Les inondations sont récurrentes à Cotonou à chaque saison pluvieuse. Ce phénomène dure depuis plus d’un siècle et ce malgré les approches des autorités. Cette catastrophe naturelle et périodique crée sur son passage des dégâts dont des pertes en vies humaines. Le professeur en hydro météorologie Agnidé Lawin, spécialiste des questions des eaux et risques climatiques donne des explications.
Quand parle-t-on d’inondation ?
On parle d’inondation lorsque l’eau vient occuper une zone qu’elle n’occupait pas naturellement auparavant. Il faut dire que l’inondation dans la ville de Cotonou revêt deux aspects : nous avons ce que nous appelons l’inondation pluviale due à une précipitation importante qui est tombée en un temps très court et nous avons l’inondation fluviale qui est due au débordement d’un lac ou d’un cours d’eau. Cotonou est donc sous l’impact de ces deux types d’inondations. Il y a des moments où la quantité de pluies qui tombe est si importante que les caniveaux et les conduits n’arrivent pas à le faire écouler très rapidement vers le lac Nokoué. A ce moment-là, les caniveaux sont débordés et l’eau est obligée de rechercher sa place naturelle dans les maisons ou sur les voies publiques. Ces évènements arrivaient de temps en temps mais il faut dire que ces derniers temps, ils sont de plus en plus fréquents.
Ensuite nous avons l’inondation fluviale qui principalement pour la ville de Cotonou est due au débordement du lac Nokoué. Il peut donc ne pas y avoir pluie à Cotonou et que certains quartiers riverains du Lac se retrouvent subitement ou progressivement dans l’eau. Le lac Nokoué fait partie du bassin de l’Ouémé et donc s’il y a de grosses pluies à Parakou, Dassa, Savè, Bohicon, Abomey etc, ces quantités d’eau doivent descendre et venir pour une grande partie passer par le lac Nokoué et cette quantité d’eau arrive à déborder et donc les quartiers périphériques du lac sont inondés. Et les zones comme So-Ava, Ganvié subissent également cette augmentation du niveau de l’eau. Donc en somme on parle d’inondation lorsque l’eau vient à occuper une zone qui initialement et/ou souvent, n’était pas sous l’eau.
Quels sont les facteurs collatéraux liés à l’inondation à Cotonou ?
Si les inondations deviennent de plus en plus fréquentes et les zones impactées s’élargissent, c’est parce qu’il y a des facteurs collatéraux aggravantes. Et parmi ces facteurs liés à l’homme, il y a l’occupation de l’espace. Tout le monde veut rester à Cotonou et environs au point que des zones qui sont inappropriées ou des zones qui sont normalement dédiées à accueillir les eaux pluviales sont remblayées par les humains et finalement l’administration est obligée de venir les établir là. Voilà donc un des facteurs. Le second facteur c’est l’occupation des couloirs de circulation de l’eau. A ce niveau également, lorsque vous occupez les couloirs naturels de l’eau et qu’elle arrive, elle cherche forcément sa voie et ne peut que se retrouver dans la chambre à coucher avec les individus.
Un autre facteur concerne les caniveaux, les canalisations artificielles réalisées par les collectivités pour assainir et évacuer les eaux pluviales. Il s’agit ici du mauvais comportement des citoyens qui jonchent ces caniveaux par des ordures de toutes sortes et l’ensablement également des caniveaux est un problème majeur. Voilà des facteurs qui aggravent la circulation de l’eau et qui par conséquent impliquent l’inondation à des endroits insoupçonnés.
Un civisme de la part des populations ne fera-t-il pas disparaître le phénomène ?
Si on revient à un civisme normal, on ne dira pas qu’il n’y aura plus d’inondation à Cotonou mais l’inondation pluviale va être réduit. Parce que si tous les caniveaux construits fonctionnent à leur pleine capacité et sont vidangés, curés c’est normalement suffisant pour évacuer les quantités d’eau qui vont tomber sauf les événements externes. En effet si par exemple de la quantité de pluie qui devait tomber en une année, il en tombe la moitié en 10 ou en 24h, il n’y a aucun système au monde qui peut l’évacuer.
Parlez-nous des outils de prévention dont dispose le Bénin pour faire face à l’inondation vu que c’est un phénomène annuel.
Il faut dire et mettre effectivement l’accent sur le civisme et la citoyenneté en ce qui concerne le maintien et l’entretien des infrastructures qui sont réalisées à grands frais pour lutter contre l’inondation pluviale. L’un des outils pour limiter les impacts économiques et humains des évènements extrêmes qui conduisent à l’inondation, des vents violents, des vagues de chaleurs aiguës, l’un des outils est le Système d’Alerte Précoces (SAP). Et ce que le Benin a aujourd’hui c’est un SAP aux inondations et il devrait évoluer vers un système d’alerte précoce multi-risques, pour permettre la prise en compte non seulement de l’élévation du niveau de la mer mais également des vagues de chaleur. Ce genre de système, lorsqu’il est bien monté et tourne normalement avec tous les acteurs, ça permet d’alerter à temps d’éventuels événements qui se forment et risquent de survenir. Ceci permet alors aux services qui sont en charge de la protection civile de rapidement agir avec les populations pour sauver tout ce qui est bien et également les humains de la réalisation de ce risque.
Que faire pour limiter les conséquences des inondations ?
Pour limiter les conséquences des inondations qu’elles soient pluviales ou fluviales, il faut inviter les populations, toutes les populations de ce pays au respect de la règlementation en vigueur surtout en matière d’installation des établissements humains et des activités socio-économiques ; que l’homme libère le lit de l’eau, les bas-fonds et couloirs d’évacuation de l’eau. Que les prochaines infrastructures prennent le phénomène de l’inondations en compte en agrandissant la capacité de rétentions des caniveaux et il faut dire que des réflexions sont en cours dans ce sens. Il est aussi important que lorsque les communautés locales passent des communiqués ordonnant de quitter un endroit pour un autre, que les populations puissent respecter. L’Agence nationale de protection civile (ANPC) passe des communiqués, fait des sensibilisations dans le cadre de la mise en œuvre des résultats de prévision et d’alerte, il faut que les populations suivent les consignes que l’ANPC donne. Pour sauver non seulement la vie mais aussi les biens économiques.
- 2 octobre 2024