Une nouvelle analyse de la décision d’interdiction de la production, de l’importation et de la commercialisation des boissons alcoolisées conditionnées en sachet plastique. C’est celle de Roger Kounakou, sociologue qui appelle à l’éducation des populations pour un changement de comportement.
Le Bénin a pris la décision d’interdire la commercialisation des boissons alcoolisées en sachet que l’on retrouve dans les petits commerces. Comment le sociologue trouve cette décision du gouvernement béninois et quelles sont vos appréhensions ?
C’est une très bonne décision. Oui il faut le dire. Car, elle n’a pas été prise au hasard. Vous n’êtes pas sans savoir que les jeunes, les élèves et surtout les conducteurs de taxi-moto font un usage détourné de ces produits. D’aucuns les utilisent avec d’autres médicaments pour soi-disant retrouver la bonne forme et être éveillés en circulation pour travailler. Mais ils ignorent le revers de la médaille. Ils oublient que l’usage abusif de quelque chose nuit toujours à la santé. Des accidents de circulation ou les insultes barbares ont leur origine dans la consommation de ces boissons.
Est-ce que cela entraînera un commerce clandestin et informel ?
Bien sûr que oui ! Nous avons vu que quand bien même depuis plusieurs décennies le gouvernement tente d’interdire la vente de l’essence frelatée, les résultats sont là. Nous ne sommes pas encore arrivés à observer l’effectivité de cette décision des gouvernements qui se succèdent. Pour le cas d’espèce, ceux qui ont déjà pris l’habitude de se familiariser avec ces boissons ne peuvent pas tout de suite leur fausser compagnie. Ainsi, la vente clandestine de ces types de boissons alcoolisées va perdurer dans le temps et dans l’espace. Cette décision est prise depuis le 17 mai dernier. Aujourd’hui nous sommes le 22 mai. Sur les étalages, ces produits sont encore bien visibles. Cela prouve que la décision n’a pas encore intégré les habitudes. Parce que plus elles sont moins visibles sur le marché, plus le taux de consommation va diminuer. On aurait opté pour une répression dans les villes ou coins du pays où on constate que ce commerce évolue de façon exceptionnelle pour lutter contre le phénomène. A l’heure où nous parlons, des gens ont stocké ces produits en quantité énorme. Et tout ça attend les buveurs.
Est-ce que cette décision peut tenir sur la durée avec l’habitude des consommateurs ?
Pas du tout. Mais ce n’est pas seulement les conducteurs de taxi-moto. Il y a aussi nos étudiants, nos jeunes frères et sœurs qui sont dans le cas. Pour le moment ils sont déjà des coutumiers. Comme la théorie de l’habitude, ils ne peuvent plus s’en passer. Et malheureusement, nous observons de la déviance dans nos sociétés.
Est-ce qu’une crise sociale ne pointe pas à l’horizon avec la perte qu’occasionnera cette décision ?
Oui. Mais pas au niveau gouvernemental parce qu’il est dans l’optique de protéger les populations contre les dégâts que pourraient causer ces boissons sur leur santé. Pour les commerçants, oui. Ils n’ont pas le choix que de changer d’activités.
Ces produits, selon nos constats, sont la tasse de thé de plusieurs compatriotes déjà. Que leur recommandez-vous ?
Pour pouvoir diminuer l’habitude d’aller vers ces produits, il va falloir dès maintenant instaurer des séances de sensibilisation à l’endroit de toutes les couches pour leur parler des conséquences fâcheuses qu’ont ces boissons sur leur santé.
Propos recueillis par Mahussé Barnabé AÏSSI (Coll.)
- 14 octobre 2024