C’est un secret de polichinelle. Les relations entre le Bénin et le Niger ne sont pas au beau fixe. Pendant des décennies, les deux pays frères ont réussi, en dépit de quelques clivages, liés notamment au port autonome de Cotonou, le « port naturel » de Niamey, à maintenir et entretenir de solides relations d’amitié et de fraternité. Hélas, tout est parti en vrille à partir du 26 juillet dernier, date à laquelle les putschistes ont déposé le président élu pour s’accaparer du pouvoir. Attaché à sa tradition démocratique, le Bénin s’est aligné avec fermeté sur la position de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) qui ne cesse d’exiger le retour à l’ordre constitutionnel. Mais la junte ne l‘entend pas de cette oreille. Depuis lors, plus rien ne va entre le Bénin et le Niger. C’est peu dire que les populations des deux pays condamnées à une interdépendance ressentent durement ce coup et appellent de tous leurs vœux le réchauffement des relations diplomatiques.
Cette crise qui, très vite a pris de grandes proportions, compromet les rapports de bon voisinage qui ont toujours existé entre les deux Etats. A la plus grande frontière à Malanville, les barrages faits de containers et de blocs de béton érigés par Niamey sur la route, sont le signe éloquent du pourrissement des relations entre les deux pays frères. Si le Niger a pris ses dispositions pour se protéger d’une intervention armée de l’organe communautaire, le Bénin est, à ce jour, resté ferme sur sa position. Bientôt cinq mois que cela dure. Ce conflit né incidemment peut être conjugué au passé si les dirigeants des deux Etats optent pour l’assouplissement des positions.
Le Bénin notamment n’a rien à perdre en prenant les devants d’une telle initiative. Il y a fort à parier que cette main tendue sera rapidement saisie par les autorités de Niamey qui vont la considérer comme une bouée de sauvetage. De part et d’autre, les temps sont difficiles et chaque partie cherche une porte de sortie pour souffler sur le plan économique. On ne parlera pas de vainqueur ni de perdant, car les deux Etats auront le mérite d’arrêter la saignée. Une sagesse enseigne que même en temps de guerre, les belligérants continuent de discuter. C’est la partie qui prend l’initiative du dialogue qui montre sa grandeur et s’en sort la tête haute. La fermeté, la fierté, la rigidité ne sont pas toujours les meilleures postures face à certaines réalités. Parfois, il faut savoir courber l’échine et en sortir grandi plutôt que continuer à s’enfoncer dans le mur. Dans tous les cas, personne n’en voudra au Bénin de s’aligner sur le respect des principes démocratiques. C’est également une évidence que la junte ne gardera pas le pouvoir au Niger ad vitam aeternam. A court ou moyen terme, l’ordre constitutionnel sera rétabli avec des dirigeants élus. Il appartient aux Nigériens de prendre leur destin en mains et d’agir conformément à leurs intérêts. Entre le respect des principes démocratiques, l’alignement sur des positions légitimes des organes communautaires, il y a aussi que les réalités économiques, historiques, sécuritaires et fraternelles sont à considérer avec la plus grande attention.
Au niveau des Etats, on ne choisit pas ses voisins. La géographie les impose. Et les pays ne changent pas d’adresse comme les individus ou les organisations. Le Bénin doit en tirer toutes les conclusions et défendre les intérêts de son économie. En somme, les pays n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts. Il appartient à l’Exécutif de défendre avec tact, responsabilité et discernement les nôtres. Ce n’est pas pour rien que les individus et pays qui savent lire dans les signes du présent les présages de l’avenir, ont toujours une bonne longueur d’avance sur les autres.
- 14 octobre 2024
- 11 octobre 2024