Au Bénin, le nombre de mères célibataires augmente de jour en jour notamment dans la commune d’Abomey-Calavi. En effet, sur 10 mères, environ 5 sont célibataires. Cette situation est due à plusieurs facteurs. Enquête.
Samedi matin du 1er juillet 2023 au quartier Ahossougbéta dans la commune d’Abomey-Calavi. Dans la cour de la maison devant son entrée-coucher, Estelle (nom d’emprunt), la trentaine au plus, assise sur un tabouret, fait la lessive et porte sur son dos un bébé. A côté d’elle, sa fille de 10 ans est à sa droite et s’occupe de la vaisselle. Elle est aidée par sa sœur de 6 ans qui n’a pas l’air gaie. « Maman j’ai faim », se lamente-t-elle. Mais Estelle lui ordonne de finir la vaisselle avant d’avoir droit au repas. Au même moment, le bébé au dos se réveille et se met à pleurer. Estelle abandonne sa lessive et donne à téter à son bébé. Un coup d’œil dans le tas d’habits dont elle s’occupait, laisse voir qu’il n’y a aucun vêtement d’homme. Même dans son entrée-coucher, la présence d’un concubin ou d’un mari ne se fait pas remarquer. « Je suis une mère célibataire avec trois enfants abandonnés depuis bientôt 2ans », avoue-t-elle. Son ex-mari, agent de sécurité a perdu son boulot quand ils avaient deux enfants.
A défaut de soutien et de ressources pour faire face aux besoins de la maison, elle a été obligée de faire la lessive de maison en maison pour gagner des miettes. Quant à son mari, il s’est reconverti en Zémidjan. « Au fil du temps, il a non seulement abandonné ses devoirs conjugaux, mais pire, il a enceinté une autre femme alors que j’attendais un enfant de lui. A tout ceci, il faut ajouter qu’il s’est mis à boire et on se disputait tout le temps. J’ai été obligée de le quitter », relate-t-elle.
A chacun sa raison !
Toujours à Ahossougbéta, à quelques encablures de la maison où vivent Estelle et ses enfants, Amandine âgée de 28 ans s’apprête à sortir pour des courses. L’horloge signale 17 heures 20. Habillée en combinaison qui laisse voir ses rondeurs, Amandine est mère-célibataire mais vit encore chez ses parents. « Je ne me plains pas. Je vis ma vie et je ne me reproche rien », assure-t-elle. Au fait, Amandine, danseuse professionnelle a divorcé après avoir été mère de deux garçons. « Je ne suis pas restée longtemps dans mon foyer puisque j’étais sollicitée à n’importe quelle heure de la journée. Dépassé, mon mari a décidé de se séparer de moi », regrette-t-elle.
Dame Alice (nom d’emprunt), la quarantaine environ rencontrée à Hèvié toujours dans la commune d’Abomey-Calavi et enseignante dans une école primaire publique, n’échappe pas au phénomène de mère célibataire en pleine extension de nos jours. Malgré les difficultés inhérentes à son statut, elle s’efforce de prendre soin de ses trois enfants. « Il faut vraiment avouer que ce n’est pas facile pour moi. Car, je suis à la fois le père et la mère de mes enfants. Malgré mon salaire, je n’arrive pas à répondre à tous les besoins de mes enfants. Il faut penser à quoi manger, boire, s’habiller, la contribution scolaire et le loyer. C’est compliqué », confie-t-elle tout en regrettant sa situation de mère-célibataire.
Mère et célibataire : danger !
Selon l’analyse d’un psychologue qui a requis l’anonymat, être une mère-célibataire peut avoir des conséquences au plan psychologique. « Elle peut avoir une grande détresse psychologique, une dépression et développer une anxiété à propos du devenir des enfants », informe-t-il. Devant ces dangers sanitaires, les mères célibataires doivent aussi faire face au regard critique des hommes. Jacob, un technicien maintenancier dit à haute voix ce que beaucoup d’hommes pensent tout bas : « je te rencontre dans la rue et tu me dis que tu as un enfant à bas âge, c’est mort pour une relation. Si par contre, tu as un enfant grand, c’est acceptable. Mais il n’y a aucun homme en 2023 qui acceptera de se mettre en couple avec une femme qui est en train de s’occuper de son nourrisson. Ça n’attire personne ». Loric enfonce le clou et affirme sans ambages : « D’abord, je suis contre le fait d’épouser une mère célibataire car, c’est un engagement qui pourrait limiter ma liberté ainsi que mon choix de vie ». Mais puisqu’il n’y a pas de règle sans exception, il y a des hommes qui ont épousé des mères-célibataires et qui vivent heureux dans leur ménage. Ange est l’un d’eux et il dénonce des clichés qui n’ont rien à voir avec l’amour. « C’est aberrant de parler de mère-célibataire. Pour moi, dans une relation, c’est le cœur qui doit parler et non le statut de l’un ou de l’autre », insiste-t-il. Il n’empêche que la courbe du regard négatif sur ce phénomène sociétal est en hausse. Ainsi, entre l’amour et la crainte des complications potentielles liées à une dynamique familiale complexe, chacun se fera sa religion.
Monique AHOUANDJINOU (Stag.)
- 14 octobre 2024