Paul Hounkpè, Secrétaire Exécutif National de la FCBE : « Si nous sommes tous de de l’opposition, nous ne devrions pas nous battre… »

4 avril 2023

Depuis quelques jour, Paul Hounkpè, le Secrétaire Exécutif National du Parti Force Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) et chef de file de l’opposition est au cœur de l’actualité. Après l’échec aux dernières législatives, l’ancien ministre de Boni Yayi a décidé de sortir de sa réserve et de répondre aux questions de votre journal. Lisez plutôt.

Pouvez-vous nous faire le point sommaire des actions de votre parti sur l’échiquier politique national ?
C’est un peu difficile de faire ce point en un laps de temps parce que FCBE est un parti assez vieux. Il a existé depuis 2008 jusqu’en 2018 sous forme d’alliance puis transformé en parti de 2018 à 2019 mais recréé à partir de 2019 à la suite des modifications de la loi des partis politiques en République du Bénin. Je vais simplement parler de la période de 2019 à ce jour où j’ai pris la tête du parti.
Ainsi, de 2019 à ce jour, nous avons commencé à animer le parti et le premier acte assez important, c’est notre participation aux élections communales de 2020 avec le code électoral en cours où il faut présenter les candidats d’emblée dans toutes les circonscriptions électorales. Cela n’a pas été facile étant donné qu’il faut avoir des candidats dans les arrondissements avec les pièces à fournir et l’exigence du quitus fiscal… En 2021, nous avons participé à l’élection présidentielle. Ça été également un événement majeur pour notre parti. Nous sommes déjà allés à un congrès extraordinaire et les instances du parti fonctionnent régulièrement. Nous avons tout fait pour installer nos structures dans toutes les circonscriptions électorales, toutes les communes et tous les arrondissements de notre pays. C’est donc un parti bien assis et bien dirigé et qui a tout fait pour participer aux élections législatives de 2023.

Dites-nous quel est l’atmosphère politique qui règne au sein de votre formation politique ?
C’est à l’issue de ces élections que nous avons marqué une pause et les activités sont en train de reprendre. Les consignes seront données à partir de la réunion du Bureau Exécutif National pour que toutes les instances commencent à fonctionner jusqu’à la base. Mais du moment où le bureau politique ne cesse de se voir et d’avoir de contact avec les responsables au niveau décentralisé, nous pouvons dire que tout est au beau fixe, le découragement n’est pas à l’ordre du jour.

Finalement nous avons constaté que la FCBE a trébuché aux dernières législatives, qu’est-ce qui explique cette défaite ?
Il y a des causes lointaines et des causes immédiates. Les causes lointaines, c’est qu’à des niveaux donnés, des forces politiques ont décidé de détruire FCBE. Nous avons toutes les informations et certains ténors ont mordu à cela et ont orchestré les démissions que nous avons constatées. Il s’agit donc des débauchages pour diminuer la force des FBCE. En dehors de cela, il y a que nous sommes une force politique de l’opposition. Lorsque c’est l’opposition, vous comprenez que les moyens ne sont pas légion dans un contexte où c’est l’argent qui détermine le choix des électeurs. Vous comprenez alors que cela ne peut qu’agir sur nous. La troisième cause lointaine, c’est qu’assez souvent tous ceux qui sont de la mouvance, quand ils descendent sur le terrain, la première chose qu’ils disent aux gens, c’est ‘‘si vous votez pour l’opposition, nous n’aurez rien’’. Dans quel pays, l’opposition apporte quelque chose à quelqu’un ? On leur dit ‘‘si vous supportez l’opposition, vous n’aurez pas de nomination, il n’y aurait pas des investissements de développement chez vous.’’ Les gens sont allés jusqu’à dire que si la route qui passe par mon village pour aller à Dogbo est demeurée ainsi, c’est à cause de Hounkpè qu’elle n’a pas été construite. Des gens sont menacés. On menace d’affecter les fonctionnaires de l’Etat. Parfois des allégations prennent une allure de menaces. Des gens ne sont pas contents de la gouvernance actuelle mais sont obligés de faire avec. C’est donc quelques éléments lointains qui ont dressé le lit à cet échec. Mais lorsque les élections ont commencé, vous avez vu que pendant que nous étions accrochés à notre programme de législature, à démontrer ce qui ne va pas et ce que nous allons corriger, les gens n’ont pas axé leurs interventions sur les débats réels de législature. C’est carrément autre chose. Distribution d’argent, destruction de l’image de l’autre, mensonge etc. Il y a eu également le fait qu’on nous a traité de parti de la mouvance simplement parce que nous avons dit qu’il faut donner une certaine chance au pays de surmonter les clivages et de ne pas s’enliser dans la guerre, les soulèvements, il faut y mettre fin. Notre tort est aussi le fait que nous sommes allés chercher le récépissé, ensuite avions participé au dialogue et avions souhaité participer aux élections communales de 2020. C’est cela notre péché. On pense que nous avons facilité la tâche au pouvoir. Des gens disent que le régime était à terre et que c’est du fait que nous ayons accepté tout cela que le pouvoir est maintenu. C’est pourquoi, il nous traite de la mouvance. Lorsqu’on nous traite de tous les noms d’oiseaux, de traitres, il est tout à fait normal qu’il y ait une certaine confusion dans la tête des Béninois. Nous n’avons rien à avoir avec le pouvoir mais, nous croyons en notre pays, à la République et quel que soient les acteurs d’aujourd’hui, nous passerons mais il faut préserver le pays pour la postérité. L’échec ne nous amènera pas à prendre n’importe quelle décision. L’échec est en train d’être digéré et je crois que le parti continue de vivre.

En tant que chef de file de l’opposition, dites-nous ce dont vous en avez bénéficié ?
J’ai été et je demeure chef de file de l’opposition. Certainement, le pouvoir prendra un autre décret pour responsabiliser une autre personnalité. Ce sera certainement le président Yayi Boni. Dans nos textes, avant le congrès de 2019 où nous avons recréé le parti, le responsable le plus élevé du parti était le président d’honneur donc Boni Yayi. Il avait un avis conforme à donner. Nous avions à l’époque modifié en lui conférant un avis consultatif, c’est ce qui l’a indisposé et qui l’a conduit à la démission. Nous avions promis faire un congrès et restaurer tout cela mais à un moment donné, on a laissé. Si un autre parti a été créé autour de lui et que cette disposition n’est pas dedans, je doute fort que ce soit autre chose que cela. A partir de ce moment, le prochain chef de file de l’opposition pourrait être le président Boni Yayi. De toutes les façons, pour le moment c’est moi. Quand le décret va intervenir, on fera la passation de charge en bonne et due forme. Malheureusement, alors que c’est depuis 2020 que cette nomination devrait intervenir, elle n’a été effective qu’en 2021 soit un an plus tard. Depuis lors, à part la nomination du représentant du chef de file de l’opposition au sein de la CENA, il n’y a plus rien de concret. C’est ce seul acte fort qui reconnait le chef de file de l’opposition, sinon plus rien. Aucun avantage. Dans le protocole d’Etat, aucune place n’est dédiée au chef de file de l’opposition. Il se fait que c’est une belle loi initiée par le pouvoir mais que le pouvoir lui-même craint d’appliquer.

Quels sont les avantages sur papier dont vous devriez bénéficier en tant que chef de file de l’opposition ?
Il est clairement dit que le chef de file de l’opposition a des avantages protocolaires et a droit à un personnel civil. C’est en quelques mots ce dont il a droit. Formuler de cette façon, il reste que ce soit décliné concrètement. Nous avons essayé de faire des propositions pour la postérité. Nous avons fait des propositions au gouvernement mais cela n’a jamais été pris en compte. Il parait que le dossier est allé plusieurs fois en Conseil des Ministres mais cela a été rejeté. J’ai fait une demande de gardes du corps qu’on m’a accordée. Un militaire était à mes côtés mais qu’il fallait que je paie. Ainsi à un moment donné c’était difficile pour lui et pour moi aussi et on a dû le libérer. Je n’ai rien reçu en tant que chef de file de l’opposition. Jamais et à grands jamais. Pas un seul franc ni un véhicule de fonction. J’ai lu des choses sur les réseaux sociaux où on dit qu’il faut nommer un autre chef de file de l’opposition pour qu’on aille prendre le véhicule qu’utilise Paul Hounkpè. Peut-être qu’après le président Patrice Talon va me faire entrer dans mes droits mais pour le moment, il n’y a pas eu de décret d’application.

Vous avez été donc nommé pour la forme ?
On ne va pas dire que j’ai été nommé pour la forme du moment où pour quelques rares cérémonies officielles, j’ai été invité en tant que chef de file de l’opposition. Cela veut dire que le pouvoir Talon est conscient qu’il a donné une place à une formation politique et en dehors de ça, il a son représentant au sein de la CENA. Ce n’est pas négligeable. Au-delà de cela, les avantages sont bloqués et nous espérons que le pouvoir ira au bout de l’application de cette loi qui l’honore.

Aujourd’hui au Bénin, quand nous prenons l’aspect juridique, sur quelle base nomme-t-on le chef de file de l’opposition ?
Au regard de la loi sur le statut de l’opposition, il y a plusieurs chefs de l’opposition mais le chef de file, c’est le premier responsable du parti de l’opposition ayant plus de députés à l’Assemblée Nationale. Mais lorsque les partis de l’opposition n’ont pas de députés, on vient désigner parmi les partis de l’opposition, celui qui a plus de conseillers communaux. C’est à ce titre que j’ai été désigné. Il s’agit de nommer le premier responsable de ce parti.

Dans la loi, il est dit que si le chef de l’Etat nomme un responsable membre d’un parti de l’opposition, personne d’autre de ce parti ne pourra plus être chef de file de l’opposition. Qu’en est-il avec le président Yayi Boni nommé médiateur pour le compte de la Cedeao ?
Yayi Boni désigné médiateur n’a rien y à voir. Il est nommé pour une mission ponctuelle. Yayi Boni peut bel et bien être chef de file de l’opposition et je pense que c’est à lui que je vais passer service. Ce n’est pas moi qui propose la nomination du chef de file de l’opposition. J’ai juste parlé en tenant compte des débats qu’il y avait sur les attributions du président d’honneur. Si les choses sont restées en l’état des textes que nous avions connus quand nous étions ensemble, c’est que la première personnalité de ce parti devrait être le président d’honneur. Un président d’honneur a trop de pouvoir. Il est en fait le premier responsable en termes de décision de son parti politique. Je pense certainement que c’est Yayi Boni qui sera nommé chef de file de l’opposition.

Aujourd’hui, c’est le parti Les Démocrates qui a des représentants à l’Assemblée Nationale. Est-ce à dire, si on suit votre logique, que le président Patrice Talon est tenu de nommer Boni Yayi chef de file de l’opposition ?
En fait, cela devrait s’imposer. Ce n’est pas qu’il peut mais il doit. Lorsqu’on prend les textes de base de chaque parti, on doit pouvoir situer au regard des attributions, celui qui est le premier responsable de ce parti. Je n’ai pas leurs textes sous les yeux mais le débat qu’il y a eu entre nous en 2019 et qui a conduit à la grande séparation que vous avez constatée était que nous avions diminué les attributions du président Yayi Boni en tant que Président d’honneur des FCBE. Donc, au regard des textes que nous avions adoptés à Parakou, visiblement et de façon évidente, le premier responsable de notre parti à l’époque était le président Boni Yayi. Je ne sais pas s’il continue d’avoir les mêmes attributions actuellement. Si c’est le cas, c’est qu’en principe, cela devrait s’imposer au président Talon de nommer Yayi chef de file de l’opposition.
Réalisation : Adrien Isséré TCHOMAKOU



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