En Afrique, un médicament sur cinq serait faux ou de mauvaise qualité

16 août 2024

Médecine moderne, les médicaments agissent en ciblant des symptômes spécifiques, en éliminant des agents pathogènes, en corrigeant des déséquilibres chimiques dans le corps ou en remplaçant des substances que l’organisme ne produit plus. Ce faisant, ils permettent de prévenir, traiter ou guérir des maladies tout en limitant les complications graves liées à ces maux. Ils permettent aussi d’améliorer la qualité de vie des patients face à la douleur ou encore les maladies chroniques telles que le diabète ou l’hypertension. Mais que se passe-t-il lorsque cette médication est de mauvaise facture ? En Afrique, la question se pose, une nouvelle étude ayant découvert que les populations sont exposées à 22,6 % de produits pharmaceutiques faux ou de mauvaise qualité.

Une forte prévalence de médicaments faux ou de mauvaise qualité en Afrique
Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’université de Bahir Dar en Éthiopie et publiée le 15 juillet 2024 dans Journal of Pharmaceutical Policy and Practice indique que plus d’un tiers (34,6 %) des médicaments sur le continent ne sont pas enregistrés, les antibiotiques représentant 44 % de ces médicaments non enregistrés contre 15,6 % pour les antipaludiques et 16,3 % pour les médicaments antihypertenseurs. Surtout, ces travaux inquiétants révèlent que jusqu’à 22,6 %, soit plus d’un cinquième, des médicaments en Afrique sont soit contrefaits, soit de qualité inférieure et donc non conformes, ce qui constitue un risque important pour le système de santé publique fragile du continent.
Pour en arriver à cette conclusion, les chercheurs ont passé en revue 27 études et ont découvert que sur les 7 508 échantillons de médicaments analysés, 1 639 ont échoué à au moins un test de qualité. Selon l’étude, le Kenya avait le pourcentage le plus élevé d’antibiotiques et de médicaments antipaludiques non enregistrés, falsifiés et de qualité inférieure avec 17 %, suivi par le Malawi avec 10,7 %.

Comment expliquer ces problèmes d’approvisionnement en traitements qualitatifs ?
Le rapport estime qu’« une autorisation réglementaire insuffisante du marché, les zones de libre-échange, une faible inscription, une forte demande et des normes d’importation médiocres contribuent à la prévalence de ces problèmes. »
Claudia Martínez, responsable de la recherche à la Access to Medicine Foundation, un groupe à but non lucratif basé à Amsterdam, ajoute que « les chaînes d’approvisionnement pharmaceutiques dans de nombreux pays à revenu faible et intermédiaire sont souvent complexes, inefficaces et fragmentées ; la région dépend fortement d’un nombre limité de fournisseurs pour les médicaments essentiels, et de nombreux pays rencontrent des difficultés importantes pour se procurer les produits à temps et surveiller efficacement la qualité des produits sur le marché. » À cela s’ajoute le rôle des nombreux intermédiaires dans la distribution des produits qui peut également favoriser l’arrivée de produits pharmaceutiques moins qualitatifs dans la chaîne d’approvisionnement du territoire.

Un problème de taille
Claudia Martínez décrit les résultats de ces travaux comme une préoccupation majeure en matière de santé publique. « Si les patients reçoivent des médicaments de qualité inférieure ou carrément contrefaits, cela peut entraîner l’échec de leur traitement ou même des décès évitables », affirme-t-elle. Les antibiotiques de qualité inférieure ou falsifiés peuvent en effet contenir des dosages incorrects ou les mauvais ingrédients actifs. Or, avoir des médicaments de qualité est crucial pour garantir l’efficacité des traitements et la sécurité des patients. Outre des traitements inefficaces, les médicaments non conformes ou contrefaits peuvent entraîner des effets indésirables graves et favoriser la résistance aux antimicrobiens chez les souches résistantes, ce qui peut rendre les maladies plus difficiles à traiter.
Ils posent ainsi un risque important pour la santé publique, notamment dans les régions où les systèmes de santé sont fragiles comme dans certains pays d’Afrique identifiés par l’étude comme étant particulièrement concernés par ces problèmes. Des estimations publiées en 2023 par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime estiment ainsi que le coût humain des médicaments falsifiés et de qualité inférieure pourrait atteindre jusqu’à 500 000 décès par an en Afrique subsaharienne.
Rappelons enfin que la présente recherche fait écho à une étude publiée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2017 et qui avait déjà révélé qu’environ un produit médical sur dix dans les pays en développement était de qualité inférieure ou contrefait. D’après ses chiffres, 42 % des rapports de médicaments de qualité inférieure et falsifiés provenaient d’Afrique, 21 % des Amériques et 21 % d’Europe.
Une approche avec divers acteurs pour répondre aux problèmes liés aux médicaments
Martínez estime ainsi qu’une action immédiate avec de multi-acteurs (gouvernements, autorités nationales, régulateurs, et entreprises pharmaceutiques qui fabriquent et vendent les produits) serait nécessaire pour résoudre ce problème. « Nous devons renforcer les chaînes d’approvisionnement sur l’ensemble du continent en améliorant les infrastructures, en optimisant la logistique et en mettant en œuvre de meilleurs systèmes de surveillance. Mais il y a aussi beaucoup à faire pour les entreprises pharmaceutiques, comme signaler rapidement tout cas de produit médical de qualité inférieure ou falsifié aux autorités nationales de santé et au système d’alerte rapide de l’OMS, et contribuer au renforcement des capacités. »



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