Des chercheurs ont découvert que l’écorce des arbres permettrait d’absorber le méthane, un gaz à effet de serre dont la capacité de réchauffement de l’atmosphère est environ 30 fois plus élevée que celle du dioxyde de carbone
Les arbres des hautes terres ciblés
Le méthane est le deuxième gaz à effet de serre participant le plus au dérèglement climatique, après le dioxyde de carbone. La nouvelle étude rappelle que ce gaz a contribué à hauteur de 26% au réchauffement climatique d’origine anthropique depuis 1750. Aujourd’hui, le méthane est plus émis qu’absorbé, ce qui augmente encore sa capacité à réchauffer l’atmosphère. Les principaux puits de méthane connus étaient jusqu’à présent les sols, contenant des bactéries méthanotrophes qui puisent leur énergie et se nourrissent justement de méthane. Les auteurs de cette étude se sont interrogés sur la capacité des arbres à faire pareil.
Dans l’article, les chercheurs expliquent d’où leur est venue cette idée : "Bien qu’il ait été démontré que les zones humides et certains arbres des hautes terres peuvent émettre du méthane dérivé du sol à la base du tronc, il a également été suggéré que les arbres des hautes terres peuvent servir de puits pour le méthane atmosphérique". En effet, "des bactéries endophytes utilisant le méthane ont été identifiées dans des peupliers tempérés et dans l’écorce d’arbres de zones humides tropicales, où la méthanotrophie (consommation de méthane par des organismes, ndlr) de l’écorce a atténué 36 % des émissions de CH4 (formule chimique du méthane, ndlr). »
Les auteurs de cette étude ont donc souhaité se pencher sur l’analyse d’arbres issus de forêts aux conditions hydrologiques et climatiques différentes : tropicales, tempérées et hémiboréales (à mi-chemin entre les forêts tempérées et subarctiques). Ils ont étudié les écorces d’arbres des forêts de Cuniã (Brésil), Gigante (Panama), Skogaryd (Suède) et de Wytham (Angleterre). Ils ont également effectué des analyses sur des arbres situés dans la plaine inondable de l’Amazonie à proximité des rivières Negro, Solimões et Tapajós, où des épisodes de sécheresses et d’inondations ont lieu. Car observer les échanges de méthane de ces arbres permet de constater que les conditions hydrologiques ont un impact sur l’absorption du gaz.
Concrètement, les scientifiques ont accroché des chambres d’incubation - des sortes de poches en plastique - sur la surface ligneuse de branches et de troncs d’arbres à différentes hauteurs. Ces chambres captaient alors les échanges de flux entre les arbres et l’atmosphère. Puis le taux de méthane contenu dans les chambres d’incubation a été examiné.
Une capacité d’absorption similaire à celle des sols
Les arbres des quatre différentes forêts suivent relativement le même schéma concernant les échanges de méthane : la partie basse (entre environ 30 cm et 1,3 m) des arbres émet du méthane, puis à partir de 1,3 m (70 cm à Cuniã) les flux de méthane s’inversent et l’absorption de ce dernier s’opère. Les plus grands taux d’absorption de méthane ont été observés à des hauteurs comprises entre 1,75 m et 2 m. Le taux d’absorption du méthane était plus important avec les arbres des forêts tropicales que les arbres des forêts tempérées et hémiboréales. Mais les raisons de cette différence ne sont pas précisées dans l’étude.
Quant aux arbres situés dans la plaine inondable de l’Amazonie, ils ont bel et bien révélé un effet de l’hydrologie sur l’absorption du gaz. Lorsqu’il y avait des inondations, les arbres émettaient du méthane tandis que lorsque le niveau d’eau était bas, ils l’absorbaient.
24,4 à 49,9 millions de tonnes de méthane absorbées par an
De plus, cette étude suggère que la capacité d’absorption des arbres serait similaire à celle des sols. En effet, l’équipe de scientifiques a estimé que la quantité de méthane absorbée dans le monde par l’écorce des arbres représenterait entre 24,4 et 49,9 millions de tonnes par an, contre 30 à 40 millions de tonnes par an pour les sols. Cette découverte représente une opportunité pour pouvoir rééquilibrer le bilan mondial de méthane ainsi qu’un nouvel argument pour lutter contre la déforestation.
Source : Science et Avenir
- 14 octobre 2024