Dans le secret d’un local de la maison de l’excellence, Espéran Rodrigue s’est confié et son visage s’est éclairé. Le constat, depuis des années, n’a pas changé : le titan a bonne mine.
Les joues arrondies, le regard vif et intelligent, la face douce, le sourire bien arqué, la démarche pondérée et sémillante ; c’est sûr que le ciel ne lui a pas fait grise mine.
Bien avant d’entrer à l’Ecole des mines de St-Etienne, il avait déjà compris que la nourriture est une fidèle amie. Celle-ci lui a d’ailleurs sauvé la mise quand, à l’examen pratique du permis de conduire, l’examinateur occupé par du Akloui-Doko, n’a pas remarqué son créneau raté. Point de crainte aujourd’hui s’il vous invite à une balade ! Même à moto, le professeur Odon Vallet alias l’adjudant étrangleur, peut attester de la sécurité quand Espéran est aux commandes. Plus que des véhicules, il conduit des troupes et sa barque tient bon pour un ingénieur qui n’a pas particulièrement étudié le leadership.
Son secret ! Se mettre au service des autres et apprendre à l’école de la vie. C’est un "frustré" qui du travail et de la culture de l’excellence, s’est armé. Du reste, il n’aime pas être engueulé.
Quand en 2006, il rencontre le professeur Odon Vallet, devenu son inspiration et son mentor, c’est à Porto-Novo dans sa ville d’origine que se fait la prise de contact qui changea le cours de sa vie. La vie s’excusait alors de l’avoir privé au CEP 1999 de la possibilité d’entrer au Pritanée militaire simplement parce qu’il n’avait pas composé dans son département d’origine. Mais c’est mal connaître Espéran. Il est patient et stratège. Il prend sa revanche à la face du monde le 05 août 2023 à l’occasion solennelle de son mariage et se vêt comme un Général. Qui peut écrire sur la carte d’invitation à son mariage : « Les surcharges étant dangereuses pour les avions, merci de privilégier les dons en numéraire si vous souhaitez nous soutenir » ? Il faut être Espéran, fils de Norbert pour le faire. Il devrait peut-être acquérir des actions à Coca-Cola puisque déjà, il prend la vie du bon côté. Chez les Padonou, l’humour est héréditaire et ce n’est pas sa grande sœur et complice Boubou qui dira le contraire. Farceur mais aussi audacieux, Esperan l’est et l’a toujours été, même avant sa venue au monde. Longtemps espéré par sa grand-mère, il se dérobe à elle et ne vient au monde que 5 mois après le décès de cette dernière. Là encore, il se joue des craintes liées au prénom reçu de son grand-père : Godonou (traduit comme né après le départ de sa grand-mère). Eh bien, comme Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac et d’autres élites françaises qui l’ont précédé sur les bancs du Collège Louis-le-Grand à Paris, l’ex-égérie des livres de la collection des livres "Oxygène", est devenue un grand homme et bien que discret, il ne peut se dérober aux projecteurs. Devenu docteur en Mathématiques appliquées en 2016, il se sait redevable à ses géniteurs puisque bien avant son remarquable parcours académique au Bénin, sa mère l’avait sobriqué "Docteur" et son père "Dokou". Cependant, c’est un outsider qui aurait pu être poète. Au BEPC 2003, c’est sa copie de rédaction française qui a reçu une note qui fit de lui une star : 19 ! Mais à la vérité, il doit tout son déclic à un inattendu détail : un stylo rouge, sa récompense reçue des mains de la meilleure éleve de sa classe qu’il a supplantée à l’issue du défi lancé par leur enseignant de CM1.
Du petit garçon qui a demarré l’école au bord du fleuve Niger dans une classe de 182 élèves à l’homme de dimension internationale, connu au delà du Bénin, de la France et du Vietnam pour son engagement actif sur les questions d’éducation, de santé en milieu carcéral, d’intelligence artificielle et de journalisme, le parcours a été long, difficile et surtout improbable pour celui qui n’était pas parti favori. Sur la route de sa réalisation, c’est avec la force de l’amour de sa famille, de la confiance en soi, de la foi en DIEU et de son excellent travail que de bienveillantes mains lui ont été tendues et l’ont élevé. Gra-ti-tu-de ! C’est son puits dans lequel ne tarissent pas les noms et les circonstances : l’homme a bonne mémoire et est pointilleux sur les détails.
C’est d’ailleurs pourquoi, son vécu le convainc d’être humble, respectueux et accessible. Pour lui qui peut étonner parce qu’il soutient encore le Real Madrid après le départ de Cristiano Ronaldo, la loyauté passe avant l’argent. D’ailleurs, c’est ce qui a amené cet ingénieur à accepter l’appel de son mentor pour devenir le premier Noir à diriger la Fondation Vallet dont il avait lui-même été boursier.
"Qui saura" qu’avec du talé-talé, une partie de football dans son pays natal le Bénin et, entouré des siens, ce titan jouirait déjà de "La mélodie du bonheur" ? Assurément, les temps agités de ses premières amours et ses premiers pas hésitants en France sont bien loin derrière lui. Pour ce génie qui fait la fierté de sa patrie, le vœu premier est de continuer de briller.
Frédhy-Armel BOCOVO (Coll)
- 14 octobre 2024