Les conditions de travail des employés de maison préoccupent élus du peuple et syndicats. Ceux-ci subissent les humeurs de leurs employeurs. Ils travaillent beaucoup et gagnent peu. Ils ne sont souvent pas déclarés à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale. Ils gagnent ainsi un salaire en dessous du smig qui ne leur permet pas de vivre décemment. C’est pour trouver une solution aux problèmes de ces travailleurs afin de les sortir de la précarité que la Centrale des Syndicats Autonomes du Bénin (CSA Bénin) a organisé le jeudi dernier un forum à Bénin royal hôtel. Cette rencontre a réuni des représentants des centrales et confédérations syndicales ainsi que des députés à l’Assemblée Nationale.
Célestin Hounsou, député à l’Assemblée nationale
« Ils travaillent beaucoup mais ils sont plus pauvres »
Je suis venu à ce haut forum en qualité de représentant de la commission des lois à l’Assemblée Nationale. La convention 189 refixe les conditions de travail décent pour une catégorie de travailleurs. Il s’agit essentiellement des travailleurs domestiques. De mon point de vue, cette couche est délaissée et laissée pour compte. Cette convention que les Centrales et confédérations syndicales s’emploient à faire ratifier va peut-être constituer un cadre légal pouvant encadrer les relations de travail qui vont exister entre ceux qui utilisent ces travailleurs et les domestiques concernés. Il faut vivre de son travail. Pour vivre de son travail, on a besoin d’encadrer cela. Ce sont ces travailleurs domestiques qui se couchent tard et se réveillent tôt. Il n’y a personne pour porter leur voix. Ils travaillent beaucoup mais ils sont plus pauvres. C’est un contraste… Ce forum est une bonne initiative qui va permettre l’amélioration des conditions de vie et de travail de cette couche. Leur employeur va travailler. Si ces travailleurs domestiques n’accomplissaient pas cette mission domestique, ceux qui les engagent ne pourront pas vaquer à leurs occupations… Quand la convention va arriver au niveau de l’Assemblée nationale, connaissant les députés, nous allons apprécier comment on peut accompagner l’initiative »
Orden Alladatin, président de la Commission des lois à l’Assemblée nationale
« Les débats qui se font autour des travailleurs domestiques sont nos préoccupations »
Il s’agit de montrer un peu comment travaille la commission des lois, d’amener à voir les autres commissions permanentes de l’Assemblée Nationale. Je me suis permis de proposer à l’assistance qu’on aille au-delà de la commission des lois pour aborder le travail de toutes les commissions de l’Assemblée nationale parce que, l’un dans l’autre, toutes les commissions seront appelées à se prononcer sur un sujet aussi essentiel que le sujet de travail domestique. Il y a lieu de le faire et d’informer l’assistance sur les procédures législatives. S’il y a un besoin à légiférer une loi, on ne sait pas souvent la démarche à observer. L’initiative des lois appartient au gouvernement et aux députés. L’Assemblée nationale en tant qu’institution ne peut pas introduire une loi aussi opportune qu’elle soit. Il faut que ce soit un député ou un ensemble de députés ou le gouvernement pour l’introduire et le processus législatif commence à partir de là. Et souvent, les gens ne le savent pas. Il faut que les partenaires, les syndicats, tous ceux qui sont associés à ce processus connaisent la démarche adéquate pour que les choses aillent vite. Les débats qui se font autour des travailleurs domestiques sont nos préoccupations. Il va falloir faire très attention pour que cela ne soit pas contre-productif et que l’on ne veuille pas défendre les travailleurs domestiques pour les priver d’emploi après…Il faut que cela soit encadré… pour protéger ces travailleurs pour l’équilibre social dans notre pays »
Amavi Dégué, Sg Syntrad-B/Cosi Bénin
« Mon souhait est qu’on cesse de faire de la théorie et qu’on passe à la pratique »
Nous constatons que dans tous les ménages aujourd’hui, il y a des domestiques. …Depuis 2021, le Bénin a participé à l’adoption de la convention. Nous ne savons pas ce qui bloque sa ratification. Or, la convention 189 est une bonne chose. Elle vient appuyer les textes existants dans le domaine. Je ne sais pas ce qui bloque cette ratification depuis des années. Mon souhait, c’est qu’on passe maintenant à la ratification et qu’on cesse de faire de débat autour de la question. Il faut qu’on cesse de faire la théorie et qu’on passe à la pratique.
Apollinaire Afféwé, Secrétaire général de l’UNSTB
« Ces travailleurs vivent dans les conditions vraiment déplorables »
Les travailleurs domestiques officient dans les ménages pour le compte des familles. C’est une corporation qui, puisque là, est régie par un arrêté qui date de 1998. Cet arrêté est aujourd’hui dépassé et malgré cela, si tout au moins, il était respecté, cela allait apporter un soulagement aux travailleurs domestiques. Malheureusement, ce n’est pas respecté si bien que ces travailleurs vivent dans les conditions vraiment déplorables. Depuis 2011, l’OIT a adopté la convention 189 qui est une norme au plan international qui réglemente le travail de cette catégorie professionnelle. Cette convention adoptée depuis 2011 n’est pas ratifiée par le Bénin. Or, tant que cette convention ne sera pas ratifiée ici, elle ne pourra pas intégrer les normes nationales et donc ces travailleurs ne peuvent demander son application. Entre 1998 et 2011, il y a nécessairement un moment de non application, la convention étant prise au plan international, plusieurs normes internationales de travail ont été prises en compte à travers cette convention. Donc les conditions de vie et de travail, l’agenda pour un travail décent, tout cela a été pris en compte dans cette convention. Alors la ratification de cette convention permettra de faire entrer ce document dans le dispositif législatif national et donc permettre sa mise en œuvre au plan interne. Cela participera à l’amélioration des conditions et de vie et de travail de cette catégorie professionnelle. Autrement dit, c’est une norme qui viendra révolutionner la législation existante en matière de travail domestique chez nous au Bénin.
L’état des lieux sur la situation est illustratif pour ce qui est du smig. Au niveau de cette catégorie professionnelle, le smig n’est presque jamais respecté. Vous avez entendu l’étude qui a été restituée dans la salle. 99% de ces travailleurs n’ont pas le smig. Donc il n’est pas respecté. Les heures de travail ne sont pas respectées alors qu’il est prévu 50 heures dans l’arrêté par semaine. Ils travaillent beaucoup plus que ça et sont victimes de harcèlement, de sévices puisque c’est un travail qui se fait à domicile et personne n’a accès au lieu pour savoir ce qui s’y passe. Donc c’est un travail qui se fait au noir. Ils ne sont pas déclarés puisqu’ils ne sont pas au smig. Donc carrément un travail précaire et informel qui expose les concitoyens de ce domaine à la pauvreté. Alors comme on l’a dit, un ménage sur trois exploite un travailleur domestique. Et ceux qui ont un revenu plus ou moins important ont systématiquement tous un travailleur domestique. Donc c’est une catégorie professionnelle qui regroupe beaucoup de citoyens de chez nous qui vivent dans des situations dramatiques et méritent d’être secourus pour sortir de la pauvreté.
Clarisse Reine FANDY, Secrétaire général de la CSPIB
« …les travailleurs domestiques sont dans l’informel »
Il est d’abord à faire savoir que les travailleurs domestiques sont dans l’informel. Donc, nous nous préoccupons de leurs conditions de vie et de travail. Nous essayons alors de le faire tel que nous pouvons. Grâce à la Fondation Friedrich-Ebert, nous avons pu avoir de visibilité sur leurs problèmes. Nous ne devons pas seulement parler de leurs droits mais aussi de leurs devoirs parce que nous devons savoir que la majorité de ces travailleurs sont des analphabètes. Ils ne connaissent pas les textes qui régissent leur secteur. Partant de là, leurs conditions de vie et de travail sont minables. La ratification de cette convention en Afrique pose problème parce que le contexte dans lequel nous évoluons ne permet pas directement aux employeurs de ces travailleurs de faire jouir les droits. C’est surtout ce pour quoi la ratification de la correction 189 pose problème depuis, parce qu’il faut voir les contours de tout cela. Est-ce que les employeurs sont en mesure de payer le smig ? C’est la véritable problématique. Il faut surtout faire savoir que certains ne sont pas formés pour le travail. On trouve donc des gens qui font du secteur une panacée. Il nous revient de travailler à leur formation.
Kakpo Bessé Laurent SG/CSUB
« Les travailleurs et travailleuses domestiques font un travail important »
Les travailleurs et travailleuses domestiques qui aident les foyers à vaquer à leurs occupations quotidiennes font un travail important. Mais les gens le leur reconnaissent difficilement. Ils vivent donc dans une précarité qui crève l’œil. Il faut donc pouvoir les organiser et les éduquer afin qu’ils prennent conscience de leurs droits et devoirs. Mais c’est un peu difficile à faire car, c’est un secteur en majorité informel. C’est le patronat qui gère le secteur privé. Son pouvoir étant renforcé par les députés à l’Assemblée Nationale, on assiste donc à une exploitation de l’homme par l’homme. Dans ce secteur, le smig n’est pas respecté, car ceux qui utilisent les employés domestiques, pour la plupart, n’ont pas un grand moyen, mais ils en ont besoin. C’est donc, une situation délicate sinon, nous risquons de créer des chômeurs en voulant régler un problème. Donc, si nous ne faisons pas attention, la situation risque de se retourner contre ces gens qui sont à la recherche du minimum pour subvenir à leurs besoins. C’est donc un terrain difficile. Donc, pour réduire les peines des employés domestiques, nous avons un gros travail à faire à l’endroit des décideurs, notamment des députés qui votent les lois. Que ces honorables comprennent que les lois qu’ils votent peuvent se retourner contre leurs familles. On a beau faire des séminaires, des sensibilisations, si pour des raisons d’humeur, votre employeur décide de vous licencier, vous avez entre trois et neuf mois de droits à recevoir. Cette situation rend le travail syndical très difficile.
Kouto Norbert, Cstb
« Les travailleurs et travailleuses domestiques souffrent de l’ignorance des textes »
Les travailleurs et travailleuses domestiques souffrent de l’ignorance des textes régissant le domaine du travail. Les employeurs eux-mêmes ne maîtrisent pas les textes et utilisent leurs employés comme bon leur semble. Ce forum permettra donc aux organisations syndicales de passer l’information aux travailleurs afin de les organiser et de faire comprendre aux employeurs que les employés domestiques ont aussi des droits. A notre niveau, nous faisons déjà le travail en sensibilisant les travailleurs sur le code du travail, les congés de maternité ou de paternité… Donc, nous allons continuer le travail dans ce sens.
Propos recueillis par Isac A. YAÏ
- 2 octobre 2024
- 1er octobre 2024