Le manioc, souvent considéré comme une culture de subsistance en Afrique, se révèle être une ressource stratégique face aux défis alimentaires et économiques contemporains. La guerre en Ukraine, perturbant l’approvisionnement mondial en blé et provoquant une hausse des prix, a mis en lumière la nécessité pour le Bénin de trouver des alternatives locales pour garantir sa sécurité alimentaire. Dans ce contexte, la farine de manioc émerge comme une solution viable, permettant de réduire la dépendance aux importations de blé tout en stimulant l’économie locale.
Le manioc est une plante robuste qui nécessite moins d’eau et de pesticides que le blé. De plus sa culture aide à préserver la biodiversité locale et à lutter contre l’érosion des sols. En adoptant la farine de manioc, les pâtissiers contribuent à une pratique agricole plus durable et respectueuse de l’environnement. La farine de manioc est naturellement sans gluten, ce qui en fait une option précieuse pour les personnes atteintes de maladie cœliaque ou d’une sensibilité au gluten. Elle est également riche en fibres, en vitamines et en minéraux essentiels, contribuant ainsi à une alimentation équilibrée. Contrairement au blé, la farine de manioc a un indice glycémique plus bas, ce qui aide à stabiliser la glycémie et à prévenir les pics d’insuline. En diversifiant les sources de farines, les pâtissiers peuvent réduire leur dépendance au blé et se prémunir contre les pénuries et les hausses de prix. Cette indépendance permet également d’encourager une alimentation plus variée et de valoriser les produits locaux.
Le gouvernement béninois, à travers le MAEP, a mis en place plusieurs programmes pour soutenir la culture du manioc. Le Programme de Développement de la Filière de Manioc (PDFM) et le Projet d’Appui au Développement Agricole et à l’Accès au Marché (PADAAM) visent à développer toute la chaîne de valeur du manioc, de la production à la commercialisation. Les efforts de l’Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB) et l’Université d’Abomey-Calavi (UAC) ont conduit à des innovations majeures dans la culture et la transformation du manioc. Les chercheurs ont développé des variétés de manioc résistant aux maladies et adaptées aux conditions climatiques locales, augmentant ainsi le rendement. Les innovations dans les techniques de transformation, telles que le séchage amélioré et la fermentation contrôlée, ont permis de produire des farines de manioc de meilleure qualité. Ces innovations offrent des opportunités économiques et permettent de réduire les pertes post-récoltes.
Les innovations développées par l’UAC et les centres de recherches agronomiques ont abouti à la création de farine composites, de pâtes alimentaires et de snacks à base de manioc. Ces produits diversifiés permettent de répondre à la demande des consommateurs pour des alternatifs sans gluten et offrent des options alimentaires saines et nutritives. La capacité à produire localement des produits de haute qualité réduit la dépendance aux importations de blé, stabilisant ainsi les prix des produits alimentaires et renforçant la sécurité alimentaire du pays.
Les techniques de transformation améliorées permettront la satisfaction des consommateurs et des boulangers en facilitant l’adoption de la farine de manioc comme substitut du blé. Aussi contribueront-elles à l’augmentation de la productivité et des revenus des producteurs. L’enrichissement nutritionnel des produits à base de manioc, par ajout de vitamines et de minéraux, offre une valeur ajoutée significative. Ces produits fortifiés aident à lutter contre la malnutrition et améliorer la santé de la population.
Les progrès réalisés dans la culture et la transformation du manioc au Bénin montrent un potentiel énorme pour réduire la dépendance du pays vis-à-vis du blé. La diversification des produits alimentaires, l’optimisation des techniques de transformation, la fortification nutritionnelle, le soutien institutionnel et la valorisation industrielle sont autant de facteurs qui facilitent cette transition. En capitalisant sur ces avancés, nous pouvons améliorer la sécurité alimentaire mais aussi stimuler l’économie rurale et créer des emplois. Cette transition nécessite cependant des efforts continus en matière de recherche, de développement et de formation pour garantir la qualité et la compétitivité des produits à base de manioc sur le marché. Les initiatives actuelles et futures doivent s’aligner pour maximiser les avantages économiques et nutritionnels offerts par cette culture stratégique.
En définitive, la farine de manioc représente une clé essentielle pour l’indépendance du pâtissier vis-à-vis du blé. En adoptant cette alternative locale, nous pouvons non seulement renforcer la résilience face aux crises alimentaires mondiales, mais aussi promouvoir l’agriculture durable, améliorer la nutrition et dynamiser notre économie. Il est temps de reconnaître le potentiel du manioc et de lui donner la place qu’il mérite dans notre alimentation et notre industrie.
Par Rachel WUEMENOU