Hier, mardi 16 janvier 2024, à l’Université d’Abomey-Calavi, il s’est tenu une conférence publique sur le thème : « Comment transformer le Fa en église ? Histoire et anthropologie de Ijo Orunmila ». L’objectif de cette initiative de la Société Béninoise de Sociologie Anthropologie (SoBeSA) est d’interroger les sciences sociales et leurs contributions à l’appréhension du phénomène religieux en Afrique.
Cette conférence aux lendemains de l’édition 2024 de la fête de Vodoun au Bénin a été l’occasion de réfléchir sur la question de savoir si les religions telles que le Christianisme et l’Islam ont conduit à la destruction des cultures africaines ou simplement à des formes d’assimilation. Car, pour les organisateurs de ladite conférence, il apparait aujourd’hui, une tentative d’invention du Christianisme à la béninoise qui permettrait de concilier les commandements bibliques avec les normes et valeurs locales coutumières. A les croire, les croyances, les valeurs et les coutumes africaines se fondent progressivement dans la liturgie greco-romaine. « Dans un contexte aussi complexe, les sciences sociales peuvent aider à mieux comprendre ces phénomènes sociaux », a déclaré le Professeur Roch Houngnihin, président de la SoBeSA. Selon lui, les sciences sociales peuvent accompagner les pouvoirs publics à dresser des politiques publiques plus respectueuses des normes locales en impliquant davantage les communautés, en contribuant à identifier les « alliés » de la communication et suggérer des approches plus adaptées. Dans son allocution, le Directeur de l’école doctorale, Professeur Placide Clédjo a souligné que les conséquences de ce phénomène d’acculturation sont néfastes sur les cultures africaines. C’est pourquoi, fait-il savoir, les sciences sociales trouvent donc leur pertinence au regard du rôle important que jouent les perceptions sociales, les savoirs populaires et les liens sociaux.
Le Professeur d’anthropologie Erwan Dianteill de l’Université Paris Cité et chercheur au Centre d’anthropologie culturelle (CANTHEL) a animé la conférence sur le thème : « Comment transformer le Fâ en Église ? Histoire et anthropologie de Ijo Orunmila ». Dans son exposé, il a partagé ses expériences de plus d’une dizaine d’années de cohabitation avec les religions africaines. A sa suite, plusieurs enseignants et chercheurs ont exposé leur compréhension du sujet. Pour le Professeur Dodji Amouzouvi, le Fâ existait des millions d’années avant que l’Eglise n’apparaisse. Et le proxénétisme religieux tente d’amener les gens vers l’Eglise. « Comme on sait que le Fâ est la chose la mieux partagée, on veut passer par là pour gagner des âmes au Christ. Il y a comme un refus de la part de nouveaux chercheurs africanistes de rentrer dans la profondeur de ce qui se passe et d’établir notre discours sur le discours des autres », a-t-il confessé. Allant dans le même sens, l’ex-ministre et président du comité des rites Vodun, Mahugnon Kakpo a dit qu’il n’arrive pas à comprendre pourquoi on parlera du modèle à proposer à partir de l’acculturation. « C’est un modèle de nouvelle culture à partir de l’Eglise », a-t-il martelé. A l’en croire, le conférencier a pris position même dans sa façon de poser la question puisqu’il dit avoir constaté une résurgence de la colonisation avec des éléments de langage. Mahougnon Kakpo déplore qu’on parle de divinité, sacrifice, religion endogène, adepte etc. « Il faut réécrire cette conférence. Il faut que nous apportions quelque chose d’authentique de chez nous », a-t-il déclaré.
Mahussé Barnabé AÏSSI (Coll.)
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