La célébration de la 47ème édition de la Journée internationale des droits des femmes (JIF) est prévue pour le 8 mars prochain. Le thème choisi pour le compte de l’année 2024 est : ‘’Agir ensemble pour la femme, éradiquer la pauvreté, renforcer les institutions et investir dans le futur de la femme’’. Dans cet entretien, Huguette Bokpè Gnacadja, présidente de l’Institut national de la femme (INF) s’est prononcée à ce sujet.
Nous sommes à 48 heures de la célébration de la 47ème édition de la journée internationale de la femme. Quelle perception avez-vous du thème choisi pour cette édition ?
Ce thème, je le prends comme un appel, une invitation à aller plus vite parce que tous les aspects qui ont été évoqués dans le thème, sont des aspects qui sont déjà pris en compte. Les actions menées pour tous ces thèmes que vous avez évoqués tout à l’heure, ces actions existent mais force est de constater que la violence à l’égard des femmes et des filles persiste. Force est de constater aussi que le fossé se creuse entre eux. Sinon, on regarde l’accès des femmes aux technologies de l’information et au digital, il y a un fossé entre l’accès des femmes et celui des hommes. Si on regarde la participation de la femme à la vie politique et publique, il y a un fossé et pourtant sur nos continents, les femmes sont plus nombreuses que les hommes. Donc, c’est une invitation à accélérer les actions, à devenir encore plus concret, à joindre de plus en plus l’acte à la parole puis à passer des étapes de déclaration d’intentions aux étapes concrètes d’actions. Cela est valable pour le monde entier. Et l’investissement dont on parle, concerne la vie des femmes tout comme celle des jeunes filles. Investir dans la récupération, le développement de l’estime de soi sans lequel aucune femme ne peut déployer ses dons et ses talents au profil de sa nation. Investir davantage dans le mentorat, dans la formation et dans le partage de modèle qui parle aussi bien aux femmes qu’aux jeunes filles. C’est investir dans les écoles de formation politique pour les jeunes filles qui sont tentées par l’expérience de la vie politique. C’est investir davantage dans l’accès des femmes à la technologie ainsi qu’à ses métiers. Donc, c’est vraiment un ‘’wake-up call’’ comme disent les anglophones et l’Institut national de la femme répond forcément à cet appel.
Ce qui retient aussi l’attention dans le thème, c’est ‘’l’éradication de la pauvreté’’. D’après vous, quelle est l’urgence d’inclure l’éradication de la pauvreté dans le thème d’un événement solennel qui honore la femme ?
C’est parce que la pauvreté fait partie des facteurs aggravants ou favorisants par exemple la violence à l’égard de la femme, du mariage précoce, de la déscolarisation des filles etc. Vous n’imaginez pas le nombre de fois où, pour justifier que telle fille a été déscolarisée ou mariée de force, des parents disent qu’il ne faut pas empêcher un enseignant d’épouser leur fille parce que c’est le genre idéal, parce que son salaire tombe à la fin de chaque mois et que cela va sortir toute la famille de la pauvreté. Vous n’imaginez pas le nombre de filles à qui les mamans disent à l’âge de 13 ans : « sors un peu de la maison. Ramène-moi à manger. Tu es une bouche inutile » etc. Donc, bien qu’on ne doive pas utiliser tout cela, c’est trop facile de dire qu’au nom de la pauvreté, il faut tolérer la violence à l’égard des filles et des femmes. C’est un facteur qui est présent et il faut l’éviter pour pouvoir dégager du chemin tout ce qui est susceptible de faire, tout ce qui continue de faire le nid de violence à l’égard de la femme et le fait de reléguer les femmes à un niveau inférieur, à un rang inférieur, à un statut de personne qui ne compte que quand on a fini de compter les autres, de s’occuper des autres d’où cette importance.
Qu’est-ce qui est prévu à votre niveau pour marquer la 47ème édition de la JIF 2024 ?
La première chose que nous avons prévue, c’est que cette fois-ci le ministère des affaires sociales et de la microfinance et l’Institut national de la femme sont ensemble. Toutes les activités de l’Institut sont également les activités du ministère parce que nous avons une mission complémentaire. L’Institut national de la femme n’a pas dans son mandat, l’autonomisation. Par contre, nous avons dans notre mandat la préparation des femmes à pouvoir bien bénéficier de l’autonomisation en les libérant de tous les cas marquants qui les empêchent de réfléchir, d’être sûres d’elles-mêmes, d’avoir confiance en elles-mêmes et de pouvoir être suffisamment formées pour faire un bon usage du crédit qu’on va leur accorder, pour croire suffisamment en elles et pour vraiment transformer l’opportunité qui leur est donnée de bénéficier d’un crédit en une nouvelle destinée pour elles. Donc, nos actions sont complémentaires. L’Institut national de la femme s’occupe plus du volet juridique, du volet judiciaire et de la défense des droits des femmes tandis que le ministère des affaires sociales et la microfinance est beaucoup plus du côté social, du côté, comme je viens de vous dire, de l’autonomisation de la femme. Donc ensemble, les deux institutions travaillent à la promotion du leadership des femmes. On a voulu marquer cette complémentarité et cette solidarité pour cette édition de 2024. Ensuite nos activités sont axées sur deux volets principaux. Des panels auxquels seront invitées différentes personnes ressources et auxquels pourront avoir accès via les réseaux sociaux, l’ensemble des femmes qui voudraient suivre à distance. Un forum spécial sur l’investissement dans les femmes, d’autres panels de la présence des femmes dans les sphères de décision particulière, de la présence des femmes dans les gouvernances locales parce que le vrai développement est d’abord local et remonte en surface vers le national. Des panels sur comment faire pour que les femmes soient plus présentes à la gouvernance locale, qu’il s’agisse de l’accès à la terre, de la gestion économique locale, de la gestion politique locale et comment faire pour qu’au niveau national, il y ait aussi plus de femmes toujours dans les sphères de décision parce que c’est la présence des femmes et des hommes dans les sphères de décision qui permet de prendre en compte les besoins de toute la société. Il faut le génie de la femme et le génie de l’homme pour que tous les besoins sociaux soient pris en compte. Nos activités sont axées vers la réflexion et vers la recherche de solutions, pas dans le folklore.
Un message à l’endroit de la société dans le cadre des préparatifs de cette célébration
Le message, c’est que celui qui a compris que le développement durable et inclusif est un développement qui nécessite que l’attention au capital humain des femmes soit supérieure à celui des hommes, celui qui a compris cela, a compris que le combat contre la violence à l’égard de la femme et de la fille, aussi un combat pour le développement de notre pays. Que ce n’est pas juste une affaire des femmes pour les femmes contre les hommes mais que c’est une stratégie de développement au-delà du fait que c’est un devoir de respecter les droits humains des femmes et je pense que notre société sera plus agréable et que le bien-être de chacun sera accru par la culture de la non-violence à l’égard des filles et des femmes. Que nous soyons tous d’accord pour adhérer à la lutte contre les violences faites aux femmes parce que ce qui arrive à la femme du voisin, c’est ce qui arrive à nous seul, c’est ce qui peut arriver à nos filles demain et donc personne ne doit se sentir à l’abri du risque de la violence exercée contre une femme ou une fille, qu’on soit un parent ou un allié. Un jour, si on ne prend garde, cela va nous toucher profondément et ceux qui se mettent à l’écart de ce combat, se rendront compte de la nécessité d’être solidaires autour de ce combat.
Propos recueillis par Fidégnon HOUEDOHOUN
- 4 octobre 2024
- 4 octobre 2024