Entretien avec René Yomakou, Coordonnateur National des ACDPE des Promotions 2014 et 2016 : « Nous réclamons la reconnaissance des 4 premières années passées sous CDD »

31 octobre 2024

Les promotions 2014 et 2016 des Agents Contractuels de Droit Public de l’État (ACDPE) expriment leur impatience face à leur situation financière et administrative précaire. Espérant le soutien du Gouvernement Talon, elles ont créé une chanson de 3 minutes 6 secondes pour faire entendre leurs revendications. René Yomakou, le Coordonnateur national a expliqué les motivations de cette initiative, appelant à la clémence du Président. Lisez plutôt !

Quelles ont été les principales motivations derrière la composition de la chanson "ACDPE : Quatre Ans de Service, Quatre Ans de Silence" ?
Nous réclamons la reconnaissance des quatre premières années passées sous CDD. La chanson est née de notre frustration face à quatre années de silence probable des autorités vis-à-vis de nos revendications. C’est un moyen d’exprimer notre désarroi tout en sensibilisant le public sur nos conditions de travail précaires et le manque de reconnaissance de nos années de service. Malgré nos relances, tout porte à croire que certaines autorités et cadres de ministères tentent de faire croire que nos droits ne sont pas légitimes. Pour d’autres nous n’avons rien à réclamer, ce qui est contraire aux dispositions des textes en vigueur.

Comment pensez-vous que cette chanson peut favoriser le règlement de votre situation administrative par les autorités Béninoises ?
La chanson a été pensée comme un outil de communication et de sensibilisation. Nous espérons qu’en exposant nos difficultés sous forme artistique, elle pourra toucher les autorités et les amener à comprendre l’amertume des ACDPE 2014 et 2016. Nous croyons qu’une telle approche, à la fois émotionnelle et percutante, pourrait accélérer le traitement de nos dossiers. La résolution de cette question nécessite un conseil des ministres car seule une analyse au sommet de l’État peut dénouer cette situation. Ainsi nous sollicitons l’attention particulière du chef de l’état, le Père de la nation, qui œuvre tous les jours pour le bien-être de tous les travailleurs et des Béninois.

Pourriez-vous décrire les principaux défis administratifs et financiers que les agents contractuels de droit public de l’État doivent relever ?
Les défis sont nombreux : la non-reconnaissance de nos premières années de service passées sous contrat à durée déterminée (CDD) est en ligne de front. Notre requête repose sur les dispositions (3, 4 et 71) du décret 2015-373 du 24 juin 2015 portant régime juridique d’emploi des Agents Contractuels de I’Etat (ACE) et de la loi n°2015-08 portant statut général de la fonction publique du 1er septembre 2017, articles 124, 125, 285 et 388. Nous avions constaté que ce dernier article est appliqué : (Les contrats de travail des Agents contractuels de l’Etat en service à la date de promulgation de la présente loi sont repris conformément aux dispositions de la présente loi.) C’est ainsi que la promotion 2014 recrutée sous le régime du président Boni YAYI, il y a 10 ans aujourd’hui, alors qu’elle était soumise au décret N°2008-377 du 24 juin 2008 portant régime juridique d’emploi des agents contractuels de l’Etat, et la promotion 2016 recrutée il y a 8 ans sous le régime de l’actuel président Talon, avec le décret 2015-373 du 24 juin 2015 portant régime juridique d’emploi des Agents Contractuels de I’Etat (ACE), ont repris leurs contrats de travail. Nous subissons donc une situation de changement de régime juridique, qui agit sur notre carrière. Ensuite, le retard dans les revalorisations salariales, la formation des PA en PC et les incohérences administratives qui ralentissent nos progressions de carrière. Tout cela crée une précarité financière qui impacte notre quotidien et notre moral dans une société où tout est de plus en plus cher. Les gens sont obligés de s’endetter avec des prêts pour survivre au quotidien. Le moral est très bas mais les travailleurs exécutent avec patriotisme leur devoir.

Quelle est la réaction jusqu’à présent des membres de votre groupe face à cette initiative musicale ?
Les membres ont été très réceptifs et solidaires face à cette initiative. Le groupe stratégique de travail (GST 2014-2016) a travaillé sur trois mélodies ayant un même texte qui ont été soumises aux collègues sur les plateformes de carrière, pour en choisir celle qui doit porter loin nos revendications. Pour beaucoup, toutes les mélodies choisies expriment exactement ce qu’ils ressentent depuis longtemps, mais une était plus adaptée pour être adressée aux autorités. C’est un véritable cri de cœur, et tous soutiennent que ce moyen d’expression pourrait enfin attirer l’attention des décideurs surtout celle du Président Talon Patrice.

Avez-vous prévu d’autres actions, en plus de cette chanson, pour faire entendre votre voix et sensibiliser davantage le public ?
Oui, après avoir informé les secrétaires généraux de confédérations (SGC), nous envisageons des actions telles que des campagnes explicatives sur les réseaux sociaux pour ceux qui opinent, des rencontres avec des responsables administratives, politiques et d’autres démarches médiatiques pour amplifier notre voix. Nous souhaitons utiliser tous les canaux possibles pour faire entendre notre appel.

Quel message spécifique souhaitez-vous transmettre au Président Talon et aux autorités gouvernementales à travers cette chanson ?
La chanson est très belle à écouter et facile à comprendre. Nous voulons que le Président Talon et les autorités sachent que derrière chaque agent contractuel, il y a une famille et une vie impactée par ces décisions. Nous demandons simplement la justice et la reconnaissance pour des années de travail et de sacrifices consentis. Il est temps que notre situation soit régularisée. Certains tentent de nous intimider ou de nous faire taire face à cette injustice qui dure. L’âge évolue et les situations de vie difficiles, mais on désire un travail de haute qualité. Ce n’est pas facile. Le Président Talon a le mérite d’avoir mis le peuple Béninois au travail, et nous croyons en sa volonté de faire payer à chaque fonctionnaire ce qui lui revient de droit. Le faire, c’est motiver l’agent à donner le meilleur de lui-même pour le bonheur du pays et le bien-être des populations.

Comment les promotions de 2014 et 2016 s’organisent-elles concrètement pour faire avancer leurs revendications ?
Nous nous réunissons régulièrement pour coordonner nos actions via nos plateformes, rédiger des mémos, et organiser des démarches administratives. Nous avons formé un groupe stratégique de travail qui se charge de suivre les évolutions de notre dossier auprès des instances compétentes. Ce n’est pas facile, car nous consacrons du temps, de l’énergie pour réfléchir sur la question. Certains d’entre nous ont déjà été rappelés à Dieu à travers plusieurs situations sans avoir joui de leurs efforts, paix à leurs âmes.

Envisagez-vous des collaborations avec d’autres groupes ou associations pour renforcer votre cause et accroître l’impact de vos actions ?
Absolument, nous sommes ouverts aux collaborations. Nous savons que l’union fait la force, et nous sommes en contact avec nos valeureux SGC pour mutualiser nos efforts et maximiser notre impact.

Enfin, quel message souhaitez-vous laisser à vos collègues, aux autorités et au public concernant la situation des ACDPE et votre engagement pour cette cause ?
À mes collègues, je dirai de garder espoir et de rester solidaires. Nous serons écoutés par nos valeureuses autorités béninoises puisque nous ne connaissons pas de promotion avant nous qui ait subi cette situation. Aux autorités, nous demandons de considérer nos revendications avec bienveillance et équité. Celles qui pensent que les 4ans sous CDD correspondent à la période d’essai, nous leur demandons de bien vouloir réfléchir sur leur interprétation des textes. Qu’on applique l’article 71 ou 285, nous souhaitons une justice équitable pour tous les travailleurs ACDPE du Bénin. Et au public, nous demandons de nous soutenir, car notre combat pour la reconnaissance est aussi un combat pour la dignité de tous les travailleurs du Bénin d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Propos recueillis par Mahussé Barnabé AISSI (Coll.)



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