23h23, heure miroir propice aux rencontres et à l’amour. Exception n’est pas faite à la règle ce vendredi nuit sur le tronçon Ceg1 Godomey-PK14. Malgré le ciel un peu menaçant, la parade des belles-de-nuit bat son plein. Elles se distinguent de la masse par leur habillement à susciter l’érotisme. Si certaines d’entre elles restent débout à l’écart, la plupart sont à deux ou à trois le long du tronçon, tels des passagers en quête d’un transport en commun. Par contre, il y en a qui sont assises sous des hangars. Lorsqu’un potentiel client passe, elles interviennent aussitôt. Il n’est pas rare de voir bon nombre d’entre elles en train de mâcher du shewing-gum. Tout homme qui prend par les parages, reçoit le code d’appel qui est le même à tous les niveaux. C’est seulement la langue dans laquelle l’appel est fait qui varie par moment. ‘‘Checo wa bó’’ en Fon. Ce qui veut dire : ‘‘chéri, viens s’il te plaît’’. Il est à signaler que lorsqu’un client prête attention à cet appel, il n’y pas d’autre débat à faire encore moins du dilatoire. Il faut aller droit au but. Pas besoin donc d’aller par quatre chemins avant de dire s’il s’agit d’un service d’une heure, de deux heures ou de passer toute la nuit. Seulement, les prix varient d’une prostituée à une autre. Normalement, c’est 5K selon le jargon du milieu ce qui veut dire 5000F CFA, l’heure. « Mais si c’est un ouvrier qui a l’habitude d’éjaculer après cinq minutes, 2000F CFA l’heure est acceptable. Toute la nuit peut varier de 20K à 50K », fait savoir l’une des travailleuses de sexe.
En peu de temps, il a été noté que des fidèles clients connaissent leurs préférées et les appellent par des pseudos. Ainsi, il y a ‘‘La Tigresse’’, ‘‘Petit Paradis’’, ‘‘Zomatchi’’, ‘‘Maison Blanche’’, pour ne citer que ceux-là. Cependant, elles déclinent catégoriquement tout autre débat que celui qui concerne ce pour quoi elles sont là. Comme un jour de grâce, le trinôme auquel appartient ‘‘La Tigresse’’ a difficilement accepté de se prêter à une autre préoccupation après un arrangement. Les conditions qui s’ajoutent, c’est que dès l’arrivée d’un vrai client, le débat est clos et cela ne doit pas dépasser trois à cinq minutes. A la question de savoir pourquoi le surnom ‘‘La Tigresse’’, celle qui fait déjà près d’une décennie dans le plus vieux métier du monde répond : « Moi, je gère tout. Tu peux être titan, bulldozers, bateau ou encore cheval, si tu viens vers moi, je te maîtrise et je t’anéantis après t’avoir fatigué. C’est eux-mêmes qui m’ont donné le surnom et tout le monde commence à m’appeler ainsi ».
« C’est la faute à celles qu’on arrête »
Une autre du trinôme se porte volontaire pour répondre à une préoccupation qui fait l’actualité. « C’est la faute à celles que les éléments de la police arrêtent. C’est même bien fait pour elles. En toute chose, il faut se respecter et connaître ses limites. Par exemple, la Police maîtrise les coins des gangsters. Tant qu’ils n’exagèrent pas, on les laisse tranquilles dans leur coin. Après tout, c’est la décision de l’Etat et c’est irrévocable », affirme-t-elle. La grande majorité des clients interrogés sur le terrain estiment qu’il y a une chasse aux sorcières de la part des autorités policières. « Il y a trop de zèle chez le chef de l’Etat. J’estime que c’est lui qui donne des instructions aux autorités de la Police Républicaine. On dit que c’est pour préserver la bonne image de la ville pour le tourisme. Donc pour satisfaire les étrangers, il faut chaque fois rendre la vie plus difficile aux filles et fils du pays. De plus, quand les touristes viennent dans le pays, ils profitent du service des prostituées.
On ne sait pas si c’est ce domaine qu’il veut aussi contrôler. Avant de commencer à arrêter les prostituées, il va d’abord falloir leur aménager un emplacement. Je pense que les autorités doivent revoir leur copie », fustige un client. Dans une ruelle non loin du cimetière PK14, il y a également un quartier général (QG) des filles de joie, plus âgées que les premièrers rencontrées. Elles tutoient la quarantaine pour la plupart. Ce qui retient l’attention à leur niveau, c’est qu’il n’y a pas de tenue trop sexy. Elles s’habillent décemment en pagne et s’asseyent non loin d’une maison close. Tout homme qui traverse la Vons doit pouvoir entendre : ‘‘Checo wa bó’’. Une d’entre elles est aperçue un peu isolée, manipulant son téléphone et sa sacoche posée sur ses cuisses, accepte de se confier. « Tout d’abord, l’Etat ne fait pas quelque chose et on dit qu’il a tort. Et après, celles qu’on arrête sont celles qui ne veulent pas se respecter un peu et reconnaître leur place. Nous, on est ici depuis des années mais personne ne nous a arrêtées et cela ne risque pas d’arriver. L’Etat a le droit de limiter les excès et les dérapages », affirme-t-elle.
« Veiller à ce qui sape les efforts consentis »
Un avis que partage Urbain Amétépé Aboki, spécialiste des questions de tourisme. « Le chef de l’Etat definit sa politique de développement. A ce titre, il doit pouvoir veiller à tout ce qui peut saper les efforts consentis au profit du développement. Même si les touristes doivent avoir besoin de compagne, ce n’est pas souvent celles qui traînent sur les places publiques pour harceler les passants. Quand vous allez dans un pays et grâce à la rigueur imprimée, toute chose est en ordre, c’est beau, on le raconte et on prend ce pays pour exemple chaque fois quand il va s’agir de ce cas. Et je pense que c’est dans cette dynamique que les autorités du Bénin se sont inscrites », fait-il savoir. Pour l’instant, de Cotonou à Parakou, les Forces de sécurité et de défense poursuivent leur mission et n’entendent pas démordre. Les filles de joie traquées, pour le moment, ne peuvent qu’obeir à ce qui leur est reproché.
Fidégnon HOUEDOHOUN
- 11 octobre 2024