Entreprises et protection de l’environnement…
Business et vertu de durabilité…
Des thèmes au demeurant antinomiques, si éloignés l’un de l’autre…
Et pourtant, il se peut parfois que les contraires s’attirent et que les opposés se rejoignent.
C’est la mission de Farima Tidjani, et des membres du consortium formé autour de l’association ADANSONIA, au Sénégal et sur le continent africain.
Dans cette tribune, elle nous présente la vision et la mission de cette association, dont l’objectif inscrit dans une approche plus large, est de faire de ces mauvais élèves, de véritables acteurs du développement durable.
« COMBATTRE LE TRIPTYQUE DE L’INACTION… »
« Les entreprises, ce sont les méchants et ne sont bonnes qu’au greenwashing ! »
Voilà un discours que Farima aura beaucoup entendu, me confie-t-elle.
Et l’entreprise, elle connaît !
Un parcours en prépa, puis dans le génie industriel, des postes à responsabilités en France et à l’international, l’auront préparée au défi immense qui l’attendait. Et notamment sur le terrain africain. Alors après être revenue au Sénégal, son pays natal, c’est avec différents organismes pour lesquels elle travaille parfois comme bénévole, qu’elle fait ses armes.
Chez Make Sense ou chez Zero Waste Senegal, elle affûte son engagement et ses connaissances, et se prépare à l’action.
Son ton de voix est clair, concentré dans cet objectif d’impliquer tous les acteurs possibles dans cet engagement envers la Nature et l’environnement qu’est le leur, le nôtre.
« Si personne ne fait rien, donc ce n’est pas ma faute, alors comment avancer quand il suffit parfois qu’une personne change pour que se crée un changement systémique ! »
L’argument se tient…
Et c’est là toute la mission d’ADANSONIA.
Combattre ce triptyque de l’inaction en réunissant, autour d’une galaxie d’acteurs, des objectifs clairs de développement durable par l’accompagnement d’entrepreneurs sur des projets pérennes. L’association, dont le nom est l’appellation scientifique du baobab, célèbre arbre présent sous différentes formes sur tout le continent, a trois objectifs principaux : être une ressource d’informations, de sensibilisation et de développement ; fédérer des communautés ; accompagner des porteurs de projets dans la durabilité.
Comme l’arbre dont elle tient son nom, ADANSONIA, cherche à regrouper comme l’on se regroupe autour de cette figure culturelle mythique.
Pour cela quatre axes de travail différents :
– La fabrique à startup
– Le consortium de communautés
– La collecte et l’analyse de données sur les habitudes de consommation locales
– Le plaidoyer auprès des citoyens et autorités locales
Avec aujourd’hui près de 50 entrepreneurs accompagnés au Sénégal, l’association soutient des porteurs de projets de tous âges et de tous milieux, guidés par un même engagement.
Sa fondatrice précise que « chacun peut se rendre compte de son pouvoir, et donc de son devoir », et en premier lieu les entreprises et entrepreneurs de demain dont la responsabilité est de présenter un autre modèle de développement.
« IL FAUT ALLER VERS UN AUTRE TYPE DE DÉVELOPPEMENT QUE CELUI QUI NOUS A AMENÉ LÀ, EN PREMIERE LIGNE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE … »
En accompagnant les entrepreneurs de ce laboratoire d’idées, l’objectif est donc de propager auprès des futurs forces économiques l’envie de dépasser des biais de développement trop longtemps surestimés.
Par les partenariats noués du Sénégal au Ghana, Farima Tidjani essaie notamment de montrer que depuis trop longtemps, la chaîne de la durabilité a été pris dans le mauvais sens.
« En effet, trop souvent, on a fait du recyclage la panacée du durable. Que ce soit les bailleurs qui privilégient la quantité plus que la qualité dans leurs indicateurs, les pouvoirs publics ou les entreprises, toutes se sont lancées dans le recyclage, avant de penser d’abord la sobriété… »
L’exemple est frappant quand elle me parle de la célèbre déchetterie de Mbeubeus, où 70% des déchets rejetés finissent incinérés, libérant du méthane et une pollution conséquente des nappes phréatiques situées dans cette région des Niayes, poumon agricole du Sénégal.
A quoi bon demander aux populations de recycler si l’organisation technique derrière n’est pas optimale ? Alors c’est l’un des combats phares de l’association.
Avec le réemploi, le reboisement et le covoiturage, ADANSONIA et ses partenaires soutiennent un maximum de projets et d’études tendant vers une durabilité de la gestion des déchets organiques. Création de compost, réemploi stratégique du méthane en énergie, ou encore développement de solutions luttant contre l’usage unique des emballages plastiques, le plaidoyer est fait pour amener à une conscientisation de tous.
Pour se développer, il faut être durable, et sortir d’un modèle où en effet certaines entreprises restent le parent pauvre du développement durable.
Sa voix s’accélère, se braque même, au rythme d’un souffle que l’on imagine agacé, quand elle me donne l’exemple de Coca-Cola et de ses usines de recyclage, louables a priori, mais qui ne viennent soutenir qu’un modèle économique en quête de rentabilité face au gouffre financier que représentaient les consignes de leurs bouteilles en verre.
Elle précise, « ce n’est pas qu’il ne faut pas recycler, au contraire, mais le recyclage n’intervient qu’à la fin, après avoir refusé ce dont on n’a pas besoin, réduit nos achats inutiles et réutiliser les matières et produits que l’on a déjà… »
« 9% DU PLASTIQUE PRODUIT DEPUIS QU’ON EN PRODUIT A ÉTÉ RECYCLÉ, SEULEMENT 9%… »
Alors, le rôle des entreprises est primordial. Décisif. Nécessaire…
Dans cette injonction à aller vers le durable, elle insiste sur le fait qu’il faut parler à tout le monde, et combler le vide en amenant de plus en plus d’entreprises et d’entrepreneurs sur un modèle pérenne et viable de leur modèle économique.
Elle est signataire d’une tribune intitulée Life Before Plastic, où sont mis en avant des modèles d’empaquetages durables, utilisés dans les cultures africaines de manière traditionnelle.
Faire rimer tradition et modernité pour atteindre ce développement.
Là encore, l’argument se tient…
En étant proche de la nature, en valorisant des figures qui parlent à tous, comme le baobab, en valorisant l’esprit de collaboration et de communautés, et en insistant sur l’objectif d’en tirer des activités génératrices de revenus pour les entrepreneurs, les citoyens, les gouvernements et les accompagnateurs, ADANSONIA montre que l’intérêt de tous réside en la faculté de créer un modèle pensé dans la durabilité, pensé pour demain.
L’écologie, « c’est un domaine qui appartient à tout le monde, et donc il faut une prise de conscience générale » pour permettre à toutes les parties prenantes d’être acteur de sa sauvegarde. Au premier rang desquelles les entreprises, qui peuvent influencer les habitudes de consommation et être influencées par le pouvoir d’achat des consommateurs.
Il est donc apparu au sortir de cette tribune, que l’entreprenariat africain est un vecteur de développement durable, mais ceci sous plusieurs conditions.
Ne pas s’acharner dans un modèle extractif et destructeur, penser le développement au regard de problématiques et solutions locales, prôner la collectivisation des idées, des projets, des combats. Et surtout, parler à tous, se réunir tous, sous cet arbre à palabre, sous cette douce ombre des feuilles de baobab, dans un esprit tourné vers les générations futures et les conditions d’un environnement durable qu’on vient à leur laisser.
Que l’on soit un citoyen, une association, un gouvernement, un porteur de projet, une entreprise…
Malik SAMB
Analyste-rédacteur, InterGlobe Conseils
Né en 1991 à Dakar au Sénégal, Malik s’installe en France pour ses études supérieures où à Aix en Provence, il passera une licence en droit et en administration publique avant de valider un Master en Sociologie des Relations Internationales à Sciences Po Paris.
Après plusieurs expériences dans le secteur privé, de l’aide au développement, au secteur automobile et à l’accompagnement de structures et acteurs du développement, il se réoriente vers le domaine du Livre et œuvre à une reconversion professionnelle en devenant libraire, notamment à Cultura.
Installé à La Garde près de Toulon dans le sud de la France, il conjugue sa passion des livres avec celle de l’écriture, et depuis 2020 poursuit son aventure de romancier en proposant des histoires et imaginaires tirés de ses voyages, ses expériences et ses cultures multiples. Essayiste, rédacteur indépendant, l’écriture est une passion qu’il met au service de ses domaines d’intérêts : les sociétés, l’écologie, les relations internationales, l’Afrique et des diasporas.
- 14 octobre 2024