Esther Doko sur son combat contre les VBG : « J’ai choisi le slam pour dénoncer les violences conjugales »

31 mars 2023

Etudiante en licence 3 d’anglais option études africaines, Esther Charlène Iriko DOKO âgée de 20 ans, est une actrice comédienne, slameuse-écrivaine connue sous le nom de scène Iriko. Elle anime également les classes culturelles dans les établissements privés. Dans cet entretien, elle parle de son jeune parcours artistique, ses ambitions et de son combat.

Pourquoi avoir choisi l’art pour s’exprimer ?
Je ne sais pas si je l’ai choisi mais depuis mon enfance, j’aime jouer. La première fois que je suis montée sur scène, j’avais 03 ans. J’aimais déjà la scène. J’aimais déjà jouer. J’aimais également me faire entendre. Donc pour moi, jouer me permet de dire ce que j’ai à dire ; de transcrire mes émotions.

Parlez-nous de votre parcours artistique ?
Il faut dire que je n’ai pas grandi avec mon papa. J’étais avec ma maman. Après l’obtention de mon CEP, elle a trépassé. Pour moi, écrire était devenu un moyen de me libérer. C’est là où j’ai commencé par m’accentuer sur l’écriture et le slam. J’ai déclamé l’un de mes textes de slam lors des journées culturelles au CEG les Pylônes en 2016. Après l’obtention de mon baccalauréat, j’ai décidé de me performer. Au campus, j’ai fait des mises en scène lors des RACU de l’UCAE 2022 et 2023. En dehors de la RACU, d’autres mises en scène s’en sont suivies.
En 2018, j’ai été finaliste du ‘’MLK Slam Contest’’
En 2019, j’ai été finaliste au concours de la francophonie avec une mise en scène en mars 2019 à l’institut français de Cotonou organisé par Sèminvo Xlixè.
En 2021, j’ai remporté le troisième prix du concours d’éloquence « ESPACE SLAM » organisé par le Club RFI Ouidah ; deuxième prix du concours « Slam Jaya-center » ; deuxième prix « Tradi Mode Challenge saison 1 » ; premier prix du concours « l’histoire des Noirs » à Nuspirit ; premier prix du concours « Jeunesse Horizon 2020 »
En 2022, j’ai été lauréate du projet ‘’Elan’’ catégorie Slam Bénin de Cie Naforo Ba ; j’ai reçu le deuxième prix du concours ‘’Police Slam trophée d’or à UAC édition 2022’’ ; le deuxième prix du concours ‘’ Slam pour les droits humains’’ organisé par Amnesty International Bénin ; j’ai été bénéficiaire du parcours ‘’Echafaudages’’ de Sudcréa.
Cette année 2023, je suis bénéficiaire du projet de formation en écriture dramatique ‘’Les Art-Liances’’ Sokan théâtre à Adzopé Côte-d’Ivoire. Je suis aussi bénéficiaire du Projet ‘’We Go For Change’’.

Vous êtes écrivaine. Avez-vous déjà sorti un livre ?
J’ai paru dans trois anthologies poétiques. Je suis co-auteure de l’anthologie ‘’Eloi DOGO, une colombe tiraillée’’ parue aux Éditions CEJECO Bénin ; ‘‘ 21 poèmes et nouvelles’’ paru Matrem éditions France et ‘‘Les poètes de l’arc-en-ciel’’ parue aux Éditions CEJECO Bénin. Je suis auteure de la pièce ‘’Togoudo’’ mise en scène par Carlos Adékambi Zinsou, jouée par des acteurs professionnels, un projet financé par l’Institut Français de Cotonou dans le cadre du projet ‘’Les Ados de Togoudo’’.

Combien de sons slam avez-vous déjà à votre actif ?
Je ne saurais le dire. J’écris régulièrement. Mais en parlant d’enregistrement studio, mes enregistrements n’ont pas encore vu le jour pour être entendus. Mais pour moi le slam n’est pas qu’aller en studio pour enregistrer. C’est la scène libre aux mots. Il faut se faire entendre. Et parlant de scènes de slam, j’en ai fait assez. Par exemple, j’ai presté lors du concert de MBZ Le Slamacticien, de l’événement ‘‘Ma Mère ma Richesse’’ de Arsène ADDA, de l’événement ‘‘Plaidoyer sur les droits des enfants’’ de l’UNICEF, de l’événement Youki couleurs vacances. Je suis dans un collectif dénommé Gbélissa Na Dissa qui organise mensuellement des scènes. Récemment, j’ai presté lors du lancement du premier Album de la rappeuse Fat B à l’Espace Mayton de Calavi.

Est-ce que les parents vous autorisent à faire des scènes au-delà de certaines heures ?
Au début, ce n’était pas facile. Quand j’avais commencé tôt, à un moment donné, les parents me disaient ‘‘attends l’obtention de ton BEPC’’. Après l’obtention de mon BEPC, on me disait ‘‘attends après le BAC’’. Après le BAC, on me disait maintenant d’attendre encore de faire ci de faire ça. C’est à partir de là que j’ai commencé à leur faire comprendre que je n’en pourrais plus. Même si je ne suis pas sur scène pour jouer, j’aime assister au spectacle. Cela me permet de me performer et d’avoir plus de créativité. Surtout que j’enseigne dans les écoles, il faut pouvoir inciter les enfants à donner plus. Aujourd’hui, je ne dirai pas que c’est si difficile. Parce que maintenant je peux sortir et en voulant rentrer je peux appeler et dire je rentre à telle heure.

En tant qu’actrice, dans quel film avez-vous joué ?
J’ai joué dans le film ‘‘Princesse Mahoussi’’ réalisé par Shete Production Academy.

Quelle est votre discipline artistique préférée ?
Le théâtre, le slam et le conte sont des branches de l’art oratoire. Je dirai donc simplement l’art oratoire. J’aime tout ce qui tourne autour de l’art oratoire.

Quelle est votre source d’inspiration ?
L’inspiration me vient de mes vécus quotidiens et ceux des autres. La violence basée sur le genre, c’est un quotidien. En lisant, il y a des idées qui me viennent aussi.

Qui est votre modèle dans le domaine artistique ?
Je n’ai pas un modèle précis parce que c’est quand j’écoute un texte dans lequel il y a de la créativité que je me retrouve dans la personne. Je suis slameuse certes mais j’aime également la chanson. La plus grande artiste que j’adore quand on parle de la musique en général, c’est Angélique Kidjo parce que j’aime sa marque vocale. J’aime sa voix. Vous savez, le tout ne suffit pas de dire les textes. Il faut faire des variations dans tes textes pour véhiculer des émotions. Parlant de slam, j’aime bien Grand Corps Malade et les aînés béninois.

Quelles sont les difficultés que vous rencontrez en tant que jeune femme ?
Comme vous l’avez dit, je suis jeune femme. Dans la société, à un moment donné, tu côtoies certaines personnes qui aimeraient bien avoir une liaison avec toi avant de te donner ce que tu veux. Une jeune fille qui est à la fois étudiante qui fait cela, parfois, si on n’est pas bien organisé, on prend du recul dans certains projets avant d’y revenir. En dehors de cela, on peut avoir des problèmes à la maison. Tu dois d’abord faire tes travaux de maison. La plupart des scènes se font la nuit et il faut rentrer à une heure tardive. La plus grande difficulté est que certaines scènes ne sont pas rémunérées.

Avez-vous été harcelée une fois ?
Oui. Quand cela arrive, je prends du recul tranquillement avec la personne. Il y a certaines personnes qui se respectent. Quand vous en parlez, vous vous comprenez.

Avez-vous été victime de la violence basée sur le genre une fois ?
La femme au foyer subit des violences. Elle n’arrive pas à en parler. Moi je suis née d’un foyer violent. Ma maman est morte en 2012. Après ma naissance, elle n’était plus avec mon père. En grandissant, je voyais des séquelles sur ma maman. Mon papa prenait le fer à repasser et mettait sur le corps de ma maman. J’ai choisi donc le slam pour dénoncer ces violences conjugales. Vous en saurez davantage lors du concert. Je connaissais des femmes qui se faisaient battre à longueur de journée par leurs maris mais qui n’étaient pas prêtes à quitter le foyer. Et aussi, nous devons savoir que la violence n’est pas que physique. Elle est aussi psychologique. Cela dépend aussi de ceux que tu côtoies. Il y a certains quand tu les côtoies, ils te mettent dans la catégorie des enfants pour ne pas dire des fillettes. Mais il y a d’autres, quand il y a une décision à prendre, il faut d’abord passer par toi. Et je dirai que je suis plus dans la dernière catégorie. Quand je suis dans un milieu dans lequel je ne me sens pas trop à l’aise, je prends la tangente. Parce qu’avant d’être créatif, il faut que je sois dans un milieu libre qui me permet d’être inspirée. Quand je suis dans un milieu où je suis considérée comme une enfant, où ma décision n’est pas considérée, j’essaie de prendre du recul.

Quels sont vos événements en cours ?
Ce que j’ai tout juste à quelques pas de nous, c’est un spectacle de slam qui est prévu pour le 07 avril 2023 à l’espace Mayton qui commence rigoureusement à 19h. C’est un spectacle je dirai plutôt créatif. Parce que ce n’est pas comme les concerts où on reste figé sur le podium devant le public, à parler, à déclamer. C’est plutôt plus entré dans la mise en scène, les jeux de lumières avec l’accompagnement des instruments comme le balafon, la flûte et un instrument qui a été fabriqué par des panafricanistes, qui vient du Maroc dont le nom en français veut dire les cordes de l’esprit. Le concert aborde les thématiques quotidiennes mais sous un angle plutôt créatif. On parlera de violences basées sur le genre. Comment les mésententes des parents portent atteinte à la vie de l’enfant ? On parlera de la femme, de l’amour. Je dirai également que c’est un spectacle autobiographique qui parle un peu de moi. L’idée du concert vient de moi. C’est une initiative personnelle.

Quel est le nom de ce spectacle ?
Le spectacle est dénommé Ejaculat.

Pourquoi Ejaculat ?
Vous convenez avec moi que Ejaculat c’est ce liquide qui sort lorsqu’on atteint un certain niveau de plaisir. Juste pour dire que tous ceux qui seront à ce spectacle, devront atteindre ce niveau de plaisir à travers sa création. Dans le contexte du slam, c’est la parole qui sort de la bouche. Je suis un Ejaculat en tant qu’être humain parce que c’est grâce à ce liquide que je suis là. Nous sommes tous des Ejaculats. C’est une création de 2h. Et les enfants et les adultes, tout le monde est invité. Il n’y a pas de cible précise. L’entrée est à 1000 Fcfa pour les étudiants et 2000 Fcfa pour les particuliers.

Quelles sont vos ambitions ?
Je continue toujours d’apprendre dans le domaine de l’art. Je continue de me faire former. Cette année, après le spectacle, vous aurez à déguster l’une de mes sorties de studio. Ejaculat, je dois le souligner, c’est un projet qui met en exergue d’autres disciplines de l’art. On a juste commencé par le slam. Je fête mon anniversaire les 30 mars. Lors des anniversaires, on a pour habitude de faire des publications, faire des shootings, faire des fêtes, faire des gâteaux, manger. En tant qu’artiste, en quoi pourrais-je donner un plus à cet anniversaire pour me démarquer ? C’est là que m’est venue l’idée de prendre une portion de ce projet Ejaculat qui est d’une grande envergure. Le projet Ejaculat est ma première création personnelle. En dehors de ce projet, j’ai d’autres projets comme avoir un centre professionnel pour former les gens, faire des festivals. J’ai des œuvres qui devraient sortir. Mais je ne suis pas pressée. Je veux bien travailler lesdites œuvres pour en faire des œuvres très potables. J’aime également les actions sociales. J’aimerais aller dans les orphelinats. Comme je ne suis pas en mesure d’offrir la lune aux orphelins, je peux leur offrir des séances de formations en art oratoire ; leur montrer qu’ils sont des êtres humains très importants qui peuvent avoir des projets à réaliser.

Votre mot de la fin
Je tiens à remercier très sincèrement le groupe de presse Fraternité. Je suis très ravie. C’est un honneur pour moi. Je dis également merci à tous ceux qui me donnent la force, m’accompagnent quotidiennement. J’invite tout le peuple béninois à venir vivre la première représentation de mon projet qui aura lieu le vendredi 07 avril 2023 à l’espace Mayton à partir de 19h. Je profite pour dire un grand merci à Ernest ALAO. Pour tous ceux qui désirent nous soutenir d’une manière ou d’une autre, nous sommes joignables au 65396471. Avec ce numéro, vous pouvez nous contacter pour avoir plus d’informations. Que Dieu vous bénisse. Merci
Propos recueillis par Ernest ALAO



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