Ayouba Sali, président de l’Abpl : « Nous nous battons pour revendiquer plus de place »

30 décembre 2022

Agro-alimentaire, cosmétiques, mode, artisanat, quel que soit le domaine, le génie local béninois s’active et produit. Dans cet entretien, Ayouba Sali, président de l’Association Béninoise des Producteurs Locaux (ABPL) se prononce sur la situation de la consommation du Made in Bénin notamment en période festive de fin d’année. A l’entame de ces propos, le CEO et Co-fondateur de Vivier Local, entreprise spécialisée dans la production traditionnelle des spiritueux Good Vibes et des jus de fruits Good Life, revient sur la raison d’être, les réalisations, les difficultés et les projets de l’ABPL.

Quelles sont les difficultés auxquelles sont confrontées les producteurs locaux ?
C’est l’amour de la patrie qui nous motive car les difficultés sont nombreuses et multiformes. Nous avons organisé la 2eme édition de la Fête d’Indépendance des Produits Locaux (FIPL) en Août 2022 sans aucun sponsor pour finir endettés et convoqués par des prestataires qui n’ont pas fini de percevoir leurs dus.
Seule la mairie de Cotonou n’a ménagé aucun effort pour un accompagnement technique et logistique. Au passage nous réitérons les remerciements à l’endroit du maire et de toute son équipe.
L’exemple de la FIPL est donné pour montrer à quel point nous manquons de soutien. Alors qu’il n’est plus un secret pour personne que sans un produit intérieur brut fort, point de développement économique.

Que fait l’ABPL pour les surmonter ?
L’ABPL continue de solliciter les institutions, partenaires et mécènes afin de susciter davantage d’intérêt pour la valorisation du Made in Bénin.

Comment l’ABPL collabore-t-elle avec les associations de consommateurs ?
Avant d’être producteurs, nous sommes des consommateurs et par conséquent nous avons l’obligation de mettre le consommateur au cœur de nos activités. Il faut dire qu’il y a malheureusement peu d’associations de consommateurs au Bénin. La voix des consommateurs est la seule avec laquelle des activités sont prévues.
Ainsi invitons-nous les différents syndicats à faire de la consommation locale leur combat car sans cela, il n’y a pas d’indépendance économique.

Quelles sont les institutions avec lesquelles collabore l’ABPL ? Pourquoi ?
Nous collaborons avec beaucoup d’institutions surtout celles qui ont vocation de veiller à la qualité des produits. Entre autres, il s’agit de l’ABSSA (Agence Béninoise de Sécurité Sanitaire des Aliments), l’ABRP (Agence Béninoise de Régulation Pharmaceutique), l’ANM (Agence nationale de Normalisation, de Métrologie et du contrôle de qualité) et de l’ANAPI (Agence Nationale de la Propriété Intellectuelle).
Ces collaborations visent à respecter les conditions de production et de transformation afin de mettre sur le marché des produits sains, respectant les normes nationales et internationales.
Outre ces institutions, nous collaborons avec bien d’autres et sommes disposés à collaborer avec toutes celles qui sont sensibles au combat de la promotion des produits locaux.

Quelles sont les réalisations de l’Abpl ?
Noël des produits locaux en Décembre 2020, le Festival des produits locaux en Mars 2021, la Fête d’indépendance des produits locaux en Août 2021, Ahi Miton en Avril 2022, la Fête d’Indépendance des Produits Locaux en Août 2022…sont quelques-unes de nos réalisations.
Aussi, faisons-nous des formations sur plusieurs sujets. On peut citer le processus de certification des produits alimentaires et autorisation de mise sur le marché par l’agence béninoise de sécurité sanitaire des aliments (ABSSA) et le processus de certification des produits cosmétiques, pharmaceutiques et compléments alimentaires par l’agence béninoise de régulation pharmaceutique (ABRP). Des partenariats ont été noués avec des institutions comme l’AAP-BENIN, la CCI Bénin, la Centrale Company, l’ONG Bénin Excellence parrainée par la fondation Vallet ...

Comment communiquez-vous pour vous faire connaitre ?
Il faut dire à ce niveau que nous devons redoubler d’efforts car jusqu’à présent nous ne communiquons uniquement que quand nous organisons des évènements.

Que fait l’Abpl pour améliorer la présentation (emballage, conditionnement) des produits de ses membres ?
C’est là une des difficultés majeures de la production locale. Le fait d’avoir la matière première ici et de dépendre de l’extérieur pour conditionner et/ou emballer est un vrai casse-tête chinois. L’ABPL, dans la recherche de solutions, s’est rapprochée de la CCI Bénin. Et la CCI Bénin nous a rassuré, il y a de cela 2 ans, que c’est une préoccupation majeure à laquelle une solution sera bientôt trouvée car le gouvernement s’y investira amplement.

Quel bilan faites-vous de l’édition 3 du Mois du Consommons Local ?
Le bilan est mitigé. Simplement parce qu’il y a du mieux par rapport aux années passées. Mais une fois encore, tout a été préparé, organisé et exécuté sans mettre les acteurs que nous sommes au cœur des activités. Il est vrai que la CCI Bénin nous a sollicité pour faire des propositions. Malheureusement, elles ont été exécutées maladroitement sans nous, par le ministère de tutelle.

Depuis l’édition 1 à ce jour, quelle évolution pour les producteurs locaux avez-vous notée ?
Il faut avouer que de plus en plus des béninois s’intéressent aux produits locaux. Aujourd’hui grâce à tous les efforts des acteurs comme nous, du gouvernement béninois et des partenaires au développement, nous avons foi que les choses vont continuer à s’améliorer et que la consommation locale va s’imprimer dans la conscience des populations.

En matière d’exportation des produits locaux, quel(le)s sont :
 vos réalisations ?

Trop peu de réalisations, parce que l’exportation a beaucoup de contraintes, surtout pour des pays en développement. L’obtention du certificat d’origine et du certificat phytosanitaire, les normes régionales et zonales en sont quelques-unes.

Vos difficultés ?
Beaucoup de producteurs manquent de structuration, de sorte à être soit une entreprise artisanale où une entreprise industrielle avec une bonne politique de gestion.

Les solutions que vous appliquez ?
Nous travaillons avec des cabinets pour formaliser au mieux, les entreprises afin que leurs produits soient compétitifs sur le marché aussi bien en matière de prix de vente, de qualité du produit, de positionnement que de packaging.

Vos projets ?
Une fois que les produits seront bien présentés, nous ambitionnons, de conquérir la sous-région, plus précisément des pays comme le Nigeria, le Burkina, le Cameroun... qui ont une forte capacité de consommation.

La fin d’année est déjà arrivée, est-ce la période de vos meilleurs chiffres d’affaires ?
Cela dépend du produit. En cette période, celui qui fait dans l’agro-alimentaire (boissons) aura plus de chance de vendre que celui qui fait dans l’agro-cosmétique. Tout simplement parce qu’on boit et mange beaucoup plus pendant cette période. Parallèlement, un travail est fait au quotidien pour emmener les gens à consommer plus les boissons locales naturelles que les boissons importées et industrielles.

Vos meilleurs clients sont-ils des étrangers ou des locaux ?
Je vais vous surprendre, mais aujourd’hui nos clients sont en majorité des Béninois. Avouons que ce n’est pas encore l’apothéose. Les étrangers consomment des produits locaux spécifiques comme les produits artisanaux et artistiques.

Qu’est ce qui explique cela, selon vous ?
Pour ce qui est des étrangers, ils sont plus dans la découverte précisément culturelle qu’alimentaire ou autres. Les béninois, connaissent en général l’agro-alimentaire (jus de fruit, purée de tomates, assaisonnement et autres) : c’est culturel. Pour l’instant, ils consomment des produits locaux davantage parce qu’ils y sont poussés par les sensibilisations, le patriotisme que par ferme conviction.

Que faites-vous pour tirer parti de cette période ?
Nous nous battons pour revendiquer plus de place dans les surfaces de vente. Nous organisons des ventes publiques et privées, nous proposons des coffrets et bien d’autres actions permettant aux consommateurs d’avoir des produits sains.
Les consommateurs doivent comprendre que ce n’est pas parce que c’est du local qu’il faut le voir au rabais, bien au contraire, c’est souvent gage de qualité et d’authenticité.

Dans ce cadre, quel appel avez-vous à lancer :
  aux producteurs locaux ?

Nous nous invitons à continuer de mettre le bien-être et le plaisir du consommateur au cœur de nos activités par le respect les normes de qualité. Il nous faut continuer à cultiver les valeurs professionnelles que nous nous sommes librement fixées.

- à la population ?
Elle est exhortée à choisir son bien-être en consommant des produits locaux naturels. Cela permettra de créer des emplois, d’augmenter la devise, de protéger l’environnement, d’accroitre la richesse nationale.

- aux entreprises ?
Elles ne doivent pas se limiter au port de tenue locale les vendredis, mais faire de la consommation locale leur quotidien, investir dans la production locale.

- aux autorités politico-administratives ?
Nous les invitons à accompagner davantage la production locale, en nous invitant dans la prise de décision, en subventionnant les produits locaux et vitaux, en nous permettant d’accéder aux marchés publics, en nous facilitant les conditions de vente aussi bien au plan national qu’international.
Propos recueillis par Fredhy-Armel BOCOVO (Coll)



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