Bernard Hounnouvi, Directeur Exécutif du Conseil national du Patronat du Bénin : « Une augmentation du SMIG n’impacte pas systématiquement tous les salaires »

Patrice SOKEGBE 20 mai 2022

A l’occasion d’un atelier de réflexion sur le salaire minimum au Bénin organisé hier par la Cosi-Bénin, le Directeur Exécutif du Conseil National du Patronat du Bénin (Cnp-Bénin) s’est montré on ne peut clair sur la question du Smig et surtout sur la hiérarchisation des salaires. Selon lui, une augmentation du Smig n’entraîne pas systématiquement l’augmentation de tous les salaires. Mais tous ceux qui sont en dessous du Smig doivent être portés automatiquement au salaire minimum.

« Les débats sur le SMIG ne datent pas de la rupture. C’est un vieux débat que nous menions depuis au niveau du conseil national de travail (CNT). Il se trouve que depuis l’augmentation de 2014, on n’a pas évolué par rapport à la question de la hiérarchisation. Parce que, ensemble avec les centrales, les confédérations, le Conseil national du patronat du Bénin, avait posé des préalables pour dire qu’il faut que le salaire de base à partir duquel on ne doit pas prélever l’IPTS qui est aujourd’hui l’ITS (Impôt sur le Traitement du Salaire), qu’on mette cela à 100.000 Fcfa minimum. Quelqu’un qui gagne moins de 100.000 Fcfa, vous lui prélevez encore les impôts, vous n’encouragez pas la consommation. Or, c’est par le biais de la consommation que les entreprises peuvent encore survivre. Vous avez le salaire, vous irez acheter chez le chef d’entreprise, qu’il soit du secteur formel ou informel. Lui, il prend cet argent, il va payer l’impôt à l’Etat et l’Etat va chercher à améliorer les conditions des entreprises, des travailleurs du public comme du privé. C’est une chaîne. C’était pour cela qu’on avait posé ce problème, et on n’a pas eu gain de cause comme l’a dit tout à l’heure le Secrétaire Général de la Cosi-Bénin. Avec la décision du gouvernement de revaloriser le salaire et d’augmenter le SMIG, nous avons trouvé que c’est une décision salutaire. Quand le salaire augmente, cela entraine automatiquement la consommation. Quand on parle de salaire minimum, c’est un salaire alimentaire. Un travailleur ne peut pas prendre le salaire et faire des investissements dedans. Le salaire, c’est alimentaire, c’est pour manger, pour nourrir la famille. Si on arrivait à augmenter, cela veut dire que le père de famille ou la mère peut consommer plus. Pour la dernière décision, le SG l’a suffisamment expliquée. Pour le bas salaire qui est à 60.000 Fcfa aujourd’hui à partir duquel on ne doit pas prélever l’ITS, nous sommes toujours restés dans la logique d’aller à 100.000 Fcfa. Mais, on n’est toujours pas suivis. Le 09 novembre 2021, à l’Assemblée Nationale devant les députés, nous avons plaidé pour une situation que nous, au niveau du patronat, avons jugée anormale. Il s’agit de la suppression des mesures d’abattement en fonction du nombre d’enfants que les travailleurs ont. Si aujourd’hui, le bas salaire est porté à 60.000Fcfa, le travailleur ne peut plus jouir de ce principe d’abattement en fonction du nombre d’enfants qu’il a. Vous ne leur rendez pas service, parce que ceux qui ont perçu leur salaire après le vote de la loi sur le code général des impôts, une bonne partie a constaté que le salaire a chuté. Nous avons plaidé, mais nous n’avons pas été suivis, parce que, pour nous, le travailleur doit être dans les conditions qu’il faut pour que nous, en tant qu’employeurs, on exige de lui ce que nous voulons. La question est restée ainsi jusqu’à ce jour dans le code général des impôts, et cela continue de nous embêter. Pour aller à 52.000Fcfa, cela n’a pas été facile non plus. Il y a eu des séances préalables avec les centrales et confédérations sydicales, avec le patronat et le Coneb où vos responsables ont fait un travail scientifique pour montrer qu’aujourd’hui, si un travailleur doit vivre dans les conditions minimales, il lui faut environ 82.000 Fcfa. Les chiffres qu’ils ont pris pour faire ce travail sont de l’ordre de 1000 Fcfa, 2000 Fcfa et même 500 Fcfa pour faire ce calcul.... Au niveau du Conseil national du patronat du Bénin, nous travaillons avec les entreprises du secteur formel. Donc les grandes entreprises, c’est rare de trouver des gens encore proches de 80.000Fcfa, moins de 100.000Fcfa de salaire. Mais le secteur privé n’est pas constitué que des entreprises formelles. Il y a des Petites et Moyennes Entreprises quoique formelles qui ne pourront pas supporter ces taux. Plus grave encore, les entreprises du secteur informel, les entreprises individuelles, vous et nous. Puisque vous aussi, êtes employeurs là où vous êtes. À partir du moment où vous utilisez un chauffeur, vous utilisez un domestique, vous êtes déjà des employeurs. Si les domestiques, les chauffeur ou les jardinier arrivent à faire la preuve qu’il sont sous un lien de subordination avec l’employeur que vous êtes, et qu’ils prouvent que vous payez un salaire mensuel, c’est que vous êtes déjà sous un lien contractuel de travail. Et cette décision qui est prise vous incombe également. Vous devez également payer ces 52000 FCFA ou 60 000 FCFA à vos employés. Voilà une équation. La dernière fois, je faisais une petite démonstration en disant que, si un travailleur a un chauffeur et un domestique, cela fait déjà 104000 FCFA. Avec les 5000 Fcfa de Arch qui vont s’y ajouter, cela fera 115000 Fcfa. Combien gagne-t-il dans l’administration pour faire face à cette charge ? Voilà que le Chef de l’État dit : « Tous ceux qui ne vont pas faire l’Arch seront poursuivis ». C’est ce que la Criet dit clairement. Ils seront poursuivis et arrêtés. Donc attendez-vous à ce que nous soyons arrêtés. C’est pour vous dire que la question est très préoccupante. Il faut réfléchir. C’est pour cette raison que cela n’a pas été facile pour nous d’aller au taux de 30%. Sinon, comme il l’a dit au départ, on était parti pour 50%, mais on ne pouvait pas. La question mérite toujours réflexion. Et on ne se lève pas du jour au lendemain pour demander l’augmentation du SMIG. Il y a beaucoup de considérations qu’il faut prendre en compte. Ce n’est pas une situation ponctuelle, elle est plutôt définitive. Ainsi, il faudrait que vous vous assuriez les recettes, les charges qui viennent s’ajouter. Mais c’est aussi le lieu de remercier quand-même vos responsables qui ont compris que désormais, il ne faut plus être des va-t-en-guerre. La guerre, la bagarre entre employeurs et employés ne nous conduira à rien. C’est le dialogue et rien que le dialogue. C’est ce que nous avions commencé et nous devons poursuivre. Donc, ce n’est pas la fin du monde. Après nous, il y aura toujours débats sur la question salariale. Tout à l’heure, le communicateur parlera "salaire" et si nous allons renchérir, nous le ferons à la fin en fonction de sa communication. Parce que la question qu’on se pose aujourd’hui est de savoir s’il faudrait toujours continuer de parler de SMIG au Bénin
En ce qui concerne la question de la hiérarchisation, je peux dire qu’au départ, il y a une mauvaise compréhension de la hiérarchisation. Quand vous prenez une entreprise, il y a déjà le SMIG sectoriel. C’est-à-dire que, dans chaque secteur d’activité dans l’entreprise, il y a un salaire minimum qui est déjà fixé. Maintenant, il y a le SMIG national aujourd’hui qui est à 250 000 FCFA. Dès qu’on prend le SMIG national, le chef d’entreprise doit forcément augmenter le SMIG sectoriel et le porter déjà à celui national. C’est une obligation. Le communicateur nous le dira. C’est le code du travail, je crois en son article 210 et suivant qui prévoit les dispositions. Mais une augmentation du SMIG n’entraîne pas systématiquement l’augmentation de tous les salaires jusqu’au sommet, non ! Parce que, tous ceux qui sont en dessous du SMIG doivent être portés automatiquement au SMIG. Tout à l’heure le SG dit « Il y a des gens qui étaient peut-être en dessous de l’ancien SMIG ». Maintenant, on porte l’autre SMIG à 52000 FCFA. Certains deviennent inférieurs. Est-ce qu’ils vont rester à 52000 FCFA ? Non ! Il faut pouvoir augmenter, peut-être dans la même proportion, pour que celui qui était à 40000f soit porté à 52000 FCFA, 12000 FCFA de plus. Maintenant, celui qui était à 48000 FCFA ou 50000 FCFA avant est au-dessous. Il faut qu’on le porte au SMIG mais tenir aussi compte de l’écart qui existait entre les deux pour réajuster son salaire. Ce glissement doit pouvoir se faire au niveau des salaires qui étaient en dessous et aux environs du nouveau SMIG.
Mais quand vous atteignez déjà un salaire supérieur, il n’est plus une obligation pour l’employeur de dire qu’il faut hiérarchiser. Mais, pour peut-être une question de justice sociale et avec la discussion qu’il peut y avoir entre les responsables des différents travailleurs et l’employeur qui peuvent décider d’une légère augmentation en fonction bien-sûr de ses revenus et de ses objectifs.
C’est des questions qui sont toujours d’actualité que nous allons poursuivre toujours dans nos débats. Donc, sur ce, je voudrais Monsieur le Secrétaire Général vous dire une fois encore, une sincère merci de nous inviter toujours dans vos débats.
Propos recueillis par Patrice SOKEGBE



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