77e Assemblée mondiale de la Santé : Zoom sur les décisions prises à Genève

3 juin 2024

En Suisse, s’est déroulée, du 27 mai au 1er juin, la 77e Assemblée mondiale de la Santé (WHA77). Représentant le Centre de recherche en reproduction humaine et en démographie (Cerrhud) à cette occasion, Fulbert Adjimèhossou décrypte les décisions majeures. Le monde devra probablement attendre la prochaine Assemblée mondiale pour disposer d’un accord contraignant sur les pandémies.

Quelle est l’importance de l’Assemblée mondiale de la Santé ?
L’Assemblée mondiale de la Santé est le principal organe directeur de l’Organisation mondiale de la Santé. Chaque année, les délégués de tous les 194 États membres se retrouvent à Genève pour définir les priorités et orienter les stratégies en matière de santé mondiale. C’est donc une plateforme importante pour les discussions sur la santé mondiale et la formulation de politiques et de stratégies. Cette année, l’Assemblée mondiale se déroule autour du thème : « Un monde mobilisé pour la santé, la santé pour tout le monde ». Je peux vous dire que WHA77 a quelque chose de particulier. Elle est animée par une sorte de pression, douce mais éloquente. En tant que représentant du Centre de Recherche en Reproduction Humaine et en Démographie (Cerrhud, Bénin), et membre de la délégation du Réseau Medicus Mundi International (MMI), j’ai pris soin de prendre le pouls à travers une observation silencieuse. Cela m’a permis de noter cette pression et de la ressentir dans les gestes, les regards et les échanges (tant formels qu’informels) pendant les sessions, les événements parallèles et autres activités. C’était pour moi un moyen de comprendre les impatiences et les attentes.

« La santé pour tous”, vous y croyez ?
Je crois qu’avec un peu plus d’efforts et de vigilance, nous allons y arriver. Je travaille dans un centre de recherche qui mène des travaux de recherche et conduit des interventions dans ce sens, aussi bien au Bénin que dans de nombreux pays en Afrique au sud du Sahara. Nous croyons fermement que la recherche et l’innovation sont essentielles pour réaliser les objectifs de développement durable et améliorer la qualité de vie à l’échelle mondiale. Et WHA77 a été une occasion d’en discuter avec d’autres acteurs de la santé mondiale. Nous avons partagé avec le reste du monde nos approches, comme celle que nous mettons en œuvre sur le programme Health for All (H4A), une initiative multipartite qui réunit plusieurs structures au Bénin et en Belgique autour de l’amélioration des soins de santé au Bénin. L’objectif est d’améliorer l’utilisation des services de la santé maternelle et néonatale de qualité dans le département du Borgou, en particulier dans deux zones (Parakou-N’Dali et Tchaourou) et dans les communes de Porto-Novo et Abomey-Calavi. Le volet Memisa a permis d’élaborer un plan de recherche-action dont les différentes activités sont destinées à améliorer la qualité et l’accessibilité des soins dans les formations sanitaires et les zones sanitaires soutenues par le programme.

La WHA77 a procédé à des amendements du Règlement sanitaire international (RSI). Qu’est-ce qui change ?
Je voudrais souligner que les mouvements internationaux (voyages et commerce) ont la possibilité de favoriser la propagation des maladies infectieuses. Le premier cas de Covid-19 a été détecté à des milliers de kilomètres du Bénin, mais nous avons été touchés comme tous les pays du monde, avec des répercussions sur l’économie. Adopté en 1951 par 196 États parties, dont les 194 États Membres de l’OMS plus le Liechtenstein et le Saint-Siège, le RSI vise à assurer le maximum de protection contre la propagation internationale des menaces sanitaires, tout en limitant les entraves au trafic international.
La WHA77 a procédé au renforcement du Règlement sanitaire international (RSI (2005)). Désormais, une "urgence pandémique" désigne "une urgence de santé publique de portée internationale causée par une maladie transmissible et qui : (i) s’est propagée, ou est à haut risque de se propager, largement à l’intérieur de plusieurs États et entre eux ; et dépasse, ou est à haut risque de dépasser, la capacité des systèmes de santé à répondre dans ces États ; et (iii) cause, ou est à haut risque de causer, des perturbations sociales et/ou économiques importantes, y compris des perturbations du trafic et du commerce internationaux ; et (iv) nécessite une action internationale coordonnée rapide, équitable et renforcée, impliquant des approches de l’ensemble du gouvernement et de l’ensemble de la société."
Parmi les amendements, il y a la mise en place d’un mécanisme de coordination financière pour soutenir l’identification et l’accès aux financements nécessaires afin de répondre équitablement aux besoins et aux priorités des pays en développement, y compris pour développer, renforcer et maintenir les capacités de base. La WHA77 a aussi décidé de la création de comités et d’autorités pour faciliter la mise en œuvre des mécanismes de surveillance, de riposte et de préparation en matière de santé publique dans le monde entier.

Qu’en est-il de l’accord mondial sur les pandémies très attendu à la 77e assemblée mondiale de la Santé ?
La WHA77 n’a pas permis d’aboutir à cet accord visant à prévenir, se préparer et répondre aux futures pandémies. Les États ont convenu de poursuivre les négociations sur un délai d’un an. Aucun texte n’a donc été soumis. Il faudra attendre la prochaine Assemblée mondiale en mai 2025 pour en avoir une idée précise. J’espère que le monde pourra effectivement profiter de cette prolongation pour jeter les bases de systèmes d’alerte précoce et permettre aux pays à faible revenu de disposer des capacités nécessaires pour détecter et combattre les maladies transmissibles. Ce qui est souhaité, c’est que cet accord soit fondé sur les principes d’équité (entre les pays riches et ceux à faible revenu), de souveraineté, de prévention, de préparation et de riposte pour protéger les générations futures contre la menace des pandémies qui ne manqueront pas de se produire. Mais même s’il se matérialise dans un an, il ne suffira pas à lui seul à créer un changement. Pour continuer d’être le gardien de la rigueur scientifique en matière de santé et être efficace dans l’assistance et l’orientation des pays sur les actions à mettre en œuvre, l’OMS a besoin de ressources suffisantes, surtout dans un contexte de préoccupations climatiques croissantes, de menaces pandémiques et de géopolitique de plus en plus turbulente. Il faut un cycle d’investissement durable capable d’aider à prévenir les maladies, à élargir l’accès aux soins de santé et à coordonner la réponse mondiale à un nombre croissant d’urgences sanitaires causées par la guerre, les épidémies et les catastrophes naturelles. Cette même pression est à noter au niveau national. Il faut continuer à produire des données probantes pour éclairer les décideurs, à tous les niveaux, en vue de la construction par tous de systèmes de santé résilients. Il faut des données, mais aussi des financements flexibles. Et pour cela, le temps presse.



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