Femme, numérique, chômage, jeunesse et harcèlement sexuel. Eméline Amoussou, spécialiste de marketing et du développement de l’entreprise a donné son opinion sur ces brûlants sujets à travers cet entretien. Directrice et co-fondatrice d’une entreprise de la place, elle a proposé des leviers sur lesquels tous les acteurs de l’éducation béninoise doivent agir pour réorienter la jeunesse en vue de son épanouissement. Lisez l’entretien.
Que pensez-vous du chômage des jeunes ?
Est-ce qu’il y a vraiment du chômage au Bénin ? Moi en ma qualité de recruteuse, je ne peux pas dire qu’il y a du chômage. Parce que nous observons l’attitude des jeunes diplômés sans emploi sur le terrain. La plupart de ces jeunes n’aiment pas consentir des efforts. Ils n’aiment pas travailler sous pression. Sur le marché de l’emploi, la majorité ne cherche pas à se battre pour obtenir gain de cause. Des jeunes postulent pour des recrutements lancés par les entreprises mais peu répondent aux entretiens d’embauche. Ce sont ces mêmes jeunes qui crient au chômage.
Le véritable problème est quand ils viennent fraîchement des universités, ils ne recherchent pas à gagner en expérience.
Ce sont des jeunes qui ne veulent pas se sacrifier dans les entreprises pour bénéficier des compétences dans leur domaine.
Lors des entretiens d’embauche, ils viennent proposer des salaires élevés et insupportables par les entreprises.
S’ils ne veulent pas se sacrifier et veulent gagner de l’argent tout de suite, comment peut-on parler de chômage ? En réalité, le travail existe mais chaque jeune fait ce qui lui vient à la tête et ne veut pas s’adapter aux offres du marché de l’emploi. Donc, il est normal qu’ils parlent du chômage.
Pourquoi les gens crient au chômage et ne cherchent pas à aller à l’entrepreneuriat ?
Tout le monde ne peut pas aller à l’entrepreneuriat. Il faut d’abord aimer les défis et savoir affronter les difficultés. Dans l’entrepreneuriat, il y a toujours un problème que vous pouvez identifier dans votre communauté pour trouver des solutions idoines.
Cela signifie tout simplement que la demande existe déjà sur le terrain. C’est à travers votre entreprise que vous allez proposer des offres pour satisfaire les demandes du marché.
Le rapport formation-marché de l’emploi. Qu’en dites-vous ?
Au-delà du manque d’efforts des jeunes diplômés, il y a aussi le fait que la demande sur le marché d’emploi et la formation ne sont pas en adéquation. Nous avons beaucoup plus de formations professionnelles que de formations techniques. Dans tout ce que nous faisons aujourd’hui, la formation technique occupe une bonne place. Il faut que les formations soient vraiment adaptées aux réalités du marché de l’emploi.
Nos universités publiques forment beaucoup dans le domaine professionnel alors que la formation technique est beaucoup plus pratique sur le marché de l’emploi. Elle est très sollicitée sur le marché de l’emploi.
Prenons le cas d’un étudiant qui a fait la géographie à l’université. Est-ce qu’il a réellement les compétences requises pour se vendre au sein d’une entreprise.
Les multiples candidatures qui nous recevons montrent que les diplômés dans les filières comme l’administration territoriale, la géographie et autres. De pareilles formations ont pour débouchés l’enseignement. Ces formations ne sont pas directement destinées à des activités pratiques dans une entreprise.
Les jeunes diplômés doivent être réellement formés à la pratique pour être utiles à leur communauté afin de répondre aux besoins des entreprises. Nous constatons que les jeunes croupissent dans le chômage parce qu’ils courent derrière les diplômes et ne misent pas sur les compétences à acquérir.
Pourquoi, selon vous, les jeunes abandonnent-ils les entretiens d’embauches ?
Dans le monde de l’emploi, il y a des jeunes qui ne répondent pas aux entretiens d’embauche. Leur mode opératoire est simple. Ils déposent bien leur dossier et on les invite pour un entretien. A la dernière minute, ils envoient un message pour se plaindre du moyen de déplacement. Ils vous disent qu’ils n’ont pas de carburant dans leur moto pour se déplacer.
D’autres disent aux recruteurs de venir les chercher à la maison pour se présenter à l’entretien. Cela dénote d’un manque de volonté chez les jeunes pour avoir un travail stable et rentable. Il y a un véritable problème qui se pose au sein de la jeunesse. L’éducation des jeunes à la base doit être revue dans son ensemble.
Que pensez-vous de la femme béninoise ?
La femme béninoise est au cœur de l’économie et cela ne peut que donner la croissance. Sur le plan des affaires, tout ce qu’elle touche se multiplie. Dans le secteur du numérique par exemple, la femme a une place de choix. La femme a un grand rôle à jouer dans le numérique. Il faut qu’elle soit encouragée pour assez s’investir. Beaucoup continuent de croire que le numérique est seulement réservé aux hommes, aux génies, aux personnes issues des familles riches. Le numérique n’est pas uniquement destiné à ceux qui sont allés à l’école ou qui ont fait de grandes études. Ce n’est pas du tout cela. Dans le numérique, avec la passion on peut faire des exploits.
Ce n’est pas le diplôme qui compte c’est la volonté. L’essentiel est de s’engager véritablement pour réussir. Il suffit d’être passionné et fait beaucoup de recherches. Je connais des femmes qui ont réussi dans le numérique.
Une femme qui a une activité rémunératrice est mieux respectée par son mari qu’une femme qui ne fait rien dans son foyer. Il faut que les femmes s’investissent pour sortir la tête de l’eau.
Le monde des femmes est secoué par le phénomène de harcèlement sexuel. Quel est votre avis ?
Cela dépend de l’affirmation de soi de la femme. La femme doit connaître son identité et c’est cela qui va lui permettre de résister au harcèlement sexuel dans son milieu du travail. Lorsque la femme est dotée de compétences dans son domaine et fait son métier avec toute la rigueur qu’il faut, il serait difficile aux hommes de l’influencer. C’est pour cela que la femme doit s’imposer par son savoir, savoir-faire et savoir-être pour tenir tête aux hommes au sein d’une entreprise.
Je ne donne pas raison aux hommes. Il y a des femmes qui exagèrent avec le style d’habillement dans leur service. Certaines femmes s’habillent de façon vulgaire pour venir travailler. Les hommes vont se servir de leur style vestimentaire pour leur manquer du respect.
Un mot pour conclure cet entretien
Je dirai aux jeunes diplômés qu’il y a toujours à faire. Il faut qu’ils sortent de leur zone de confort. C’est la volonté qui compte. Les jeunes doivent prendre des initiatives pour rompre avec le manque d’emploi. Ils peuvent par exemple proposer de bons services aux entreprises à moindre coût jusqu’à ce qu’elles deviennent dépendantes de leurs activités. A partir de cet instant, ils peuvent se vendre chers. C’est seulement à ce prix que la jeunesse est capable de se rendre utile et se faire valoir dans un environnement concurrentiel.
Les jeunes doivent être animés d’un esprit de sacrifice. L’argent ne vient pas tout de suite, il faut prendre des initiatives audacieuses pour sortir de la précarité.
Propos recueillis par Joël SEKOU (Coll)
“La taille d’une population et sa jeunesse peuvent être un atout, (...)
- 2 juin 2023