Depuis quelques années, le Bénin a enregistré une nette progression en terme de notation financière. A ce sujet, plusieurs rapports publiés par des agences internationales de notation telles que Standard & Poor’s, Moody’s et Fitch Ratings montrent que le Bénin a santé financière relativement stable. Dans un entretien sur l’émission ’’Angle Eco’’ de la chaine nationale, Armand Ologoudou, Conseiller technique aux notations financières, a mieux expliqué les critères de notation de ces agences internationales et les avantages pour le Bénin.
Dites-nous quand on parle de notation financière qu’est-ce qu’on peut y comprendre ?
La notation financière encore appelée rating est une technique qui permet de mesurer la solvabilité d’un emprunteur c’est-à-dire sa volonté et sa capacité à faire face à ses obligations financières à court, moyen ou long terme. Donc cette notation est souvent établie par une agence agréée par le régulateur. Il s’agit donc d’une opinion relative qui se base sur une analyse indépendante autour notamment de la situation économique et financière de celui qui est noté ainsi que de la qualité de sa gouvernance et des perspectives de croissance de son activité.
Quels sont les enjeux d’une notation financière ?
Alors, si on revient au niveau régional, continental ou ailleurs, il faut savoir qu’il y a quelques années, l’union Africaine a identifié les marchés financiers internationaux comme source de financement du développement, comme l’une des sources à privilégier pour le développement de nos économies. Et effectivement suite à cette décision, le marché financier régional de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine a connu une progression remarquable. Donc l’enjeu en réalité de la notation c’est de fournir aux investisseurs qui sont présents sur les marchés régionaux ou internationaux les informations nécessaires afin de pouvoir prendre les bonnes décisions d’investissement.
Comment s’établit alors une notation financière ?
Ces notations sont réalisées par des agences qui interrogent le gouvernement, qui demandent à avoir un certain nombre d’éléments et d’informations. Ces informations en réalité se regroupent en différentes catégories d’une part les performances de l’Etat et sa capacité à générer de la croissance. On parle de taux de croissance réelle du PIB, de la volatilité de la croissance. La deuxième catégorie est la soutenabilité des finances publiques dont le déficit budgétaire, la dette, le service de la dette. La troisième catégorie est la qualité des institutions et de la gouvernance. Là, on mesure la qualité des institutions législatives, exécutives, la place et le rôle de la société civile et de la justice, l’efficacité des différentes politiques publiques. Enfin la quatrième catégorie mesure la vulnérabilité aux risques. Risques politiques, risques de liquidité, risques du secteur bancaire, risques externes etc…. Donc, des données sont collectées à l’intérieur de toutes ces catégories pour finalement aboutir à une note qui est attribuée aux pays.
Quels sont alors les impacts d’une notation financière sur l’économie d’un pays ?
L’impact de la notation financière permet au pays de mobiliser plus facilement et d’attirer plus facilement les investisseurs, et donc bien entendu plus d’investisseurs. Cela signifie plus d’emploi, plus d’activités économiques, plus de richesse créée donc un impact immédiat perceptible sur l’économie du pays.
Mais qui s’occupe alors de la notation financière d’un pays ?
On a plusieurs agences qui interviennent dans ce domaine. En réalité il y a pratiquement plus d’une centaine d’agences de notation au monde. Au niveau international les principales agences sont connues. Il s’agit donc de STANDARD & POOR’S, de l’agence MOODY’S et de Fitch Ratings qui interviennent essentiellement sur les marchés internationaux. En ce qui concerne le marché régional de l’UEMOA nous avons deux agences dont WARA, West African Rating qui est basée à Dakar au Sénégal et nous avons également Blum film Investment Corporation qui elle est basée en Côte d’Ivoire. Ce sont des agences qui sont agréées par le Conseil de Régulation de l’Epargne publique et des marchés financiers et donc qui interviennent au niveau régional. Il est important de noter que ces agences en réalité internationales ou nationales s’occupent de notation. Dans le cas d’un Etat, on parle de notation souveraine. Mais elles notent également des entreprises. Si je prends en fin 2021 au niveau de la bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) sur 45 sociétés qui étaient comptées 32 se sont faits noter par Blum film et par WARA. Donc le processus s’applique à l’Etat souverain mais également à une entreprise dès lors qu’elle intervient sur les marchés financiers.
Quels sont les types de notes qui sont attribués aux pays par ces agences ?
Les types de notes dépendent en réalité de plusieurs critères. On va distinguer la note à long terme et la note à court terme. La note à court terme mesure une perspective immédiate donc de moins de douze mois et la note à long terme évalue la capacité de l’entité à honorer ses engagements à une échéance supérieure à douze mois. Au-delà du terme, on va également apprécier la monnaie locale ou les devises, c’est-à-dire que les agences vont établir une autre monnaie locale dans le cas du Bénin en CFA pour les engagements et les dettes souscrites au niveau régional sur le marché régional et les mêmes agences vont émettre une autre note en devise pour les dettes qui sont contractées en euro, en dollars ou en devise.
Le Benin a reçu plusieurs fois quelques notations. Que retenir de la toute dernière ?
C’est un processus permanent dans lequel nous sommes inscrits et donc nous sommes périodiquement notés. Certaines agences effectuent ce processus deux fois, parfois d’autres l’effectuent une fois l’an. Mais ce qui est important c’est la tendance. La tendance de fond c’est que sur l’année 2020, nous avons vu nos notations se maintenir. Sur l’année 2021 alors que nous devons faire face à la pandémie du coronavirus et nous étions toujours dans les effets de la fermeture des frontières avec le Nigéria, nous avons vu à la fois Fitch rehausser la note du Bénin en deux temps. D’abord le rehaussement de la perspective ensuite le rehaussement de la note. Au même titre d’ailleurs que sur le plan régional Bloom Fitch a également rehaussé notre notation d’un cran. Et en réalité quand on observe cette tendance de fond, elle démontre la résilience des fondamentaux économiques du pays, la capacité que nous avons eu à faire face au double choc. Cela démontre également la qualité et la transparence de la gouvernance économique et financière. Elles traduisent la consolidation budgétaire du Bénin, l’amélioration de la structure de la dette et une excellence gestion des finances publiques.
Mais de façon concrète monsieur le conseiller technique, quel est l’impact que cela a sur une économie comme celle du Benin ?
Vous n’êtes pas sans savoir que le gouvernement a un programme de développement ambitieux. Vous êtes comme moi au courant du programme d’actions du gouvernement. Il y a un certain nombre de projets, que ce soit sur le plan social, que ce soit au niveau touristique, que ce soit au niveau industriel, je pense notamment à la Zone Economique spéciale de Glo-Djigbé. Ces projets nécessitent des financements et aujourd’hui les différentes notes que nous obtenons nous donnent un accès plus facile aux financements.
Que devrait faire le Benin pour demeurer un bon élève en matière de notation financière ?
L’objectif n’est pas de demeurer un bon élève en matière de notation financière, l’objectif est de demeurer un bon élève en matière de gouvernance économique et financière, en matière de transparence de la gestion des finances publiques, en matière de consolidation fiscale et budgétaire, et si vous le faites il y a de bonnes chances effectivement que cela se traduise au niveau de la note que vous obtenez.
D’aucuns estiment que la notation financière ne traduit pas forcément l’état réel du panier de la ménagère. Que répondez-vous à cela ?
Effectivement la notation se place un cran au-dessus d’une image à l’instant si vous voulez parler de l’économie du pays. Mais en ce qui concerne le panier de la ménagère, c’est vrai que nous avons d’autres indicateurs, notamment l’indice des prix à la consommation. Nous-mêmes nous publions des notes de conjonctures mensuelles et trimestrielles qui elles, permettent d’avoir une idée beaucoup plus fine de ce que vous appelez le panier de la ménagère. Le fait en que lorsque nous avons les notes que nous avons, cela se traduit de facto par une augmentation des investissements et donc en réalité une création de richesse .
- 29 novembre 2024
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