Le taux de réussite au Baccalauréat est en baisse par rapport à l’année écoulée. Cela est décrypté par un expert en orientation scolaire, le psychopédagogue Eddy Camille KOTTO à travers une interview accordée au quotidien Fraternité. Il l’explique, entre autres, par le rajeunissement des candidats au fil des années qui ont une fragilité intellectuelle.
Le taux de réussite de cette année est en régression par rapport à l’année dernière, qu’est-ce qui peut expliquer cela ?
Le Baccalauréat 2024 a effectivement donné son verdict ce 10 juillet avec un taux de réussite de 56,93 % contre 63,08 % l’année dernière. Ce taux en baisse peut s’expliquer par plusieurs raisons : Les écoles ne connaissent pas forcément les mêmes réalités d’une année scolaire à une autre. Les candidats ne se ressemblent pas non plus le long du parcours. Les aptitudes et capacités intellectuelles des apprenants en classe d’examen peuvent aussi varier. Il faut aussi reconnaitre que d’année en année, les candidats sont de plus en plus jeunes avec une fragilité intellectuelle.
Par ailleurs, en se basant sur les résultats des quatre dernières années, on pourrait aussi explorer d’autres raisons de cette baisse de performance des apprenants. En 2020, le BAC donnait 49,73 % et en 2021, le pourcentage était de 64,42. Ce taux a chuté à 59% en 2022 avant de remonter en 2023 à 63,08 %. Enfin en 2024, nous avons connu à nouveau une régression du taux : 56,93. En effet, après une année de faible taux (2020, 2022 et 2024), les Candidats ayant échoué se retrouvent en grand nombre à reprendre la terminale. Ces derniers ayant déjà fait la classe deviennent plus aguerris et s’en sortent mieux l’année suivante. Cela peut donc renforcer le taux de réussite au BAC (2021, 2023).
La série C qui d’habitude est perçue comme une filière difficile a donné un fort taux de succès. Quelle est la potion magique trouvée à ce niveau ?
Les apprenants de la Série C sont souvent les candidats les plus “équilibrés”. Ils excellent pour la plupart en sciences mais aussi en littérature. Etant outillés avec une bonne dose de Mathématiques, ils sont dotés d’une intelligence logico-mathématique très développée. Cela renforce à leur niveau, le raisonnement et la logique qui sont aussi fondamentaux pour trancher dans les matières littéraires. Les meilleures copies au BAC en français sont celles des candidats de la série C. Enfin, le constat révèle que les apprenants de la C sont très conscients et disciplinés en termes de méthodologie de travail.
Est-ce que les chiffres ne sont pas gonflés à ce niveau dans le but de faire la promotion de la série C ?
Impossible. Aucune manipulation de chiffres n’est possible au Baccalauréat au Bénin. Ni avant, ni après les résultats. Quand vous suivez la rigueur dont font montre toutes les instances impliquées dans l’organisation de cet examen, en commençant par l’Office du BAC, la Direction des Examens et Concours puis le Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche scientifique, il n’est possible à aucun acteur, aucune autorité, d’interférer dans le processus du BAC. Ce n’est pas possible. La moyenne requise pour être déclaré définitivement admis est 10 ? Elle n’a pas encore changé. L’article 15 du décret N°2002-097 du 04 Mars 2002, portant réaménagement du déroulement de l’examen du Baccalauréat de l’enseignement du second degré dispose : “Après la première délibération du Jury, à l’issue des épreuves écrites, sont autorisés à subir les épreuves d’éducation physique et sportive, les candidats ayant réunis une moyenne au moins égale à neuf sur vingt (09 / 20)
Par ailleurs, l’article 16 de ce même décret stipule : “Après la deuxième délibération du Jury, sont déclarés définitivement admis, à l’issue des épreuves du premier groupe, les candidats ayant obtenu pour l’ensemble des épreuves de l’examen une moyenne égale ou supérieure à dix sur vingt (10 / 20).
Il n’est donc pas possible de vouloir renchérir les notes en les gonflant pour une catégorie de Bacheliers encore moins pour un bachelier. Qu’il vous souvienne que des candidats ont déjà échoué parce qu’il leur manquait 1 point pour être déclarés admissibles. La rigueur du BAC Béninois est toujours de mise et les textes sont appliqués sans complaisance.
Depuis quelques années en l’occurrence à l’avènement du régime actuel, le taux de réussite au BAC dépasse les 50% contrairement à ce qu’on observait antérieurement. Quelle analyse faites-vous ?
Il faut reconnaître que le gouvernement fait beaucoup d’efforts en ce qui concerne l’éducation et la scolarité des enfants du Bénin. Les différents acteurs de la chaine éducative ne manquent pas de jouer convenablement leurs rôles. Les autorités ayant à charge l’éducation, le corps d’accompagnement, les autorités des écoles, les enseignants, les partenaires techniques et financiers, les partenaires sociaux, les parents d’élèves, et surtout les apprenants eux-mêmes, chacun s’investit. De mieux en mieux, il y a une prise de conscience collective qui voudrait que l’on ne jette plus le poids de la responsabilité seulement aux apprenants mais aussi aux parents et à l’école. De plus, les apprenants des écoles publiques bénéficient aussi de séances de renforcement des capacités ou de travaux dirigés qui accentuent leur niveau de maitrise des connaissances. Les examens blancs départementaux sont aussi devenus réguliers et une coutume. Les autorités des écoles reçoivent leur cahier de charges en début d’année et ont l’obligation de le densifier. Les enseignants aussi sont de mieux en mieux entretenus. Mais, il reste beaucoup d’efforts à faire pour sortir la tête de l’eau.
Il y a toujours un fossé entre les départements du nord et ceux du sud. Que faut-il faire pour corriger le tir ?
Malheureusement, c‘est le triste constat. Les apprenants du Nord ne sont souvent pas logés à la même enseigne que ceux du Sud. Il en est de même pour les enseignants. Vous avez l’impression que ce sont les apprenants moins bons qui sont au Nord et c’est de leur rang que sortent les enseignants. Du coup, les mêmes insuffisances se révèlent au fil des années. En effet, ils sont très peu les enseignants du Sud qui accepteraient délibérément rejoindre le Nord pour y continuer leur carrière. Ensuite, il faut reconnaître qu’au Nord, les infrastructures ne sont pas en nombre suffisant, ce qui influence aussi les rendements des apprenants. Cependant, tous les candidats du Nord ne sont pas faibles ou en baisse de performance. Il y en a qui sont très bons et excellents dans leurs résultats. Il convient que les autorités prennent les dispositions pour que tous les enfants du Bénin aient les mêmes droits ainsi que le dispose l’alinéa é de l’article 8 de la Loi 90-032 du 11 Décembre modifiée par la Loi 2019-40 du 7 Novembre 2019 portant constitution de la République du Bénin : ‘’l’Etat assure à ses citoyens l’égal accès à l’éducation, à la culture, à la formation professionnelle et à l’emploi.’’
- 2 octobre 2024