Appréhendé nuitamment au Togo et ramené au Bénin, l’activiste Steve Amoussou, alias Frère Hounvi continue de faire la une des journaux. Dans l’après-midi de ce mardi 20 août, il a été présenté au procureur spécial de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet). Après son audition, marquée par le refus d’accès aux membres du parti de l’opposition, trois chefs d’inculpation ont été retenus contre lui. Il a d’abord été déclaré coupable de harcèlement par voie électronique. En effet, la Cour a estimé que Steve Amoussou aurait utilisé des moyens numériques pour importuner, menacer ou harceler une ou plusieurs personnes.
Le deuxième chef d’accusation à son encontre, c’est l’initiation et la publication de fausses nouvelles par le biais des réseaux sociaux. Cette accusation implique que ‘‘Frère Hounvi’’ aurait créé et diffusé de fausses informations sur les réseaux sociaux, potentiellement dans le but de manipuler l’opinion publique ou de nuire à autrui. Le troisième, c’est la provocation directe à la rébellion. Selon la Cour, ce chef d’inculpation est d’une gravité extrême. Car, il ssignifie que l’accusé aurait incité à un soulèvement violent contre l’autorité établie.
Au terme de l’audition, trois avocats ayant défendu ‘‘Frère Hounvi’’ devant le Procureur Spécial ont estimé que les chefs d’inculpation portés contre lui sont discutables. Me Victorien Fadé a confié : « J’avoue que je ne suis pas tellement surpris par ce qui est arrivé et par la mesure prise par le parquet spécial ». Néanmoins, il s’est dit heureux que le parquet n’ait pas retenu la cybercriminalité contre le mis en cause.
En attendant la prochaine audience prévue pour le 7 octobre prochain, ‘‘Frère Hounvi’’ est mis sous mandat de dépôt. Il faut noter que la première audition prévue pour le lundi 19 août 2024 a été avortée, suite à la manifestation menée par divers acteurs notamment les partis de l’opposition. « Que le peuple béninois comme un seul homme se mobilise pour condamner son kidnapping, exiger sa libération immédiate sans condition, et le respect de ses droits humains », a fait savoir l’opposition dans une déclaration lue par Guy Dossou Mitokpè.
Dans le rang des juristes et des acteurs de la société civile, chacun y va de son analyse depuis l’enlèvement du frère Hounvi sur un sol étranger. Pour Maître Renaud Agbodjo, l’un des avocats de Steve Amoussou, le premier problème est que le frère Hounvi se trouve dans un espace territorial qui n’est pas régi par la puissance publique du Bénin. Le deuxième problème juridique évoqué se pose aussi au niveau des conditions d’interpellation du frère Hounvi. Fréjus Atindoglo estime qu’« il est difficile de se positionner face aux nombreuses informations qui circulent sur Internet. Il est tout aussi imprudent de se fier aux rumeurs même lorsqu’elles semblent être validées par certains acteurs politiques. Nous devons faire preuve de prudence et de rigueur face à ces situations. Ce qui est certain, c’est qu’un Etat responsable et sérieux ne peut pas organiser un enlèvement contre l’un de ses citoyens, même si celui-ci réside à l’étranger. L’État dispose de moyens juridiques pour appréhender tout citoyen ayant commis une infraction et ces moyens sont encadrés par le Code de procédure pénale en vigueur au Bénin.
Le kidnapping est une méthode illégale et un acte répréhensible, utilisé par des hors-la-loi, des voyous. Il est donc clair qu’il s’agit d’une interpellation. Cependant, il est important de vérifier si toutes les conditions légales ont été respectées : la procédure habituelle a-t-elle été suivie ? La personne a-t-elle été effectivement arrêtée sur un territoire étranger ? Ce sont des questions auxquelles nous n’avons pas encore de réponses. Ce qui rend difficile toute analyse objective à ce stade ».
A en croire Claude Djankaki, Expert en décentralisation et autorité traditionnelle, « Quand une tête tombe, la seconde tête frémit et est agitée d’un tremblement causé par le froid, la peur. S’il est permis à certains thuriféraires de porter en triomphe, à porter aux nues, à encenser les médiocres, les opportunistes, prenons la peine d’interroger l’histoire de l’humanité avant de jeter des balivernes sur Hounvi qui incarne un pan de la lutte du vaillant peuple béninois…Frère Hounvi s’est révélé indispensable au pouvoir actuel, tant par son éloquence que la maîtrise des dossiers qu’il aborde. A un moment donné, l’on était en droit de dire : le ver est dans le fruit. Car, presque tout ce qu’il dit se révèle vrai. Voilà quelqu’un qui a peut-être le destin de Jésus Christ et bien d’autres hommes d’Etat, disais-je. Au moment de sa passion, Jésus Christ a été exposé aux opprobres de la foule. Tant, il est humilié et discrédité aux yeux de tous. Pourtant, cela n’a pas empêché qu’il soit devenu le messie de la planète. Plus récemment, le roi Béhanzin qui était le cauchemar du colonisateur a été déniché dans sa cachette, grâce aux soutiens de ses propres frères. Aussi, l’autre icône du septentrion, le roi Bio-Guerra décapité par les envahisseurs est rétabli sur son cheval au carrefour Erevan ».
Kemi Seba, figure emblématique du panafricanisme et militant pour les droits des noirs a également réagi, en dénonçant une grave violation des droits de Frère Hounvi.
A ceux qui jugent illégale l’opération, Apollinaire Akoutodji, Diplômé de l’École nationale d’administration et de la magistrature du Bénin, les invite à consulter la loi 2016-021 du 24 août 2016 portant statut des réfugiés au Togo et la loi 2022-31 du 20 décembre 2022 qui fixe les conditions d’obtention du statut de réfugié au Bénin. Outre ces deux textes cités, le spécialiste invite également à la lecture de la convention de Genève du 28 juillet 1951. Cette loi, fait-il remarquer, fait mention en son article 2, des devoirs et des obligations de quelqu’un qui a le statut de réfugié. « Ce n’est pas parce que Steve Amoussou a la carte de réfugié qui confirme qu’il est réfugié qu’il est pénalement immunisé ou jouit de l’immunité judiciaire… Quand vous prenez l’article 4 de la loi 2022-21 du 22 décembre 2022 portant statut du réfugié au Bénin, l’article 4 précise que vous n’avez pas le droit de statut de réfugié et vous ne pouvez pas vous réclamer réfugiés même si vous avez la carte de réfugié si vous êtes poursuivi pour des faits criminels ou pénaux ou si vous êtes convaincus que des procédures sont contre vous pour des faits que vous avez commis », a-t-il expliqué.
- 14 octobre 2024
- 14 octobre 2024