Les yeux clos, les traits du visage gais, l’esprit d’Inès caresse une pensée pour la Grèce et son paysage pittoresque. Rêvant la vie en bleu et blanc, la tata préférée des enfants du Bénin savourait le plaisir de croquer des glaçons quand ses doigts se sont figées sur son menton : la fée a de la barbe.
Elle est drôlement loin, l’époque de "La Case des enfants" qu’animait Tata Inès sur La Chaîne 2. Programme original de 1998, son journal télévisé junior hebdomadaire pour les enfants et par les enfants de moins de 12 ans, a été une innovation en Afrique de l’Ouest. Elle avait été saluée et distinguée 1er prix jeunesse des 16èmes journées mondiales du cinéma africain et créole à Montréal en l’an 2000.
Plus d’un quart de siècle après ses débuts, la candeur de l’animatrice n’a pas flétri, sa grâce n’a point pâli et sa chaleur ne s’est guère évanouie quand bien même d’hier, ne date pas sa sortie de la chrysalide. Dès son arrivée à l’Ortb en 2003, "le Club des fans" a conquis, grands et petits, et est vite devenu une émission culte.
A ce jour, atchika-tchika-tchiikaa est resté un cri magique qui électrise les âmes de son ayayaaa euphorique. A lui, se rapportent tant de souvenirs d’enfance de jeunes gens que le temps s’est hâté de faire dames ou pour lesquels il s’est hâté de faire pousser la barbe et muer la voix en grave. Toutefois, Inès ne s’arroge pas le mérite de ce succès, estimant avoir été plus chanceuse que battante. Il est vrai que ce slogan, plus tard, dans la bouche du Président Mathieu Kérékou lui a conféré l’onction d’une certaine éternité. Cependant, c’est elle qui l’a révélé et l’a porté. Depuis toujours, elle est très girly certes, mais paresseuse et ingénue, niet ! Studieuse, la jeunette d’alors avait obtenu son baccalauréat à 16 ans avant de décrocher sa maîtrise à 20 ans ! Ce n’est pas pour rien que la langue taquine de Prissy la Dégammeuse l’a surnommée Molière. Toutefois, elle et tous les autres devront patienter avant de s’offrir le plaisir de la sobriquer Shakespeare. Avec celui-là, Tata Inès regrette que ce ne soit pas la lune de miel. En revanche, avec Walt Disney, elle file le parfait amour depuis sa tendre enfance. A telle enseigne que la petite Inès nourrissait le rêve secret d’y travailler. Du feu de cet ardent désir, la fillette a guéri avant de vouloir être albinos puis chauffeur de grandes personnalités. Peut-être que son aménité l’aurait fait embaucher mais il se peut aussi que sa curiosité et sa joyeuse prolixité aient pu la faire remercier avant de la pousser vers le journalisme. Cette raison explique sa haute admiration pour Carla Bruni, l’ex-première dame française que Tata Inès décrit comme étant d’une douceur, d’un calme et d’une écoute hors-pair. Leur rencontre en Janvier 2010 à Cotonou, est tout simplement inoubliable pour elle.
Sensible à la préservation de la nature, elle demeure fascinée par l’enfance qu’elle considère comme le laboratoire des générations futures.
Très tôt, sa vocation pour les tout-petits a été si forte que pour la vivre, son jeune âge rédhibitoire (la vingtaine à peine) ne l’a pas dissuadé d’être ingénieuse pour intégrer l’équipe de LC2. Elle n’a pu recourir aux coachs machins bidules comme elle les appelle avant de se dire que la chance n’a qu’un seul cheveu. Oui ! Elle a de la confiance en soi. D’ailleurs, il en faut pour se réclamer "excentrique" dans son style vestimentaire, des orteils à la tête. Aujourd’hui encore, dans son aventure capillaire, Tata Inès ou Lady Garoué switche facilement de Tina Turner à Lady Gaga. Ce qui se sait moins, c’est que ce n’est qu’un leurre qui permet à cette dame de cœur d’aller prendre l’air sans se faire reconnaître. Fière de son métissage culturel, fruit de la rencontre de ses origines fon avec les coutumes septentrionales qui l’ont vu naître et grandir, Tata Inès est amusée d’être assimilée à une yovo (européenne) par ceux qui ignorent tout de sa pratique courante de plusieurs langues béninoises.
A vrai dire, c’est une princesse qui a toujours été un peu rebelle. Pour ne pas quitter le droit chemin, elle a su compter sur sa mère, vraie maman africaine, nonne catholique dans l’âme et ainsi connue des filles de Parakou, pour remettre les pendules à l’heure avec les brebis égarées. Tantôt maman gâteau, tantôt maman vernonia avec ses deux enfants ; Tata Inès repense avec le sourire à sa propre mère. Avec le modèle d’un père probe et engagé pour la communauté, sa fratrie soudée comme un nœud d’alpiniste, chérit les valeurs familiales et humaines. Cet héritage fait d’elle une femme presque pudibonde dans la proximité, a contrario de la chroniqueuse aux avis francs et épicés qu’elle est sur Canal+. Dans sa liberté d’adulte, elle revendique par des poses inconnues des codes du mannequinat quand elle se retrouve devant l’objectif de l’appareil photographique. De sa marraine fée, la reine de Garou, elle a reçu le don de prophétie qui semble ne marcher qu’avec son mari. A 14 ans, elle disait à qui voulait l’entendre qu’elle épouserait Steve et elle l’a fait. Même si le temps lui avait passé l’envie et qu’à leur rencontre, le courant n’est pas aussitôt passé, Cupidon les a flèchés et s’occupe depuis plus de deux décennies de leur dossier. Aux côtés de son cher et tendre, elle a d’ailleurs forgé ses armes en réalisation et production audiovisuelle.
Aujourd’hui, ce n’est plus seulement au Bénin que le charme de Inès Facia opère mais sur le toit du monde entier. En effet, Tata Inès est une voix singulière et très appréciée sur le programme panafricain le Chœur des femmes. Seule Béninoise de ce talk-show très suivi, celle qui est officier national de l’ordre du mérite depuis 2011, ne ménage aucun effort et ne rate aucune occasion pour révéler son beau pays et ses talents. Ambassadrice de la bonne humeur, l’ancienne choriste a de la joie à revendre au point que son corps et ses membres ne savent ni trop où ni trop comment s’élancer pour s’exprimer surtout quand il y a du jazz. Avec la clé de son avenance, cette vieille amie de Mel Gibson n’entend pas rester sur un NON dans sa mission au profit de la cause enfantine, gage du futur. Méticuleuse, perfectionniste, fiable et dotée d’une bonne mémoire, elle ne lâche rien. Active avec son Ong Reporter Junior, celle qui à moins de cinquante balais, impacte indélébilement deux générations, est une pétillante Mam’Inès.
Frédhy-Armel BOCOVO (Coll)
- 14 octobre 2024