De milliers de bacheliers se sentent exclus, chaque année, des études universitaires faute de moyens ou de structures d’accueil appropriées. Une situation quelque peu déplorable à laquelle fait front Etienne Yèhoué (PhD, Harvard University), professeur de finance et expert au Fonds Monétaire International. Ceci à travers une fondation qui plaide en leur faveur pour un rapprochement entre le monde de l’entreprise et celui de l’enseignement supérieur via des stages et la formation en alternance.
Ses multiples occupations en dehors du Bénin pourraient constituer un frein aux initiatives qu’il porte dans son pays. Loin s’en faut. Le professeur Etienne Yèhoué sait puiser en lui l’énergie nécessaire pour la cause de la jeunesse. Surtout s’agissant de son éducation ou de sa formation. « La clé fondamentale de la vie de quelqu’un, c’est l’éducation. L’éducation a été la clé qui m’a mis sur la voie du succès. Je considère la mission de l’éducation comme un sacerdoce », confie-t-il. La cinquantaine, fière allure, l’enseignant des universités américaines et expert au Fonds Monétaire International (FMI), affiche son engagement à contribuer à l’orientation des jeunes.
Fort de ce que ces dernières années, il y a en moyenne, cinquante mille nouveaux bacheliers sur le marché chaque année, et que seulement 35 à 40 mille de cet effectif arrivent à être accueillis par les structures universitaires, il s’est senti préoccupé par la situation. « De façon spécifique chaque année, les structures existantes absorbent environ 35 à 40 mille et il reste un résidu d’environ 10 à 15 mille en attente de structures ou creusets d’accueil. Beaucoup d’entre eux ne sont enregistrés dans aucune faculté et du coup, ils ne font aucun examen en fin d’année. « J’ai trouvé que c’est un phénomène qui mérite d’attention car nombre d’entre eux deviennent des cybercriminels », défend Etienne Yèhoué.
Un mécanisme de prise en compte de ces personnes est initié par la Fondation Etienne Baba Yèhoué d’aide à la jeunesse et pour le développement du numérique. Il s’agit de la formation en alternance. « Nous mettons à disposition des fonds pour aider au financement des étudiants qui n’arrivent pas à être absorbés dans les structures ordinaires. Nous pensons qu’à travers ce mécanisme, nous pouvons aider ces bacheliers à se faire former non seulement académiquement mais aussi professionnellement », confie l’expert.
Former pour des besoins
Pour ce faire, un partenariat est noué avec un institut universitaire qui accepte faire la formation en alternance à financer par la fondation. « De façon concrète, les jeunes bacheliers qui n’ont pas les moyens de payer leurs formations universitaires viennent sur étude de dossiers, suivent les cours pendant trois mois. A partir du 4e mois, ils sont placés dans des entreprises avec une rémunération tout en continuant également leurs études. Certaines de ces entreprises n’ont pas les moyens pour financer et c’est là qu’intervient la fondation pour suppléer au payement. Elle garantit un payement mensuel à tous les jeunes bacheliers allant de 50 mille à 100 mille francs CFA. L’étudiant utilise une partie de son revenu pour payer sa scolarité et l’autre partie pour subvenir à ses besoins », souligne Etienne Yèhoué, qui prend exemple sur l’expérience telle que menée aux Etats-Unis et ailleurs.
« Je n’invente rien car le mécanisme de formation par alternance existe en France et aux Etats-Unis et les entreprises le financent parce qu’elles ont compris leur responsabilité sociale d’entreprise et l’exercent. Une entreprise n’existe que lorsqu’il existe une communauté de citoyens », assure-t-il. Contrairement à la pratique dans les pays développés où la plupart des grandes entreprises ont une fondation qui s’investit dans la formation en alternance en faveur de jeunes bacheliers, celles en Afrique marquent encore le pas quant à la responsabilité sociale d’entreprises. « Il faut les amener à comprendre qu’ils ont une responsabilité d’aider à la formation des jeunes », bémolise Etienne Yèhoué, certain que la pratique finira par gagner les cœurs pour inverser la tendance.
Un décalage existe, en effet, entre les besoins des entreprises et les enseignements dispensés par les écoles supérieures, qui ne formeraient pas suffisamment les étudiants au monde du travail. De nombreuses initiatives en faveur de ce rapprochement, comme le développement des stages et cursus en alternance des formations, de plus en plus innovantes, sont expérimentées et font florès. Une option désormais faite par le professeur de finance et chercheur des universités de Harvard, Georgetown et à l’Institut du Fmi aux Etats-Unis, marqué qu’il est par le trop plein de bacheliers dans l’impossibilité de se faire former par manque de moyens ou au regard du nombre limité de structures universitaires publiques.
Tel un pèlerin sûr de sa destination, il accorde une prime à la réussite de ce mécanisme tant, voir des jeunes épanouis dans la société suite à une formation qualifiante et d’avenir, constitue une réelle satisfaction pour lui. Déjà, nombre d’entreprises, fort de cette responsabilité sociale qui devrait être la leur dans la formation de la jeunesse, ont adhéré à l’initiative et accepté recevoir des étudiants et mieux, contribuer à leur rétribution mensuelle jusqu’à hauteur de 100 000 F Cfa. Aux côtés de son partenaire, l’Institut Universitaire MathFinEco, la Fondation Etienne Baba Yèhoué, aidée d’un comité mixte composé non seulement d’académiques mais aussi de professionnels, procède à l’étude des dossiers et à la sélection des postulants au programme.
Promouvoir stages et alternances
La fondation a pris son bâton de pèlerin pour nouer des partenariats avec un certain nombre d’entreprises pour qu’elles puissent respecter leur responsabilité sociale d’entreprise. Il y a des entreprises qui ont accepté recevoir les étudiants et d’autres qui ont aussi non seulement accepté d’accueillir les étudiants mais de participer à leur payement jusqu’à 100 mille francs CFA. C’est dire qu’il y a une adhésion. « Nous avons noué un partenariat avec l’Institut Universitaire MathFinEco (IUM). Il y a un comité mixte composé non seulement d’académiques mais aussi de professionnels. Les étudiants déposent les dossiers et le comité procède à leur étude en tenant compte des besoins dans les entreprises. Sur la base des critères retenus, le jury délibère de façon indépendante », fait observer le promoteur de l’initiative. Pour sa première année, des bourses seront octroyées à 100 jeunes bacheliers. Pour les années suivantes ce nombre pourrait être ajusté à la hausse selon le besoin et une adhésion plus accentuée des entreprises. « Le but de ce que nous proposons est totalement social. Travailler à ce qu’il y ait une société prospère où tout le monde a le minimum, c’est une condition de sécurité pour tous. C’est un mécanisme qui existe ailleurs et qui fonctionne très bien. Si un étudiant est recruté par une entreprise ayant financé sa formation en alternance, il peut travailler pour cette entreprise pendant deux ou trois ans et après, s’il le désire, il peut aller faire ses expériences ailleurs. Il n’y a aucune obligation que les étudiants soient liés à vie à la société », assure Etienne Yèhoué. Promouvoir les stages et les alternances est essentiel pour améliorer l’employabilité des jeunes en Afrique. Quoique certaines écoles du continent commencent à promouvoir la formule des stages et des alternances, comme le prône la fondation, il n’en demeure pas moins que cela reste encore très peu démocratisé.
Co-auteur des livres : The Routlegde Companion to Public-Private Partnerships et Dollarization in sub-Saharan Africa : Experience and Lesson, et titulaire d’un Ph.D de l’Université de Harvard aux Etats Unis et d’un DESS en Mathématiques de la Décision de l’Institut de Mathématiques et de Sciences Physiques (IMSP) au Benin, le fondateur de la Fondation Etienne Baba Yèhoué d’aide à la jeunesse et pour le développement du numérique a à son actif plusieurs distinctions dont le Nigerian Fellowship for Distinguished African Student et le « Prix Sidney R. Knafel » de l’Université de Harvard pour avoir modélisé l’expansion des Unions monétaires comme un processus stochastique de diffusion, un modèle qui a eu le mérite de prédire l’expansion de l’Union monétaire européenne. Il est un chercheur actif avec des articles scientifiques en Modélisation Economique et Finance de Marché, le Partage des Risques, l’Entrepreneuriat, et le Partenariat Publique Privé.
- 14 octobre 2024