Les entreprises agro-alimentaires et agro-cosmétiques sont désormais astreintes au Bénin d’avoir l’autorisation de mise sur le marché avant l’écoulement de tout produit sur le territoire national. Mais certaines entreprises contournent cette décision du gouvernement. Makosso Allavo, ingénieur agroalimentaire, aborde cette question au détour d’un entretien accordé à votre journal.
Quelle appréciation faites-vous de la décision du gouvernement d’astreindre les entreprises agro-alimentaires et agro-cosmétiques d’avoir l’autorisation de mise sur le marché avant l’écoulement de tout produit sur le territoire béninois ?
La première richesse d’un pays est sa ressource humaine. Cette décision du gouvernement est salutaire. Nous, spécialistes en agroalimentaire attendions cette décision depuis longtemps. Parce qu’il faut arrêter une fois pour toute de rendre malades les populations qui consomment des produits qui n’assurent pas une sécurité sanitaire. Avec cette décision, on peut sécuriser l’alimentation des Béninois. Elle permettra de contrôler la qualité des produits agroalimentaires mis sur le marché. Car, il y a des choses à respecter comme les bonnes pratiques d’hygiène et de production lors du processus de fabrication que certains entrepreneurs ne respectent pas. Les entrepreneurs doivent s’approprier cette décision qui permet de bien suivre toutes les personnes qui se lancent dans l’entrepreneuriat agro-alimentaire ou agro-cosmétique.
L’Autorisation de mise sur le marché, qu’est-ce que c’est ?
Pour parler de l’autorisation de mise sur le marché (Amm), il faut remonter à la loi Numéro 2007-21 du 16 octobre 2007 portant protection du consommateur en République du Bénin. Le chapitre premier du titre 3 parle de l’enregistrement des produits. Pour être commercialisé sur le marché national, tout produit non agricole fabriqué localement ou importé doit faire l’objet d’un enregistrement par les services compétents des ministères sectoriels qui délivrent un certificat, preuve de l’enregistrement. L’article 25 de cette loi prévoit que l’enregistrement doit être fait avant toute mise en consommation du produit et après évaluation des critères de qualité, de sécurité et d’efficacité selon les normes et règlementation nationales ou internationales. L’article 26 exige de tout fabriquant, importateur, vendeur ou responsable de la mise sur le marché national que tout produit doit avoir un certificat d’enregistrement. L’article 27 explique que ce certificat d’enregistrement tient lieu sur le marché. L’idée de l’AMM est partie d’une loi qui protège le consommateur Décider de contrôler les produits, de voir la sécurité sanitaire d’un produit, c’est protéger le consommateur. Parce que si quelqu’un décide de faire un produit alimentaire dans son salon, dans sa cuisine dans le non-respect des normes hygiéniques, ce produit peut porter préjudice à beaucoup de consommateurs. Ce produit peut comporter des toxines, produits toxiques et créer des toxi-infections alimentaires. Et au regard de tout ceci, l’Etat a le rôle régalien d’empêcher que n’importe qui porte atteinte à la vie des consommateurs. Cette loi montre que l’AMM est indispensable et obligatoire. Quand on fait un produit alimentaire ce dernier doit être contrôlé et recevoir un certificat avant que celui- ci ne soit mis sur le marché. Les services compétents doivent d’abord se rassurer que ce produit est exempt de tout risque de contamination ou dangereux pour les consommateurs ».
Pour le moment, la décision du gouvernement n’est pas encore respectée par des entreprises. Selon vous, qu’est-ce qui bloque son application ?
Jusqu’à l’heure actuelle, cette décision n’est pas encore respectée par les entreprises. Car, certaines entreprises pensent que cette décision a été prise en leur défaveur. Il faudra que les entreprises se rapprochent des services compétents pour avoir les bonnes informations. Elles doivent se conformer à cette exigence de l’Etat. D’autres structures ont quand même compris le bien-fondé de cette décision qui vise à protéger les consommateurs.
Pourquoi le besoin d’une autorisation de mise sur le marché ?
Nous avons besoin d’une autorisation de mise sur le marché car, avec ça, nous sommes sûrs de notre produit puisqu’il y a des experts qui ont inspecté, contrôlé, et validé la qualité de votre produit en donnant une autorisation pour la vente et la consommation. Avec l’AMM, le client, les yeux fermés, peut s’approprier votre produit en toute quiétude. Avec l’Autorisation de Mise sur le Marché, on peut explorer facilement tous les marchés et même au-delà des frontières du Bénin. Ce document permet d’établir une relation de confiance entre vous et la clientèle.
Qui a besoin de l’autorisation de mise sur le marché ?
L’Autorisation de mise sur le marché concerne deux grands types d’entreprises. D’abord, nous avons les entreprises agro-alimentaires. Lorsque nous fabriquons un produit qui est issu de la transformation des matières premières agricoles en produits semi-finis ou finis destinés à des consommateurs, vous devez obligatoirement avoir l’Autorisation de Mise sur le Marché. Ensuite, nous avons les entreprises agro-cosmétiques. Lorsque vous fabriquez des produits cosmétiques comme par exemple le savon, les pommades, des lotions ou des compléments alimentaires ou produits alimentaires consommables qui guérissent, renforcent, règlent des problèmes de carence en vitamines, en éléments minéraux, en oligo-éléments, vous avez besoin d’avoir une Autorisation de Mise sur le Marché.
Qui est habileté à délivrer l’Autorisation de Mise sur le Marché et quelles sont les structures qui s’en chargent au Bénin ?
Selon l’article 24 de la loi Numéro 2007-21 du 16 octobre 2007 portant protection du consommateur en République du Bénin, pour être commercialisé sur le marché national, tout produit non agricole fabriqué localement ou importé, doit faire l’objet d’un enregistrement par les services compétents des ministères sectoriels qui délivrent un certificat, preuve de l’enregistrement. Lorsqu’on regarde le phénotype des produits qui ont besoin des autorisations de mise sur le marché, il y a trois ministères concernés. Il y a le ministère de la santé. A ce niveau, tout est géré par l’Agence Béninoise de Régulation Pharmaceutique (ABRP). Donc, s’il s’agit des produits pharmaceutiques et cosmétiques, c’est cette agence qui est chargée de délivrer le document de l’AMM. Lorsqu’il s’agit des produits agroalimentaires, deux choix sont possibles, cela dépend du type de produits. Vous pouvez vous diriger vers le Ministère de l’Agriculture, de l’Elevage et de la Pêche avec l’Agence Béninoise de Sécurité Sanitaire des Aliments (ABSSA) ou vers le Ministère de l’Industrie et du Commerce par le biais de l’Agence Nationale de Normalisation de Métrologie et de Contrôle Qualité (ANM).
Quelles sont les contraintes pour les entreprises n’ayant pas l’autorisation de mise sur le marché ?
Les entreprises qui n’auront pas l’AMM ne pourront pas vendre leurs produits dans les supermarchés et autres lieux d’écoulement. Car, à tout moment, les structures d’inspection peuvent passer pour faire des contrôles et saisir ces produits même s’ils sont de bonne qualité. Il faudra que les entrepreneurs prennent des dispositions pour ne pas perdre leur investissement par une quelconque saisie. La loi en son article 32 relatif à la falsification, interdit la vente, la promotion de tout produit falsifié servant à la consommation tels que les boissons, les denrées et autres consommables en boite. Un autre point de cet article interdit strictement la vente, la promotion des produits n’ayant pas l’AMM sur le marché. Les structures régaliennes ont des ramifications dans toutes les communes et sont instruites pour appliquer les sanctions aux contrevenants. Il faut donc se conformer aux textes en vigueur.
Quels sont les avantages d’avoir l’autorisation de mise sur le marché ?
Avoir l’AMM donne un avantage spécial au produit. Il peut être exposé partout sur toute l’étendue du territoire national. Ce produit peut être exporté sans aucune difficulté. Cela confère une sécurité sanitaire au produit et donne la paix du cœur à l’entrepreneur et à ses clients. C’est important de l’avoir pour donner une certaine crédibilité à tout ce que l’entrepreneur produit. Cela permet aux consommateurs d’avoir confiance en l’entrepreneur.
En quoi l’autorisation de mise sur le marché peut booster le Consommons Local ?
L’AMM est le meilleur moyen aujourd’hui pour booster le Consommons Local. Surtout sur les produits spécifiques. Les produits comme le jus d’ananas par exemple que beaucoup d’entrepreneurs envoient dans les pays de l’hinterland comme le Tchad, le Burkina- Faso, il est facile d’envoyer ces produits agro-alimentaires à base d’ananas car, vous avez la preuve qu’ils sont crédibles et reconnus par les services compétents de voter pays. Pour faire la promotion de nos produits locaux sans être inquiété, il faut avoir l’AMM. Pour booster le Consommons Local, l’AMM est un moyen fort de communication et de persuasion des clients. Les entrepreneurs ont besoin de cette autorisation.
Est-ce une opportunité ou un blocage ?
Pour certains entrepreneurs et entreprises l’AMM est un blocage. Car ils n’ont pas pris les dispositions pour budgétiser l’obtention de l’AMM. Après le dépôt du dossier, le devis est envoyé à l’entreprise. Quand le devis est payé, deux missions d’inspection sont dirigées dans l’entreprise avec des analyses d’échantillons du produit prélevés. Après toutes ces étapes, si le produit respecte certains préalables, l’entrepreneur reçoit l’Autorisation de Mise sur le Marché pour un délai de deux (2) ans. Mais les entrepreneurs peuvent se mettre en consortium pour faire un plaidoyer en vue de la réduction du coût de l’obtention de l’AMM afin que toutes les entreprises puissent l’avoir à portée de main.
Votre mot de la fin
La loi Numéro 2007-21 du 16 octobre 2007 portant protection du consommateur en République du Bénin est importante pour la santé du consommateur car tout le monde est consommateur y compris le producteur. L’AMM est un document d’enregistrement indispensable à avoir aujourd’hui lorsqu’on est dans le domaine des produits agro-alimentaires ou agro-cosmétiques. Ce n’est pas un document visant à nuire aux entrepreneurs ou à détruire le tissu économique du pays ou à obliger les entreprises à fermer. J’exhorte les entrepreneurs à suivre les démarches nécessaires pour acquérir ce document qui les protège et protège le consommateur. L’AMM est valable pour 2 ans renouvelables car, il faut continuer à améliorer la qualité de son produit.
Propos recueillis par Isac A. YAI
Dans le compte-rendu du conseil des ministres du 3 mai 2023, le (...)
- 22 mai 2023
- 22 mai 2023