Invité par la Fondation Konrad Adenauer pour présenter une communication sur la prise en charge équilibrée des intérêts sécuritaires dans les accords de coopération, le Professeur Mathurin HOUNGNIKPO interpelle les gouvernements dont les échecs sont patents. En s’entretenant avec les députés membres du Réseau des parlementaires africains membres des commissions défense et sécurité (REPAM-CDS) qui tient sa 6ème Conférence annuelle à kinshasa du 05 au 07 octobre, il a exprimé sa peine de voir l’Afrique tourné en rond alors que les autres continents font des progrès qui forcent l’admiration.
N’est-ce pas un peu sévère de votre part quand vous affirmez que la boussole de l’Afrique, c’est la navigation à vue ?
C’est simplement la réalité qui m’amène à constater la réalité. Depuis 40 ans que je suis dans ce dossier, je vois que nous ne faisons que du surplace. Les gouvernements passent, mais le fond demeure. Après 62 ans d’indépendance, on ne peut pas dire qu’on a vraiment avancé. Pour moi, la boussole africaine, c’est la navigation à vue. Il a fallu plusieurs décennies pour que l’Union africaine évoque la question de « l’Afrique que nous voulons ». Comme par hasard, c’est en 2063 que l’évaluation sera faite. Autrement dit, c’est 100 ans après la création de l’Organisation de l’Unité Africaine qu’on fera le bilan.
Ne percevez-vous pas des signes de réveil au niveau du continent ?
Quand vous espérez un tout petit peu, il y a toujours un événement qui vient remettre le désespoir. Quand vous prenez le mouvement démocratique sur le continent où beaucoup de pays pensaient que c’était un renouveau et qu’il n’y aurait plus de coup d’Etat, aujourd’hui, on en est où ? Tant que les civils continueront de mettre le bordel, les militaires vont essayer d’intervenir même s’ils ne sont pas outillés comme il faut pour gérer un Etat.
Quel serait le rôle des parlementaires dans cette lutte pour assurer la sécurité dans la sous-région ?
En réalité, nous sommes dans ce que j’appelle « l’espoir ». Or, l’espoir n’est pas une stratégie. En l’état actuel des choses, quand j’observe les parlements africains, on ne peut pas espérer d’eux, pour la simple raison qu’ils ne débarquent pas toujours au parlement de leur gré. En plus, ils n’ont aucune force pour contraindre le gouvernement. Même au nom de la séparation des pouvoirs dont a parlé Montesquieu, ils ne sont pas en mesure de s’approprier cela. Nous n’avons pas d’autres leviers sur lesquels il faut appuyer, c’est pourquoi on s’en remet aux parlementaires. Encore que la plupart d’entre eux sont parachutés par l’exécutif en amont. Que peuvent-ils bien faire en aval ?
Est-ce à dire que les parlementaires ne peuvent pas contribuer à identifier les intérêts vitaux de leurs Etats ?
Ils peuvent s’ils veulent. Plus jeune, je pensais que vouloir était pouvoir, mais plus le temps passe, je me rends compte qu’on peut vouloir et ne pas pouvoir. Il y a des parlementaires qui sont intellectuels qui peuvent faire quelque chose mais qui ne veulent pas. Il y en a qui sont, hélas, analphabètes. Quand il faut voter les lois, ils ne comprennent pas grand-chose. C’est en cela qu’il faut être réaliste. Mais je suis heureux de savoir qu’il y a un creuset qui les réunit, ils vont commencer par se bousculer et peut-être qu’un jour, on aura de bons résultats.
Sur le plan de la géopolitique, nous constatons que l’Afrique est redevenue un objet de convoitise pour les puissances étrangères. Comment le continent peut-il tirer le meilleur de cette situation ?
En tant qu’étudiant de l’histoire, j’ai peur qu’il n’y ait pas un grand changement. En 1963, on a cru qu’il y aurait un changement avec l’OUA. Au début des années 2000, on était dans les mêmes dispositions avec l’UA. Avec le temps, on se rend compte que la mayonnaise ne prend pas. Le problème est qu’on peut avoir mille mauvais choix. Et si on ne sait pas choisir, au lieu de tout rejeter, on fera le mauvais choix. C’est cela mon inquiétude. Si vous remplacez un pays X par un pays Y, sans déterminer pourquoi on veut que Y vienne faire ce que X n’a pas su faire, on sera toujours dans la gadoue.
Propos recueillis par Moïse DOSSOUMOU
Figure emblématique du petit écran dans son pays le Bénin, Inès Facia est (...)
- 30 mars 2023