurgir. Cela d’autant que l’environnement socio-politique actuel où l’Afrique se réveille et revendique une seconde souveraineté : celle visant à mettre en exergue ces spécificités tant politiques, culturelles, cultuelles que religieuses. De plus, il faudra compter avec l’effet domino classique et le sentiment de ne pas être de reste qui entraîneront, à n’en guère douter, une avalanche de réactions négatives en chaîne.
... La problématique de l’homosexualité et de la confusion entretenue par l’épiscopat
Le religieux peut influencer le civil comme le civil peut influencer le religieux sans préjudice toutefois de la rectitude de la doctrine. C’est pourquoi la problématique de l’homosexualité telle que nous l’abordons devrait concerner tous les deux. Je dois dire alors que la question qui me turlupine profondément est l’amalgame que font l’Etat et le Vatican sur les homosexuels. Ils parlent de ces derniers comme s’il s’agissait d’un bloc monolithique. Et de cet amalgame découle leurs positions respectives face à l’homosexualité qu’ils transmettent aux citoyens et aux fidèles. Au plan civil, il convient de distinguer les homosexuels et au plan religieux je me pose la question de savoir quand intervient le péché d’homosexualité. Ma préoccupation est que parmi les homosexuels, il convient de distinguer les homosexuels de nature et les homosexuels de fortune c’est-à-dire des personnes ayant acquis délibérément leur homosexualité. Au titre de la première catégorie, l’homosexuel est né ainsi. Tout comportement, depuis la tendre enfance et tendances diverses réunis démontrent à n’en guère douter qu’il y a des personnes qui naissent homosexuels tout comme il en est, l’air de rien, pour les personnes qui naissent hétérosexuels. On nait homosexuel et il n’y a absolument rien à faire pour détourner un homosexuel de son statut civil originel à moins de le briser à jamais ; et même ce faisant ce serait en pure perte. D’où des déchirures et des drames de famille. Les parents qui rejettent, répudient et déshéritent leurs descendants. Les enfants qui tournent le dos à leurs parents et s’en vont la mort dans l’âme.
Aucun humain n’a prise sur l’homosexualité de naissance. En tout état de cause, cet état ne se soigne pas ni ne se guérit davantage. En matière d’homosexualité, il y a un phénomène récurrent que l’on constate dans les grandes villes ou débarquent beaucoup d’européens. Parmi eux l’on compte des homosexuels célibataires de tout acabit. Dans leurs besoins de rapports sexuels et l’appât de l’argent, ils attirent et convainquent sans coup férir des hétérosexuels à aller avec eux. ET c’est là qu’intervient, à notre avis de profane, le péché de l’homosexualité, car les deux acteurs ont la pleine conscience que l’acte qu’ils commettent est illicite et contraire à la loi religieuse. Ils sont légion à Abidjan et c’est ce qui explique peut-être que l’évêque de cette ville n’ait pas fait le distinguo entre homosexuel de nature et homosexuel de fortune. Certes l’Eglise n’a pas les moyens de différencier les homosexuels. Le souhaitable serait quelle reconnaisse publiquement la différence entre les homosexuels et qu’elle l’enseigne aux chrétiens afin que ces derniers sachent raison garder devant les homosexuels et non plus les rejeter systématiques Ce sera déjà une évolution significative au sein de l’Eglise. Je ne puis m’empêcher de rappeler que j’ai, de mes propres oreilles, entendu l’évêque ivoirien dire à la face du monde que si jamais des homosexuels s’aventuraient dans son église il les boxerait et les livrerait a la police. Malheureusement c’est l’image que l’Eglise projette actuellement d’elle-même. Et l’on ne veut pas que le Pape cherche à rectifier le tir ?
Les silences du Vatican et la question fondamentale
Pourquoi donc le Vatican ne fait-il pas publiquement état de la différence entre les deux catégories d’homosexualité ? La chose est pourtant scientifique évidente et crève les yeux. Il est par ailleurs symptomatique que dans sa déclaration que nous avons parcouru de part en part, le Pape n’ait fait mention que de couple. Un couple signifie deux personnes réunies dans des relations de couple. Qu’est-ce à dire alors ? Est-ce à dire que l’Eglise est prise en tenaille entre les réalités tangibles homosexuelles et la doctrine ? Lorsque l’on met côte à côte le fait qu’elle ne distingue pas les deux catégories d’homosexuels et le fait qu’en dépit de cela elle considère le couple d’homosexuels et lui accorde sa bénédiction, nous sommes fondés à penser que l’Eglise est effectivement face à un dilemme : la doctrine et la force de la réalité. La réalité c’est que les homos de nature sont des émanations de Dieu à l’instar des hétérosexuels. L’Eglise ne peut pas les abandonner systématiquement. Et c’est là tout l’embarra que le Pape voudrait surmonter de quelque manière en les bénissant hors liturgie. Les chrétiens, africains en l’occurrence, devenus plus royalistes que le roi et épaulés en cela par leurs évêques ne comprennent pas encore cela et ont maille à partir avec l’avancée du Pape. Nous convenons parfaitement que la doctrine ne peut être au service des réalités mais nous savons aussi que toute doctrine subit les coups de butoir du temps. Le vrai problème c’est sa capacité et sa légitimé à résister au temps.
Les erreurs du Vatican
S’il nous était permis de parler d’erreur au niveau du Vatican, nous dirions qu’il en a commis une d’ordre pédagogique. Le dicastère n’a pas réalisé la portée de l’avancée qu’il a proposée au Pape. Une telle avancée requérait une sensibilisation préalable des fidèles et même des évêques alors qu’elle est tombée comme un couperet. En réalité, la déclaration du Pape est plus qu’une avancée et les fidèles conservateurs craignent qu’elle pave la voie au mariage des homosexuels dont ils ne veulent pas entendre parler.
De notre avis de profane, il serait judicieux et habile pour prévenir un schisme qui déjà pointe du nez à l’intérieur de l’Eglise catholique autant que pour préserver l’autorité du Pape, il s’impose que Sa Sainteté déclare immédiatement la bénédiction des couples homosexuels facultative ne ressortant pas de la doctrine mais du pastoral.
Ambassadeur Candide AHOUANSOU
- 4 octobre 2024
- 4 octobre 2024