Chaque 15 août, la fête de l’igname réunit des milliers de personnes autour d’une tradition séculaire. Bien plus qu’une simple célébration agricole, cet événement incarne l’âme culturelle de la communauté de Savalou et aussi du peuple béninois.
Dès les premières lueurs du jour, la ville de Savalou et ses environs s’animent. Partout dans les rues, des éclats de rires et des chants traditionnels. Les femmes, vêtues de pagnes colorés, s’activent pour les préparatifs, tandis que les hommes s’apprêtent pour les rituels de la première offrande. En effet, avant que quiconque ne puisse goûter à la nouvelle récolte, le chef du village ou le prêtre traditionnel doit consacrer la première igname en l’offrant aux esprits ancestraux. Ce geste symbolique sert à sceller l’alliance entre les hommes et la nature, un pacte de respect et de gratitude. Ce n’est qu’après cette cérémonie que les festivités peuvent démarrer, avec des repas partagés, des chants et des danses qui rythment la nuit.
Pour beaucoup, la fête de l’igname est bien plus qu’une simple célébration. « C’est une tradition que nous avons héritée de nos ancêtres. Chaque année, nous nous rassemblons pour rendre hommage à la terre qui nous nourrit et pour perpétuer les rites que nos parents nous ont enseignés. Sans cela, notre histoire s’effacera peu à peu », explique Aristide Gbaguidi, l’un des aînés du village. De son côté, Dossi, une jeune femme de 25 ans, s’affaire à la cuisine avec ses proches. « La fête de l’igname, c’est aussi un moment où les familles se retrouvent. Nous préparons des repas ensemble, partageons des souvenirs, et même si le monde change, ici, au village, nous restons fidèles à nos traditions », raconte-t-elle, en remuant une grande quantité de sauce d’arachide. Pour les jeunes, la fête est également un moment d’apprentissage et de découverte. Selon Gbodja, un étudiant de 19 ans, en pleine préparation pour un concours de danse, c’est l’un des rares moments où l’on peut vraiment se connecter à ses racines. « On apprend des anciens, on danse, on joue. Ça nous rappelle que nous avons une histoire, une identité, que nous devons préserver », ajoute-t-il.
Un vecteur économique et touristique
Les commerçants locaux profitent aussi de cette affluence pour vendre leurs produits. « La fête de l’igname attire du monde, même de l’extérieur. C’est bon pour notre économie locale. Pendant quelques jours, tout le monde va profiter des artisans, des restaurateurs, des agriculteurs. Ça donne un coup de pouce à toute la ville de Savalou », note Aminata, une vendeuse. En effet, des milliers de visiteurs affluent chaque année pour célébrer l’igname, créant ainsi des opportunités pour les agriculteurs, les commerçants et les artisans.
Par ailleurs, la fête de l’igname est un pilier de la transmission culturelle. Emile, un jeune participant, a souligné l’importance de cet héritage en déclarant que la fête permet aux jeunes générations de se reconnecter à leurs racines à travers les danses, les chants et les rituels. Cette transmission intergénérationnelle est cruciale pour préserver l’identité culturelle des communautés, surtout à une époque où la mondialisation tend à uniformiser les pratiques et à gommer les particularités locales. En revisitant les traditions, les jeunes apprennent non seulement les gestes et les savoirs des anciens, mais aussi les valeurs qui structurent la communauté. Cette perpétuation de la culture est essentielle pour que les coutumes, loin de disparaître, se renouvellent et continuent de donner un sens à la vie collective.
Ces festivités permettent également de dynamiser le secteur du tourisme, attirant non seulement des habitants locaux mais aussi des visiteurs étrangers curieux de découvrir les richesses culturelles de la région. Le développement local se traduit aussi par une meilleure valorisation des produits agricoles, notamment l’igname, qui devient l’objet de transactions commerciales florissantes. Les artisans locaux profitent également de l’événement pour exposer et vendre leurs créations, contribuant ainsi à la diversification des sources de revenus pour la communauté.
Un événement qui renforce les liens sociaux
La fête de l’igname joue également un rôle social essentiel. Elle favorise le renforcement des liens sociaux en rassemblant la communauté autour d’un objectif commun. Les familles se réunissent, les voisins se côtoient et l’esprit de solidarité se renforce. Dans un contexte où les modes de vie modernes tendent à isoler les individus, des événements comme celui-ci rappellent l’importance du vivre-ensemble. Au-delà des frontières des villages, la fête crée des ponts entre les différentes communautés, favorisant la mixité et les échanges interculturels. Ce rassemblement est aussi un moyen de guérir les fractures sociales en réaffirmant l’unité autour de valeurs partagées.
Régis HOUNZINME (coll)
- 14 octobre 2024
- 14 octobre 2024