Pamella N’ze Asseko : « Je suis contre la discrimination. Je suis pour l’humanisme » :

La rédaction 27 mars 2023

Promotrice de la marque de mode Funkè Fashion, Pamella N’ze Asseko a un passé de mannequin, chroniqueuse, présentatrice-animatrice télé et de chargée de communication dans des entreprises de la place. Titulaire d’un master en marketing et action commerciale, celle qui est diplômée en Diplomatie et Relations Internationales s’exprime sur le sujet de la femme.

Quelle est selon vous, la place de la femme dans la société béninoise actuelle ?
Je pourrais faire tout un livre sur ce sujet. Malheureusement, la femme n’a pas encore la place qu’elle mérite dans notre société. On a tendance à la déshumaniser dans le cercle familial, dans le cercle professionnel, partout ailleurs. On a tendance à la faire rentrer dans un carcan contre son gré, contre son bonheur. La place de la femme a certes connu une certaine évolution mais elle n’est pas très enviable.

Que pensez-vous de la discrimination positive (au profit de la femme) ?
Je suis contre la discrimination. Je suis pour l’humanisme. Ce que vous n’accepteriez pas qu’on vous fasse, ne le faites pas à l’autre sous prétexte que c’est une femme. Toutefois, dans un contexte social comme le nôtre où les modèles féminins ne sont pas légion, la discrimination positive n’est pas mauvaise. Elle sert à encourager les jeunes femmes à lutter pour leur épanouissement et leurs rêves. Rêver, les femmes n’en ont pas toujours l’occasion. Sous nos cieux, le quotidien d’une femme n’est pas une sinécure.

Avec le parcours qui est le vôtre, quelle est cette situation piquante que vous avez vécue simplement parce que vous êtes une femme ?
Etre une femme, c’est un calvaire quotidien. Ce n’est pas tomber dans des jérémiades que de le dire. Un fait me revient. Je devais avoir 11 ou 12 ans. Je traversais la route quand un conducteur de taxi-moto a surgi de nulle part et a failli me renverser. Ce père de famille m’a lancé sans ambages en langue fon : que fait-elle celle-là ? je vais lui donner des tapes sur les fesses, elle va voir. J’ai vécu ces quelques mots comme une agression sournoise due à mon genre. En aurait-il dit autant à un garçon de mon âge ? Certainement, non ! Les hommes sont solidaires entre eux dans ces écarts de langage. Je suis sûr qu’une fois au moins chaque femme a vécu ce genre d’allusions, de propos et de regards pervers sur sa personne. On en éprouve de la honte et le vit parfois comme un fardeau d’être née fille. Les hommes ne réalisent pas combien cela peut affecter psychologiquement une femme et la faire se sentir moins qu’un humain mais comme un objet. Aujourd’hui alors même que j’ai grandi, il m’arrive encore d’être témoin de cette agression sur d’autres filles dans la rue. Quand on conduit une moto ou une voiture, les remarques ne sont pas moins sexistes. Que fait-elle ? Prostituée ? Quelqu’un t-a offert la voiture, n’est-ce-pas ? T’a-t-on délivré le permis de conduire déjà tout prêt à emploi à ton domicile ? Autant de propos déplacés qui sont lancés aux femmes en circulation. Quand vous négociez le coût de la course d’un conducteur de taxi-moto avant de vous asseoir, il n’est pas rare de l’entendre vous dire : Toi aussi, tu te plains ? N’es-tu pas une femme ? Tu ne devrais pas manquer d’argent. Ce sont des remarques récurrentes voire journalières. Cela reflète malheureusement la perception de beaucoup d’hommes : les femmes ont de la facilité à avoir de l’argent car en obtiennent chez les hommes, sans efforts ou généralement contre quelques faveurs sexuelles. Je ne manque pas lorsque cela m’arrive, de rappeler que la femme gagne son argent en travaillant aussi dur que l’homme.

Le féminisme sert-il la cause de la femme selon vous ?
Je connais des jeunes femmes maliennes, guinéennes, béninoises, tout simplement africaines qui sont féministes. Je peux vous dire que je les admire. Ces brillantes femmes ne clament pas le féminisme mais posent des actes concrets et pacifiques en véhiculant une féminité positive pour faire bouger les lignes. Elles passent outre les codes qui embrigadent les femmes et s’épanouissent. Je pense qu’il n’y a pas assez de féministes en Afrique et qu’il y en aura plus.

Les femmes sont-elles solidaires entre elles ?
La solidarité féminine au sein de ma génération se fait sentir de plus en plus et il faut s’en réjouir. C’est vrai que cette sororité n’est pas encore aussi poussée et soudée que chez les hommes. Ah oui ! Ça, il faut le reconnaitre aux hommes. Nous les femmes, en sommes encore loin. Les femmes du même milieu social ne sont pas solidaires entre elles. Une femme est systématiquement vue comme une concurrente, une rivale par une autre femme. Cet état d’esprit est même nourri par les hommes. Je pense que plus une femme est instruite, plus son esprit s’ouvre et s’élève au-dessus de ces considérations qui ne promeuvent pas la femme.

Pensez-vous que les mères d’aujourd’hui ont une obligation vis-à-vis des femmes de demain ?
Je parlerai d’un beau défi car elles sont appelées à éduquer les femmes et les hommes de demain. C’est un gros challenge en matière d’éducation que de donner ce qu’on n’a pas reçu soi-même mais il faut le relever, inculquer les valeurs d’équité et de respect aux jeunes garçons pour donner un avenir meilleur aux générations futures de femmes. C’est une responsabilité que les femmes de ma génération ont compris qu’elles doivent assumer. Je pense que les filles d’aujourd’hui et femmes de demain ont plus de chance que nos mères n’en ont eu car elles vivront dans des sociétés plus équilibrées et plus justes.

Que diriez-vous à votre jeune sœur qui souhaite se reconvertir dans le secteur de la mode ?
Je lui dirai d’avoir un mental fort et le cœur bien accroché. Le secteur de la mode fait vivre les mêmes sensations que les montagnes russes. Je lui dirai de définir clairement sa vision, ses objectifs et d’être tenace.
Propos recueillis par Frédhy-Armel BOCOVO (Coll)



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